Le 5 avril 2014 se tenait l’assemblée générale d’Antidote Europe, à Paris.
Le rapport moral 2013 était très riche, notamment du succès de la collecte de signatures pour l’initiative citoyenne européenne Stop Vivisection. Cette action est ralentie en ce moment en raison des élections au Parlement européen, où nous devrions prochainement être invités pour y exposer nos arguments. Tenez-vous au courant et informez votre entourage grâce au site http://www.stopvivisection.eu.
Autre point fort de notre rapport, la publication de nouveaux articles scientifiques dans la littérature internationale, publications dont nous rendons compte sur notre site avec une page dédiée tout récemment mise à jour : https://antidote-europe.eu/publications-presse-scientifique/.
Le rapport financier a également été approuvé à la quasi-unanimité (sauf une abstention sur les plus de cent membres à exprimer leur vote). Le nombre de nos adhérents a légèrement augmenté par rapport à l’année précédente mais nous avons besoin de plus de soutien et de plus de personnes capables de relayer notre message. Si vous connaissez des personnes intéressées, n’hésitez pas à encourager les adhésions !
Les animaux peuvent-ils être des modèles biologiques de l’homme ? Les chercheurs qui ont créé Antidote Europe démontrent que non. D’autres chercheurs soutiennent le contraire. Pourquoi ne pas les confronter ? C’est ce que devrait faire le gouvernement. Il en va de notre santé à tous.
Par Claude Reiss
Les recherches faites sur des animaux fournissent-elles des données pertinentes pour comprendre et guérir les maladies humaines ? Pour permettre de prévoir les réactions d’un organisme humain face à une substance chimique donnée (médicament ou autre) ?
Cela fait plus d’un an qu’Antidote Europe, association créée par des chercheurs issus du CNRS, a demandé au CNRS, à l’INRA, à l’INSERM et à leurs ministères de tutelle, d’organiser un débat strictement scientifique (la défense et les droits des animaux ne relèvent pas de sa compétence) sur cette question. Aucun de ces trois Etablissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) n’a accepté. Les ministères n’ont même pas répondu.
Dans la littérature scientifique, de nombreux arguments contre l’utilisation d’animaux sont publiés. Mais également de très nombreux articles décrivant des expériences faites sur des animaux. Au sein de la communauté scientifique, les camps sont bien séparés. Pourquoi alors ne pas organiser un débat et trancher cette question une fois pour toutes ? En réalité, le débat s’amorce, sinon dans les ministères, du moins dans les médias et lieux publics, ce qui est déjà une bonne chose.
Des chercheurs se rencontrent
A la Cité des Sciences (le 7 décembre 2013), le débat « L’Expérimentation animale est-elle encore légitime ? » a opposé Claude Reiss, président d’Antidote Europe, à divers intervenants dont François Lachapelle, président du GIRCOR, un lobby de l’industrie pharmaceutique dont l’objectif est de faire accepter l’expérimentation animale par l’opinion.
Il s’agissait évidemment de l’expérimentation sur des animaux pris comme « modèles » de l’homme. D’entrée de jeu, je démontre, au moyen d’un argument que nos lecteurs connaissent bien, qu’aucune espèce n’est un modèle biologique pour une autre. Ce constat n’a soulevé aucune objection ni commentaire, car impossible de prouver le contraire. Donc l’expérimentation sur un animal modèle de l’homme n’est pas légitime. Je rappelle alors les graves conséquences sur la santé humaine des tests de toxicité et des recherches médicales sur ces « modèles » qui n’en sont pas, et les perspectives de santé catastrophiques dans les décennies à venir si on continue ainsi. Nous étions là au cœur du thème du débat, mais ni les participants, ni la modératrice ne s’en sont apparemment aperçus.
Sans surprise pour nous, nos adversaires ont esquivé le débat pour répéter leurs sempiternelles affirmations : on a toujours fait comme ça, on ne peut pas faire autrement, les chercheurs « aiment les animaux » et n’aiment pas faire souffrir les animaux et le bien-être de ceux-ci est bien pris en compte par la règlementation qu’ils appliquent eux-mêmes, etc. Ils oublient, vraisemblablement, qu’ils sont payés non pour assurer le bien-être animal mais pour obtenir des données utiles pour la santé de l’homme.
