La recherche fondamentale est celle qui se fait sans but autre que le progrès des connaissances. Elle ne vise pas à trouver des thérapies mais à comprendre des phénomènes biologiques, impliqués ou non dans des maladies. Il y a deux catégories de recherches fondamentales qui se font sur des animaux : celles qui traitent de phénomènes biologiques pouvant se rencontrer chez tous les animaux (physiologie respiratoire, cardiaque, digestive, nerveuse, etc.) et celles qui traitent de phénomènes biologiques propres à une espèce animale donnée.
Pour les premières, on peut les étudier sur l’homme avec toutes les méthodes énumérées pour la recherche appliquée. Avec l’avantage que si on découvre quelque chose d’utile pour une recherche appliquée, on disposera de données pertinentes pour l’homme. Lorsque l’on découvre quelque chose sur une espèce animale donnée, rien ne prouve que la découverte sera aussi valable pour l’homme. Des études de cancérisation chez la souris, par exemple, sont utiles pour chercher des thérapies pour les souris. Mais des centaines de millions de souris ont été guéries du cancer ou d’autres maladies, par des méthodes qui se sont révélées inefficaces chez l’homme. C’est donc que les mécanismes moléculaires à l’œuvre chez la souris et chez l’homme sont différents.
En recherche fondamentale, tout comme en recherche appliquée, aucune loi n’impose d’utiliser des animaux. Le chercheur définit son sujet de recherche et emploie les méthodes qui lui paraissent pertinentes. Un chercheur peut décider, par exemple, d’étudier l’innervation des vibrisses (moustaches tactiles) des chats et des rats (Journal of Comparative Neurology, 2002, vol 449, pp103-19). Il est clair que cette recherche ne peut se faire sur l’homme, totalement dépourvu de vibrisses.
Comme le signale André Ménache, il n’y a pas de définition légale de ce qu’est une « méthode alternative ». « Un examen légal de ce qui constitue une méthode alternative scientifiquement satisfaisante serait utile pour vérifier la pertinence des études sur des animaux, en particulier en recherche fondamentale, dans l’intérêt de la transparence et de la responsabilité envers le public. » (ALTEX Proceedings, Prague 2014, VII-3-032).
Ce problème est rendu plus complexe encore par le fait que la recherche fondamentale se fait principalement dans les laboratoires publics mais que ceux-ci recherchent des financements auprès des industriels, or, pour intéresser ces derniers, il faut que la recherche aboutisse à une application possible. Dans son livre « Profession : animal de laboratoire » (éditions Autrement, 2015), Audrey Jougla témoigne de ce qui lui a été présenté comme une expérience de recherche fondamentale : un single immobilisé sur une chaise de contention, électrodes implantées dans le cerveau, contraint (pour obtenir de l’eau) à fixer son regard sur un point d’un écran. Pendant des années. De telles expériences ont été justifiées par les chercheurs qui les pratiquent en invoquant le rôle qu’elles auraient joué dans la mise au point, par exemple, de dispositifs commandés par la pensée (curseur d’ordinateur) pour des personnes paralysées. Les études sur le singe ont-elles vraiment permis d’aboutir à ce résultat ? N’y aurait-il pas eu d’autres méthodes possibles, plus pertinentes, pour mettre au point ces dispositifs ?
La recherche fondamentale est un domaine dans lequel on ne peut pas donner un catalogue de méthodes alternatives. Cela doit se voir au cas par cas, non seulement au vu de l’objet de l’étude, comme dans la recherche appliquée, mais aussi au vu de son intérêt. La science et l’éthique s’entremêlent de façon inextricable. Doit-on faire tout ce que l’on peut faire ?
Ce n’est pas aux scientifiques seuls de se prononcer mais à la société tout entière : dans quelle mesure doit-elle tolérer, encourager, financer des recherches qui peuvent faire souffrir des animaux sans apporter de réponse à un quelconque problème physiologique ou pathologique humain ? Ici se termine cet article car Antidote Europe agit sur un plan strictement scientifique. La question est à poser par tout un chacun aux responsables politiques et aux autorités qui nous gouvernent.