Margaret Clotworthy présente Safer Medicines Trust
Margaret Clotworthy a réalisé qu’‘elle voulait devenir scientifique en regardant une émission de la BBC. Au lycée, elle gagne le deuxième prix d’‘un concours national de physique, puis une bourse de recherche d’‘été à l’‘Université de la Ville de Dublin, où elle passe trois semaines au Laboratoire de neurochimie. Première de sa promotion, elle obtient un stage dans une société de biotechnologie à Cambridge où l’‘on utilise des cellules humaines pour tester des candidats médicaments contre le cancer. Elle gagne ensuite une autre bourse pour finaliser son travail sur les modèles de peau pour des tests de cosmétiques et, suite à cette contribution, elle est finaliste à la nomination de la Médaille Watts et présente son travail au Collège royal de médecins à Dublin, en Irlande. Elle termine ses études universitaires au Laboratoire de recherche vasculaire, toujours sur des cellules humaines. Elle est admise à préparer son doctorat au prestigieux Laboratoire de biologie moléculaire du Conseil de la recherche médicale à Cambridge. Peu après l’‘obtention de son diplôme, elle part faire du bénévolat en Asie du Sud-Est. A son retour, à la recherche d’‘un emploi, elle se rappelle son premier contact avec Kathy Archibald qui cherchait un autre scientifique pour son comité… et ne regrette pas sa décision de rejoindre Safer Medicines Trust!.
Antidote Europe (AE) : Nous sommes très honorés de pouvoir interviewer une scientifique si talentueuse. Pourriez-vous dire à nos lecteurs à quel moment, au cours de vos études, vous avez commencé à remettre en question le “modèle animal” pour la recherche biomédicale ? Est-ce dû à un événement en particulier, ou à une série d‘événements ?
Margaret Clotworthy (MC) : Comme toutes les personnes que je connaissais, j’avais toujours cru que l’expérimentation animale jouait un rôle déplaisant mais nécessaire dans la recherche de nouveaux traitements pour les patients. La première fois où j’ai pris connaissance de preuves du contraire, c’est quand j’ai rencontré Kathy Archibald à une conférence où SMT (qui s’appelait alors Europeans for Medical Progress EMP) tenait un stand. J’ai été intriguée par ce qu’ils avaient à dire et impressionnée par la documentation que j’ai emportée car elle était rédigée selon une perspective scientifique sérieuse avec mention complète des références. C‘était en 2005. Depuis, je regarde les annonces de traitements de cancer trouvés sur des souris, etc., d’un oeil plus critique et je suis à présent convaincue qu’il y aurait un sérieux procès scientifique à faire pour moderniser la recherche médicale. C’est le seul domaine de la science où les gens continuent à clamer que la technologie vieille de plusieurs décennies est toujours la meilleure. La science est normalement tournée vers le progrès.
AE : Nous considérons votre groupe “Safer Medicines Trust” (SMT)- basé au Royaume Uni et fondé par Kathy Archibald- comme notre association-soeur. Le 26 novembre 2008, vous avez organisé une conférence à la prestigieuse Royal Society, à Londres, intitulée “Rapidité et sûreté dans la découverte de médicaments”. Tandis que nous attendons la publication des rapports complets de cette conférence, pourriez-vous brièvement en décrire les temps forts à nos lecteurs ?
MC : Nous sommes ravis que les rapports doivent être publiés dans la revue Alternatives to Laboratory Animals en août. En attendant, les présentations sont disponibles surhttp://www.drugtestingconference.com Notre. conférence a réuni non seulement des scientifiques de l’industrie et des universités mais aussi des acteurs de la réglementation, avec l’objectif de faciliter la collaboration et l’adoption des technologies les plus récentes pour accélérer le développement de médicaments. Les appréciations que nous avons reçues sont unanimement positives. Nous nous réjouissons d’avoir pu inspirer des délégués et des étudiants de plusieurs parties du monde : nos intervenants venaient d’Israà«l, des Etats-Unis, d’Allemagne, d’Autriche, et bien sûr du Royaume Uni, et le public est venu d’aussi loin que le Canada ou le Portugal.