Il y eut finalement deux intervenants, une chercheuse qui admet qu’il y aura « un jour » la fin du recours au « modèle » animal, qu’elle espère encore voir (elle doit être dans la quarantaine… elle étudie actuellement les premières étapes du développement embryonnaire… chez le poisson zèbre, dont elle ne prétend pas qu’il est un modèle de l’homme). Il eut aussi un responsable de l’INERIS, qui prévoit prochainement de remplacer les études sur les modèles animaux par celles sur des organoïdes (des miniorganes humanisés) dérivés de cellules souches humaines.
J’ai terminé mon intervention en citant la toxicogénomique sur des cultures de cellules humaines établies. Le président du GIRCOR ne pouvait s’empêcher, comme de coutume, de faire étalage de son ignorance, en taxant de « malhonnêteté » l’identification d’une substance cancéreuse sur des cellules dérivées de tumeurs : même un étudiant débutant en biologie sait que les cellules établies que nous avons utilisées sont bien immortelles et stables, sont en service dans tous les laboratoires de biologie du monde depuis bientôt 50 ans et sont capables d’identifier une substance cancérigène, en comparant la réponse de la cellule exposée à celle de la cellule non exposée. Nous sommes déçus de ne pas avoir eu un peu plus de temps de parole, ni la possibilité de montrer des graphiques très parlants, qui avait été acceptés d’abord puis annulés durant le débat. Curieux ? Ils m’auraient évité d’avoir à faire de longues explications au cours desquelles j’ai été plusieurs fois interrompu par la modératrice. Nos arguments ont quand même pu être exposés et leur rigueur scientifique a été appréciée même par des auditeurs non biologistes (voir www.cite-sciences.fr/fr/conferences-du-college/seance/c/1248139023179/-/p/1239022827697/).
Un deuxième débat a eu lieu sur France Inter le 10 décembre 2013. Les auditeurs avaient plébiscité le sujet : « Les alternatives à l’expérimentation animale ». Plus de 500 commentaires sur le site de la radio, un nombre « tout à fait exceptionnel », d’après le journaliste animateur. Ce dernier a invité à la dernière minute… F. Lachapelle, suite probablement à l’intervention du lobby dont ce dernier est le président. Conformément au thème de l’émission, j’indique que concernant la santé humaine, le modèle animal n’existe pas, on ne peut faire autrement que de travailler avec du matériel biologique d’origine humaine, nos cellules en particulier, par exemple avec la toxicogénomique sur lignées établies et depuis peu sur des cellules pluripotentes induites. Lachapelle ne dit mot sur les méthodes alternatives modernes –à se demander pourquoi il a été invité à l’émission ?- mais l’animateur laisse généreusement à son invité-surprise le temps pour déclarer longuement son amour des animaux et son respect des 3R. En fin d’émission, Lachapelle m’accuse une fois encore d’être « malhonnête » pour évaluer les toxicités sur des lignées cellulaires établies, mais l’animateur n’a pas donné la parole à l’accusé pour remettre l’accusateur à sa place (voir www.franceinter.fr/emission-la-tete-au-carre-le-choix-des-auditeurs-les-alternatives-a-lexperimentation-animale, où je relève et dénonce comme ineptes les élucubrations de Lachapelle). Les invitations à un débat, le temps de parole et le moment de l’intervention des invités, l’orientation d’un débat dans un sens ou l’autre, sont laissées au bon plaisir de l’animateur…
Débat il y a
Il y a encore quelques années, des chercheurs qui utilisaient des animaux prétendaient qu’il y avait unanimité au sein de la communauté scientifique sur cette question et que la recherche animale est nécessaire au progrès de la médecine humaine. Et puis, des chercheurs comme ceux d’Antidote Europe en ont prouvé l’illogisme et montré l’inutilité et les graves dangers pour la santé humaine. Les chercheurs mis en cause et les établissements publics qui les emploient sont devenus étrangement silencieux, même quand nous les invitons à débattre de cette question. On voit éventuellement un individu comme Lachapelle oser participer à un débat après s’être bien assuré qu’il pourrait y faire son numéro : feindre de ne pas entendre les arguments auxquels il ne peut répondre, réciter son couplet sur son amour des animaux, le respect des 3R, puis proférer des invectives infondées qui démontrent simplement son incompétence.
