recherche-26-janvier-2020
« Nous n’avons plus besoin de chercher un organisme modèle. Car nous sommes l’organisme modèle. » (1)
Sydney Brenner (1927-2019), Prix Nobel 2002 de physiologie ou médecine.
(1) https://science.sciencemag.org/content/361/6402/552.summary
Il ne faudrait pas croire que l’expérimentation animale évite l’expérimentation humaine. En toute légalité, des expériences en laboratoire sont quotidiennement menées sur l’être humain, y compris des expériences douloureuses et invasives dans le cadre de la recherche fondamentale ou pour comprendre certaines réactions physiologiques.
Les essais cliniques, c’est-à-dire les essais de nouveaux traitements ou médicaments sur des patients, sont une autre forme d’expérimentation faite sur l’être humain, ayant pour but, dans ce cas, une application bien précise. Ces essais sont enregistrés sur https://clinicaltrials.gov/
Le cadre règlementaire dans lequel peuvent se faire ces expériences est défini, en France, par la loi Huriet : https://www.chu-toulouse.fr/IMG/pdf/loihuriet.pdf
Mais la recherche sur l’être humain progresse aussi par bien d’autres moyens. Petit lexique non exhaustif ci-dessous.
Biobanques
Beaucoup d’expériences se font sur du matériel humain : ADN, cellules, cellules souches, organoïdes (forme complexe de culture de cellules), biopsies de tissus ou organes, organes prélevés sur des cadavres, etc. Toutes ces techniques sont expliquées dans notre dossier sur les « méthodes alternatives » : https://antidote-europe.eu/methodes-alternatives-recherche-animale/.
Les chercheurs qui désirent avoir accès à ce matériel peuvent prendre contact avec des hôpitaux et convenir avec les chirurgiens de la procédure pour récupérer ce qui peut être d’une grande utilité pour la recherche et qui aurait, sinon, été jeté : biopsies, tumeurs extraites, etc.
Ce processus étant compliqué et le matériel ainsi collecté disponible de façon aléatoire, des « biobanques » sont en cours de constitution. Il s’agit de collections de cellules ou tissus, dûment référencés et conservés.
Informations et accès à des biobanques sont disponibles sur http://www.biobanques.eu/fr/infrastructure/qu-est-ce-que-biobanques
Autre lien utile (voir la Foire Aux Questions en bas de page) : https://research.pasteur.fr/fr/team/biobanking-icareb/
Le « modèle de dossier accompagnant les déclarations et les demandes d’autorisation de conservation et de préparation à des fins scientifiques d’éléments du corps humain » à remplir par le représentant légal de l’organisme qui souhaite prélever ces éléments du corps humain est disponible sur https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000038465673
Biosurveillance
La biosurveillance porte sur des individus dont on évalue l’exposition à certaines substances chimiques, soit ponctuellement (pour voir combien de personnes sont exposées, par exemple), soit à intervalles réguliers (pour voir si la substance est progressivement éliminée ou si elle se maintient dans l’organisme, par exemple). Elle nécessite, le plus souvent, de disposer d’échantillons de sang ou d’urine de la population faisant l’objet de l’étude.
Un dossier sur la biosurveillance est disponible sur http://invs.santepubliquefrance.fr/Dossiers-thematiques/Environnement-et-sante/Biosurveillance/Qu-est-ce-que-la-biosurveillance
Cohortes
Des études de cohortes suivies sur le long terme permettent, via un suivi médical régulier, des questionnaires spécifiques, etc., de produire des études mettant en rapport des facteurs de risque et la survenue d’affections.
En France, par exemple, la cohorte CONSTANCES a inclus plus de 200 000 patients volontaires dans cet objectif. De nombreuses publications ont déjà été produites : http://www.constances.fr/actualites/2019/js2019.php.
Données de vie réelle
On désigne sous le terme « données de vie réelle » des données qui sont sans intervention sur les modalités usuelles de prise en charge des malades et ne sont pas collectées dans un cadre expérimental, mais qui sont générées à l’occasion des soins réalisés en routine pour un patient. De telles données peuvent provenir de multiples sources : elles peuvent être extraites des dossiers informatisés de patients ou constituer un sous-produit des informations utilisées pour le remboursement des soins ; elles peuvent être collectées de manière spécifique, par exemple dans le cadre de procédures de pharmacovigilance, ou pour constituer des registres ou des cohortes, ou plus ponctuellement dans le cadre d’études ad hoc ; elles peuvent également provenir du web, des réseaux sociaux, des objets connectés, etc.
Des études basées sur de telles données sont de plus en plus demandées pour le suivi de l’utilisation des produits de santé. Il est largement admis qu’en matière de sécurité et d’effets indésirables, les observations en vie réelle sont essentielles en complément des essais cliniques – et ce d’autant plus que les résultats des essais sont difficilement transposables à la population globale, les patients les plus à risque d’effets indésirables, patients fragiles, à comorbidités multiples, n’étant souvent pas inclus. Pour plus d’informations : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_donnees_de_vie_reelle_medicaments_mai_2017vf.pdf
Épidémiologie
L’épidémiologie est l’étude des maladies et autres états liés à la santé chez des groupes (populations) de personnes, en particulier comment, quand et où ils se produisent. Les épidémiologistes veulent découvrir quels facteurs sont associés avec des maladies (facteurs de risque) et quels facteurs peuvent protéger les personnes contre la maladie (facteurs de protection).
Etudes post mortem
Les tissus prélevés après le décès d’une personne peuvent être étudiés pour mieux comprendre les pathologies au niveau cellulaire. Les cadavres peuvent également être utilisés pour l’acquisition de compétences chirurgicales.
C’est une question qu’on nous a posée plus d’une fois : comment faire, à qui s’adresser pour faire don de son corps à la science ? Voici des informations fournies par les Centres hospitaliers universitaires (CHU) : https://www.reseau-chu.org/article/don-de-son-corps-a-la-science-a-lenseignement-et-a-la-recherche/. Ces Centres hospitaliers se réfèrent eux-mêmes aux informations données par l’Association française d’information funéraire : http://www.afif.asso.fr/francais/conseils/conseil15.html
Il nous a été demandé s’il était possible de faire don de son corps, voire de déchets de biopsies ou autres tissus après interventions chirurgicales uniquement aux centres de recherche qui ne pratiquent pas d’expérimentation animale. Il serait intéressant, en effet, que cette démarche soit possible et que le donateur soit ainsi en mesure d’encourager la recherche qu’il considère comme la plus pertinente, de la même façon qu’il nous est possible de ne pas faire de don en argent aux organismes qui pratiquent l’expérimentation animale : https://antidote-europe.eu/public/LivretAssocTiers.pdf
Il semble que ce ne soit pas possible. Le corps ne peut être donné qu’au CHU le plus proche de son domicile. La plupart des articles scientifiques publiés par des auteurs travaillant dans ces établissements portent sur l’être humain. Toutefois, des recherches sont aussi faites sur des animaux.