16 novembre 2025,
– Le 16 novembre 2025,
se clôturait la concertation préalable concernant le projet du Centre national de primatologie à Rousset. Parmi les possibilités données au public pour intervenir, la rubrique « avis » permettait d’envoyer des arguments sous la forme d’un texte ne dépassant pas 2.000 caractères. Au total, plus de 2.000 avis ont été publiés, majoritairement défavorables. Nous remercions le sénateur Arnaud Bazin, avec qui nous sommes en contact pour d’autres sujets, qui a envoyé trois « avis » fort pertinents. Nous remercions aussi celles et ceux de nos adhérents qui ont diffusé nos arguments et, pour certains, des liens vers notre site.
Parmi les tout premiers, l’avis d’André Ménache, président d’Antidote Europe, a été publié le 28 octobre en ces termes :
« Le Pr Procyk affirme que le cortex frontal participe à la prise de décision et au comportement de résolutions de problèmes, qu’il est impliqué dans quasiment toutes les maladies psychiatriques et pourrait nous aider à comprendre comment y remédier. Il justifie ainsi l’utilisation de singes pour des études neurologiques et psychiatriques.
Antidote Europe (https://antidote-europe.eu) rappelle que le cerveau du singe n’est pas un modèle réduit du cerveau humain. La localisation et la fonction de certaines aires diffèrent entre le singe et l’homme. Par exemple, les humains ont des aires de transformation visuelle qui n’existent pas chez le singe, la zone visuelle 1 représente 10% du cortex total du singe, mais seulement 3% chez l’homme. Un neurone humain créé entre 7.000 et 10.000 synapses (connexions) alors qu’un neurone de singe rhésus en crée entre 2.000 et 6.000. Bien d’autres exemples de différences pourraient être cités si cette rubrique le permettait.
En raison de la nature multifactorielle de troubles tels que la dépression et l’anxiété, et des ambiguïtés inhérentes au diagnostic et au traitement psychiatriques, l’utilisation de modèles animaux en psychiatrie présente des défis uniques. De quelle utilité peuvent être ces modèles alors qu’il est possible, par l’imagerie médicale, d’étudier le cerveau humain de patients atteints de troubles psychiatriques qui se porteraient volontaires ? Dans les mots du professeur en imagerie Paul Furlong (lors d’une présentation au Parlement européen en 2008) : « Des techniques de neuroimagerie courantes comme la magnétoencéphalographie (MEG) et l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) offrent de réelles opportunités pour remplacer l’expérimentation sur des primates dans les neurosciences cognitives » ».
Le 9 novembre, un « avis » soumis par Anne Beuter, professeure de neurosciences et membre de notre comité scientifique permanent, était publié aussi : « Avis défavorable. Le projet contient tous les éléments de langage et de communication classiques. Le texte montre que le projet proposé est logiquement la meilleure solution pour l’avenir. Je ne rentrerai pas dans une critique sur la forme mais comme neuroscientifique je ferai des remarques sur le fond. Depuis des dizaines d’années la recherche basée sur les animaux est marquée par de nombreuses limitations qui sont bien connues et qui limitent drastiquement les prédictions qu’on peut faire pour les humains. A aucun moment le texte n’aborde la question de la pertinence de ce projet dans un contexte historique ou international. C’est infiniment regrettable pour l’avenir de la recherche en France. Certaines informations contenues dans le texte sont manifestement biaisées (exemple, page 19 sur la stimulation cérébrale profonde) voir Ménache et Beuter (2015) et Beuter (2017). Ce projet avance résolument en sens contraire de l’histoire et arrive a une époque où le pays le plus en avance dans le domaine de la recherche scientifique, médicale (les USA) se détourne des tests réalisés sur les animaux et s’engage vers de nouvelles méthodologies alternatives comme les « organs-on-chips », la modélisation mathématique des maladies, les thérapies dites régénératives,…). Ces méthodes alternatives sont moins couteuses et respectent les principes éthiques qu’on attend de la recherche ce qui est vraiment important. Les USA investissent massivement dans des alternatives plus pertinentes pour l’espèce humaine et proposent aujourd’hui de standardiser les nouveaux modèles « d’organoïds » (structures cellulaires en 3 dimensions qui répliquent la structure et la fonction des organes humains). Ces perspectives vont générer de nombreux emplois en collaboration avec l’industrie. Je comprends que les chercheurs engagés dans la recherche sur les animaux depuis des années voient cette évolution d’un œil inquiet mais il faudra bien se rendre à l’évidence un jour prochain (j’espère). »