Un vrai débat pour discuter l’intérêt de l’expérimentation animale pour la santé publique, devrait être organisé de façon formelle par les ministères concernés, avec de part et d’autres de vrais scientifiques, courtois et utilisant des arguments logiques. Ce débat, modéré par une personnalité neutre, devrait donner lieu à un rapport présentant des conclusions claires et des recommandations sur l’orientation des politiques de santé et de recherchebiomédicale. Un tel rapport devrait être mis à disposition du public afin que chacun puisse évaluer les mesures concrètes qui seraient prises suite à ses recommandations.
Les scientifiques d’Antidote Europe sont prêts à participer à ce débat, à démontrer qu’aucune espèce animale n’est le modèle biologique de l’homme. Qu’en est-il des chercheurs qui défendent l’expérimentation animale ?
Une campagne en cours
Le titre de cet article est aussi celui de l’une de nos campagnes en cours. Vous les trouverez toutes détaillées sur notre site.
Le 13 décembre 2013, nous diffusions un communiqué de presse. Le 20 décembre, trois membres de notre association étaient interviewés par le Journal du dimanche, qui ne reprenait que très partiellement nos propos. Le 5 janvier 2014, nous étions interviewés par RTL qui ne diffusait rien du tout. En France, beaucoup de travail reste donc à faire. Heureusement, ça marche mieux en Italie, le pays qui a recueilli à lui seul plus de 500.000 signatures pour l’initiative citoyenne européenne Stop Vivisection. Suite à une conférence que j’ai donnée à Rome, la presse italienne a bien relayé le problème non en termes de bien-être animal mais de pertinence pour l’homme des données obtenues sur des animaux.
En 2014, deux élections se profilent. Plusieurs cadres des Verts ont signé l’initiative citoyenne européenne Stop Vivisection, suite à la demande de militants qui recueillaient des signatures. Nous avons été reçus par une représentante du Parti populaire européen, qui a paru très intéressée par nos informations. Mais la prise de conscience aura-t-elle été suffisante pour évoquer ce sujet dans les programmes de ces partis ? L’Alliance écologiste indépendante nous a consultés à l’occasion de la préparation des Européennes. Plusieurs de ses responsables ont également signé l’initiative citoyenne européenne Stop Vivisection. Le Mouvement Hommes Animaux Nature (MHAN) m’a invité à donner une conférence à Paris le 16 février 2014. Ces deux partis ayant déjà proposé d’abolir l’expérimentation animale, nous espérons qu’ils resteront sur cette ligne et que nos propositions seront toujours présentes dans leurs programmes. De votre côté, n’hésitez pas à interpeller les candidats qui sollicitent vos voix, tant pour les Municipales que pour les Européennes, et à leur demander s’ils s’engageraient à organiser un débat strictement scientifique sur la pertinence du « modèle animal ».
Tous les moyens sont bons pour imposer les OGM, à commencer par les si pratiques tests sur des animaux. Un scientifique indépendant présente des résultats exactement contraires à ceux présentés par le fabricant de ces OGM. Punition : le journal retire sa publication ! Motif avoué ? Comprenne qui pourra…
Par Claude Reiss et André Ménache
En septembre 2012 éclatait l’affaire Séralini, professeur de biologie à l’Université de Caen et membre du CRIIGEN. Il venait de publier un article dans Food and Chemical Toxicology, relatant les résultats édifiants de rats exposés à un maïs OGM et à l’herbicide auquel il résiste, qui au bout de 2 ans avaient développé de volumineuses tumeurs. Nous vous en parlions dans La Notice de décembre 2012 et sur notre site (« Un moucheron attaque l’empire des OGM »). Nous nous étonnions du nombre de scientifiques hostiles à Séralini, commandités ou non par le fabricant du maïs et de l’herbicide (appelons-le MOS) qui, lui, restait apparemment silencieux mais se livrait en sous-main à d’intenses tractations pour décrédibiliser le travail de Séralini. Les critiques concernaient la méthode de l’étude. Or, c’était exactement la méthode utilisée par MOS, dans son dossier pour obtenir l’autorisation de commercialiser ce maïs et l’herbicide associé.
Nous écrivions à l’époque : « cette étude souffre de faiblesses méthodologiques, évidentes même pour un chercheur débutant, qu’un routier aguerri comme Séralini n’a pu ignorer. On peut donc légitimement se demander quelle aurait été sa véritable motivation pour effectuer et publier une étude qui ne pouvait qu’attirer des critiques acerbes, auxquelles un chercheur évite de s’exposer, sauf à viser un objectif qui en vaille vraiment la peine. Si c’est le cas, à Séralini de le dévoiler. »
A part que nous n’accordons aucun crédit aux recherches faite sur des animaux « modèles » de l’homme, rat ou autres, il nous semblait évident que l’objectif premier de Séralini était de démontrer que l’autorisation de vendre l’OGM et son herbicide avait été donnée complaisamment à MOS par ceux-là mêmes qui critiquaient à présent la méthode, précisément celle de l’industriel pour obtenir l’autorisation. Cette incohérence faisait soulever les sourcils à de nombreux chercheurs, qui sont intervenus de diverses façons pour soutenir Séralini. Le grondement dans le milieu de la recherche qui s’en suivit déplaisait évidemment à ceux –nombreux- qui s’étaient engagés pour éviter que l’image de marque de MOS ne soit ternie. Pour cela, il leur fallait frapper le plus fort possible : une seule solution, faire retirer la publication de Séralini de Food and Chemical Toxicology.
Cela ne s’appellerait-il pas « censure » ?
Cela paraissait aussi impensable que de vouloir faire tourner la Terre à l’envers. C’est pourtant ce qui s’est produit en novembre dernier, dans des circonstances bizarres. Le journal, qui avait initialement estimé que le travail « avait du mérite malgré ses limites » (petit « nombre d’animaux testés dans chaque groupe et la souche particulière de rats sélectionnée »), estime à présent, soit plus d’un an après la publication, que « les résultats présentés sont peu concluants et n’atteignent donc pas le seuil de la publication. » Lors d’une conférence de presse, Séralini proteste : « Il n’y aucune fraude relevée, aucun manque d’intégrité dans les données brutes que je leur ai transmises, mais ils me demandent de retirer l’étude ! » Il refuse d’obtempérer puisque les études menées par l’industriel, avec la même souche de rats, le même nombre d’animaux et le même OGM –mais concluant à l’absence d’effets- n’avaient pas été critiquées. Un argument imparable, qui n’a pas empêché le journal de retirer son papier d’autorité. Du jamais vu !
Comment ce journal a-t-il pu faire cette volte-face et se met à plat ventre devant MOS ? Séralini rapporte durant sa conférence de presse que début 2013, Food and Chemical Toxicology avait recruté un rédacteur en chef associé, ex-salarié de MOS et actif au sein de l’ILSI, un lobby industriel qui réunit la plupart des groupes agrochimiques actifs dans les OGM (dont MOS). La coïncidence entre ce recrutement et le retrait d’office du papier de Séralini, qui infligeait un sérieux revers au produit phare de MOS, ne saurait évidemment être qu’un effet du hasard…
Nous possédons une longue liste de lobbies industriels dans les domaines de la chimie, de la pharmacie, du tabac, de l’agroalimentaire… Tous sont richement dotés par les industries qui les emploient pour défendre leurs intérêts financiers. Leur moyens financiers se chiffrent en dizaines de milliards d’euros ou de dollars, en face desquels la santé publique compte pour du beurre. Jusqu’ici, les activités des lobbies s’exerçaient principalement dans les arrière-boutiques des autorités nationales, européennes ou internationales en charge de la santé. Le plus souvent, les lobbies soufflent aux attachés et conseillers des mesures en faveur des industriels qu’ils défendent, il leur arriverait même de tenir la plume pour rédiger circulaire, directive, loi… allant dans le même sens. Pour les conditionner ou en guise de récompense, ces conseillers compréhensifs sont invités dans les meilleurs restaurants ou dans des hôtels prestigieux situés dans des endroits paradisiaques, il se pourrait même que l’on ait « oublié » une « enveloppe » sur leur bureau…
Jusqu’ici, ces manœuvres se déroulaient apparemment avec discrétion et entre gens du monde. Là, le ton a monté d’un bon cran, le scandale se passe au grand jour et instille un fort doute dans l’opinion : « Vous ne pouvez plus croire la science là où il y a de forts intérêts financiers », commente Séralini.
Que disent nos cellules ?
« Une mouche survient » comme le disait le bon La Fontaine, ou plutôt un moucheron, par allusion au titre de notre article dans La Notice de décembre 2012. Comme dans toute bonne pièce ou roman, il y a un coup de théâtre : ici, une nouvelle publication de Séralini, cette fois-ci en béton. A partir d’études sur des cellules humaines établies en culture, la publication –sous presse dans Biomed Research International mais dont nous avons pu nous procurer copie- indique les effets de 9 pesticides (3 herbicides dont le Roundup, 3 insecticides et 3 fongicides) purs ou dans leurs formulations commerciales, en usage courant planétaire, domestique et agricole. Huit de ces formulations sont des centaines à 1 000 fois plus toxiques que les pesticides purs, alors que les toxicités des ingrédients ajoutés dans les formulations ne sont jamais évaluées par les fabricants, et le plus souvent même pas mentionnées.
On peut, à ce stade, dresser le bilan suivant de ces 15 mois de confrontations entre Séralini et la nébuleuse de lobbyistes de MOS et d’autres entreprises :
1° avec un protocole identique à celui utilisé par MOS pour obtenir l’autorisation de mise sur le marché de l’OGM et de l’herbicide auquel il résiste, Séralini montre que l’on obtient un résultat exactement opposé à celui de MOS en prolongeant la durée de l’expérience de 3 à 24 mois ;
2° la publication du travail de l’équipe Séralini mobilise en France, en Europe et au-delà, des dizaines, voire centaines « d’experts » scientifiques, dont beaucoup sans compétences dans le domaine, pour dénoncer ce protocole, mais en omettant soigneusement de dénoncer aussi le même utilisé par MOS ;
3° plus d’un an après sa publication, le manuscrit est retiré de la revue, sans autre critique que l’insuffisance de la méthode, avec la complicité possible de MOS ; cette opération soulève la réprobation de beaucoup de chercheurs, qui la considèrent comme une incursion du pouvoir économique dans le domaine scientifique, au mépris du respect de la santé publique et de la liberté académique ;
4° Séralini et ses collègues publient à présent un travail montrant que des cellules humaines en culture, exposées aux formulations commerciales de 8 pesticides dont celui de MOS, subissent des agressions cytotoxiques à des doses cent à mille fois plus faibles que celles provoquées par les pesticides purs, mettant pour la première fois en évidence les toxicités redoutables de ces adjuvants pour l’homme. Ce travail est techniquement irréprochable, mais on aimerait aussi connaître les diverses toxicités des pesticides à des concentrations inferieures à leurs cytotoxicités.
Il sera intéressant d’observer la riposte des « experts » qui sont montés au créneau il y a 18 mois. Il y en a déjà une, exprimée bruyamment par le président du lobby de la pharmacie GIRCOR (Groupe Interprofessionnel de Réflexion et de Communication sur la Recherche), qui promeut la recherche animale. Dans un autre contexte, ce président traite de « malhonnête » le recours aux lignées établies, étalant ainsi au grand jour son ignorance de ce que sont les lignées établies… que ses collègues de l’INSERM utilisent depuis un demi-siècle. Le lobbying fait par des « experts » de ce calibre va être l’occasion de franches rigolades…
Retour à l’essentiel
Toute cette affaire montre une fois encore qu’Antidote Europe est dans le vrai : seul le travail sur du matériel biologique d’origine humaine est à même de révéler des risques pour l’homme et toute autre approche est vouée à controverses stériles et sans fin, tandis que la santé publique se dégrade. Elle montre aussi que des « experts » souvent autoproclamés ou sélectionnés par les industriels pour leur souplesse d’échine, défendent n’importe quelle cause si elle leur rapporte ne serait-ce que gloriole.
Encadré
La nouvelle étude de Séralini présente beaucoup d’analogies avec notre étude « Test cancer », portant sur des mélanges de pesticides, effectuée en collaboration avec l’équipe du Pr Coleman (La Notice d’Antidote de septembre 2012). La méthode que nous avons employée est aussi à disposition pour tester les OGM. L’étude de Séralini a été effectuée sur des lignées de cellules humaines « établies », c’est-à-dire que chacune a une origine unique, la capacité d’être sous-cultivée indéfiniment (« immortelle ») tout en conservant des caractéristiques stables. Il s’agit de cellules embryonnaires de rein (HEK293), de placenta (JEG3) et de foie de jeune adulte (HEPG2).
La cytotoxicité des pesticides purs et en formulations a été évaluée en mesurant l’activité de la deshydrogénase succinate mitochondriale (essai MTT), confirmée par l’observation de l’apoptose (essai caspase 3/7). Nous avions formulé un projet d’étude des OGM et de pesticides par toxicogénomique dans La Notice de mars 2013 (page 8), sur 3 lignées de cellules humaines, dont HEPG2 et deux lignées neuronales. Une telle étude aurait l’avantage de ne pas seulement indiquer le seuil de cytotoxicité –concentration qui tue la moitié des cellules exposées- mais aussi les dommages subis par les cellules exposées durant divers laps de temps à des concentrations plus faibles des pesticides, qui pourraient indiquer si (et au bout de quel temps d’exposition) ces derniers seraient neurotoxiques, cancérigènes, reprotoxiques, affectent le système cardio-vasculaire, le développement et la mise en place du système nerveux central (autisme en particulier, c’est probablement le cas vu les effets sur les mitochondries), miment l’effet d’hormones, etc. La toxicogénomique permettrait aussi de décrire les mécanismes précis responsables de ces dommages, d’apprécier les toxicités éventuelles des métabolites de ces pesticides (utilisation de la capacité de métabolisation des cellules hépatiques HEPG2) et même les toxicités de leurs mélanges.
Image : couverture N32
Légende : En septembre 2012, nous publiions le résultat de notre étude « Test cancer », portant sur les effets de mélanges de pesticides sur des cellules neuronales humaines. Les méthodes que nous avons utilisées sont à disposition pour l’étude des effets des OGM.
Nous connaissions déjà les effets du bisphénol A. Voilà que de nouveaux perturbateurs endocriniens ont été mis en évidence dans des poissons gras sauvages ou d’élevage. C’est très inquiétant car ces substances peuvent avoir des effets biologiques à des doses bien inférieures à celles prises en compte par la réglementation.
Par Claude Reiss
L’industrie chimique déverse sur la planète annuellement des dizaines de millions de tonnes de molécules dont beaucoup agissent comme des hormones, perturbant notre propre système hormonal. Ces perturbateurs endocriniens (PE) ont des activités délétères de plus en plus visibles dans la population humaine : carences au cours du développement embryonnaire, cancers dépendants d’hormones (sein, prostate), infertilité, obésité, malformations génitales, problèmes neurologiques de plus en plus fréquents chez les enfants et les adolescents (hyperactivité, déficit d’attention, etc.). Ces manifestations commencent à inquiéter les autorités sanitaires, qui cherchent à identifier ces perturbateurs, leurs cibles et leurs effets sanitaires. Or, les PE ont un comportement inhabituel : ils ont une très forte activité à des concentrations infinitésimales, en contradiction avec le principe de Paracelse (« la dose fait le poison »).
Des effets spectaculaires
Celles de nos cellules qui réagissent à l’activité hormonale sont munies de récepteurs spécifiques d’une hormone donnée, ou de son PE de substitution s’il est présent. Une fois attachée au récepteur, l’hormone déclenche dans la cellule une activité biochimique particulière qui peut être très intense. Chez la poule en période de ponte, par exemple, une molécule d’œstradiol (de l’ordre du millième de milliardième de milliardième (10-21) de gramme) relâchée par l’hypophyse se fixe sur son récepteur spécifique sur une cellule de l’oviducte en charge de produire le blanc d’œuf. Sous l’action de cette dose infime, cette cellule va fabriquer plusieurs centaines de fois son poids en blanc d’œuf par jour. La fabrication cesse en l’absence d’œstradiol, quand la poule cesse de pondre.
On comprend que ce type d’activité ait longtemps échappé aux chimistes, plus habitués à manipuler des doses mesurables à l’aide d’une balance. Dans les précédentes Notices, nous avons mentionné le bisphénol A (BPA), un polluant PE ubiquitaire dont nous sommes tous imprégnés, à notre insu. Il s’est glissé dans notre organisme par nos aliments, l’eau du robinet, les emballages alimentaires. Après une décennie de dénégations véhémentes, l’Agence européenne de sécurité des aliments a fini par reconnaître le danger –et son ignorance- et diviser par 10 la dose journalière acceptable, une mesure présentée comme provisoire en attendant des travaux pour lesquels d’autres laboratoires sont sollicités. Or, il y a urgence. On estime que les dégâts dus au BPA coûtent à la couverture sociale des milliards d’euros, rien que pour son rôle dans l’obésité des enfants et les maladies cardiovasculaires des adultes.
Les mêmes craintes pèsent sur d’autres PE, en particulier ceux contenant au moins deux noyaux benzéniques (un anneau de 6 atomes de carbone portant en alternance un ou deux atomes d’hydrogène). Le BPA fait partie de la famille des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), dont les dérivés chlorés (hydrogène remplacé par le chlore), notamment les polychlorobiphényles (PCB) ont la faveur de l’industrie chimique, car ils sont plutôt stables et très actifs. On les retrouve dans nombre de pesticides (Alaclor, Pyranol, DDT…). Le hic est que les HAP et les PCB sont très souvent des PE, mimant l’effet d’hormones comme l’œstradiol (puberté précoce chez les filles) ou leurrant les récepteurs hormonaux, donc empêchant une activité hormonale au moment où l’organisme y a recours (mise en place des caractères sexuels secondaires chez les garçons).
Bien qu’agissant à des concentrations infinitésimales, ces activités délétères qui ne se manifestent pas brutalement comme une toxicité aiguë, peuvent accompagner la victime durant sa vie, affectant la croissance, le système cardiovasculaire et la circulation sanguine, le système neuronal (troubles du comportement, insomnies, humeur instable…), les fonctions sexuelles et reproductrices (infertilité masculine, ménopause précoce, malformations génitales) et prédispositions à l’obésité, au diabète et, bien entendu, aux cancers.
Ces produits ont souvent une activité épigénétique, c’est-à-dire qu’ils stimulent ou répriment l’expression de certains gènes sans les muter, en modifiant chimiquement leurs environnements (chromatines) dans le chromosome. Ces modifications peuvent persister durant la division cellulaire et dans les gamètes, donc peuvent concerner les générations à venir. HAP, PCB, pesticides, etc., sont déversés sur la planète à l’échelle de millions de tonnes par an, soit en moyenne plusieurs kilos par personne. Ne parlons pas des effets toxiques des métabolites (produits dérivés de la substance après passage de celle-ci par le foie) de ces substances et de leurs effets synergiques, nous ne voulons pas désespérer nos lecteurs !
On trouve les affections ci-dessus principalement chez les adultes et les adolescents, mais souvent elles se mettent en place dès le stade fœtal et affectent le développement, jusqu’à présent de façon irréversible car elles résistent à toute correction médicale connue. C’est le cas des troubles évolutifs du développement (spectre d’Asperger, autisme) dont la morbidité s’envole depuis plus d’une décennie (aujourd’hui, un autiste sur 100 naissances en France !). Le BPA pourrait être l’une des substances en cause, car nos expériences de toxicogénomique ont montré que ce produit interfère avec la mise en place du système nerveux central chez l’homme (voir le hors série de La Notice d’Antidote).
Nous avons mené campagne avec un demi succès puisque le BPA est interdit dans les biberons, qui portent à présent un étiquetage triomphal « BPA free ». Mais le BPA est toujours autorisé dans les canettes, barquettes, bouteilles plastiques (le BPA sert de plastifiant) etc., et donc continue à imprégner les bébés nourris au sein (le BPA passe dans le lait maternel) et tous ceux qui ont passé le stade bébé, soit plus de 99% de la population.
Les nouveaux vilains
Or, voilà qu’apparaît une autre famille de substances « miracle » : les BDPE (BromoDiPhényl Ethers). Ce sont des produits ignifuges fabriqués à raison de 2,5 millions de tonnes par an. Ils sont intégrés à des plastiques (appareils électriques et électroniques), rembourrages (coussins en mousse de polyuréthane), moquettes, tapisseries, vernis… Ils sont donc présents dans l’air (y compris intérieur, écoles, lieux de travail), dans le sol où ils sont très persistants et même dans l’eau, bien qu’ils n’y soient pas solubles.
Par contre, ils sont très solubles dans les graisses animales, d’où une bioaccumulation importante et persistante. Les organismes aquatiques, filtrants (moules) ou poissons, gras en particulier, en absorbent beaucoup et les métabolisent comme hydroxy-BDPE ou métoxy-BDPE, beaucoup plus toxiques pour l’homme que le BDPE lui-même. Cette toxicité accrue des métabolites s’explique par une structure très proche des principales hormones thyroïdiennes, les thyroxines, qui sont des IodoDiPhényl Ethers. Le niveau de ces hormones dans l’organisme est soigneusement régulé, notamment par l’hypophyse et des boucles de rétroaction. Un excès (hyper-thyroïdie) ou une carence (hypo-thyroïdie) entraînent d’importants troubles physiologiques.
Il n’est donc pas étonnant que les métabolites des BDPE et des IDPE interfèrent entre eux dans l’organisme, notamment par compétition pour les transporteurs et les récepteurs de l’IDPE. Beaucoup d’activités dommageables des BDPE se manifestent comme l’hyper-thyroïdie :
– Effets sur la croissance et le développement fœtal, en particulier pour son système nerveux central. Les niveaux d’IDPE sont critiques dans les premiers mois de la vie, où ils assurent la mise en place des connexions neuronales, la myélinisation (gaine entourant les cellules neuronales). A la fin du premier mois de la gestation, le fœtus dépend des thyroxines de sa mère. Leur défaut peut empêcher la fermeture du tube neuronal (risque de spina bifida). La présence du BDPE, mimant un excès de thyroxine (hyperthyroïdie), favorise la différentiation des cellules neuronales au détriment de leur prolifération (cerveau de petit volume). D’après des données américaines récentes, de faibles quantités de BDPE suffisent à endommager les mitochondries neuronales qui fournissent l’énergie aux cellules, alors qu’elles en ont un besoin vital. (Chez l’adulte, l’hyperthyroïdie se traduit par l’irritabilité et l’excitabilité).
– Effets sur le squelette. Le BDPE stimule anormalement la maturation et la différentiation osseuse (ossification du cartilage) du fœtus, qui se poursuit en post-natal et favorise la petite taille (et l’ostéoporose chez l’adulte).
– Effets sur le métabolisme basal (thermogenèse), glucidique (hyperglycémie, diabète ?), lipidique (synthèse de cholestérol, tachycardie, AVC ?), protéïque (catabolisme excessif), rénal (augmente la filtration et le débit sanguin).
Les analogues des BDPE dans lesquels le brome a été remplacé par un autre halogène (fluor dans les perfluorés, chlore dans les PCB), présentent des activités semblables, du fait de leurs remarquables proximités structurales avec l’IDPE.
Claude Reiss a été interviewé sur ce sujet par la Radio Télévision Suisse pour l’émission « A Bon Entendeur » du 22 octobre 2013. Il fait partie des référents scientifiques de cette émission de défense des consommateurs.
Peut-on se défendre ?
Face à cette avalanche de problèmes déjà bien présents et qui vont aller en s’amplifiant, les ministres Martin (environnement) et Touraine (santé) ont lancé une consultation publique fin août 2013 pour développer une stratégie nationale sur les PE. Nous y avons répondu, recommandant de mettre en œuvre la toxicogénomique sur cellules humaines (à présent pluripotentes induites plutôt que lignées établies), visant les gènes des récepteurs hormonaux stéroïdiens et thyroïdiens ainsi que l’ensemble des gènes que nous avons déjà examinés dans nos études de toxicogénomique en 2004 (voir le hors série de La Notice d’Antidote).
Outre ses avantages en termes de fiabilité pour l’homme, de coût supportable et de rapidité d’évaluation, cette méthode a deux avantages uniques : permettre l’évaluation des métabolites des PE et l’évaluation de mélanges de PE, comme nous l’avons montré pour les substances chimiques en 2004 et les pesticides en 2012 (voir La Notice d’Antidote de septembre 2012 et notre site).
Malgré (ou peut-être à cause des ?) les activités dommageables des BDPE, les lobbies de leurs fabricants s’affichent non loin des bureaux de la Commission européenne. Le panel VECAP (Voluntary Initiative of the European Brominated Flame Retardant Industry Panel) regroupe plus de 80% des industriels du secteur ; un projet EBFRIP (Together with the industry’s global organisation) et un Forum BSEF (Bromine Science and Environmental Forum), richement dotés, diffusent depuis 2008 les « meilleures pratiques »… comprenez « la bonne parole » !
Mais que fait donc REACH, la règlementation européenne en matière de substances chimiques, entrée en vigueur en juin 2007 ? La mainmise des lobbies sur Bruxelles, le « Brussel’s Business » visible sur le Net, serait donc une réalité ?
Mesdames, si vous vous apprêtez à attendre ou si vous attendez un bébé : pas de poisson gras, pas de saumon fumé, surtout d’élevage, 10 fois plus riche en BDPE que le sauvage. Si votre bébé est là, bannissez les matelas et coussins en mousse, les couvertures en synthétique, exigez des produits garantis sans retardateurs de flamme, aérez sa chambre. Votre enfant vous en remerciera, quand il sera « normal » une fois grand !