Notre proposition d’une comparaison scientifique indépendante entre méthodes basées sur la biologie humaine et animale, portant sur des médicaments déjà connus pour avoir des effets secondaires chez l’homme, a été extrêmement bien accueillie.
Bien que je m’efforce de me tenir au courant des développements, j’ai été stupéfaite de voir jusqu‘à quel point les chercheurs ont réussi à utiliser des méthodes basées sur la biologie humaine pour résoudre de réels problèmes d‘évaluation de la sûreté des médicaments. Je vais juste mentionner ici deux points importants. Le système immunitaire est l’un des plus complexes à modéliser. C’est pourtant nécessaire pour tester des vaccins ou des médicaments qui agissent sur l’immunité. Ces tests posent problème depuis longtemps, comme l’a si bien illustré la tragédie du Northwick Park Hospital où six jeunes hommes ont failli mourir dans un essai clinique (1). Mais VaxDesign, une firme de Floride, a développé un “système immunitaire dans un tube à essai” qui peut prédire comment un vaccin potentiel va fonctionner et, qui plus est, en utilisant des systèmes immunitaires modèles de plusieurs individus simultanément. De façon fortuite, ce système a révélé une leucémie chez l’un des donneurs de sang volontaires pour ce programme, des années avant qu’elle n’aurait été découverte en utilisant les tests cliniques classiques. J’ai aussi été émerveillée d’apprendre que des questions aussi pointues comme “comment cette molécule modifie-t-elle la pression sanguine ?” pouvaient trouver leur réponse en utilisant de minuscules biopsies de peau de donneurs volontaires, car ces fragments de peau contiennent les minuscules vaisseaux sanguins sur lesquels repose le contrôle de la pression sanguine.
Pour moi, c‘était très inspirant d‘écouter tant de personnes dont j’admire le travail novateur. C‘était un grand plaisir de rencontrer ces personnes, qui repoussent les frontières du développement et de l’application de nouvelles technologies à l‘évaluation des médicaments, et de recueillir leur soutien moral à notre initiative.
AE : Vous avez reçu une bourse de recherche du Bureau de santé irlandais pour contribuer au développement d’un modèle in vitro pour tester des traitements de l’eczéma et du psoriasis. Savez-vous si votre travail a mené à des applications cliniques pour ces maladies ?
MC : Le modèle sur lequel j’ai travaillé était développé en coopération avec une société qui produisait des traitements phytothérapeutiques pour l’eczéma et le psoriasis. Elle cherchait des données humaines pertinentes pour montrer l’efficacité et la sûreté de ses produits. Je pense que notre modèle a aidé à obtenir ces données.
AE : Quels sont d’après vous les principaux obstacles au remplacement de l’expérimentation animale (“mauvaise science”) par des méthodologies basées sur la biologie humaine (“bonne science”) ?
MC : Dans le rapport “Tests de Toxicité au XXIe siècle” (2) élaboré par le Conseil national de la recherche états-unien pour l’Agence de protection de l’environnement, les auteurs ont souligné que leurs propositions pour éliminer les tests sur des animaux le plus vite possible allaient probablement se heurter à une vive résistance du fait que les pratiques toxicologiques sont si profondément enracinées. Je pense que le Dr Thomas Hartung, directeur du Centre pour les alternatives aux tests sur des animaux aux Etats-Unis, l’a dit très clairement dans une récente interview : “Depuis les années 40, nous avons un test standardisé sur l’oeil de lapin, qui est utilisé pour toutes les substances chimiques, pas seulement les produits cosmétiques. Ceci est assez typique de la toxicologie. Vous avez un scandale [un mascara a entraîné la cécité chez certaines personnes]. Et ce scandale mène à une certaine solution avec la technologie de l‘époque. Dans tout autre domaine de la science, vous auriez une évolution et les méthodologies évolueraient avec le temps. Mais le fait est qu’ici, nous avons quelque chose comme une île en dehors du courant normal des sciences.” Il a poursuivi en disant que le système international de tests de toxicologie standardisés contribuait de façon significative au retard dans l’adoption de nouvelles technologies, dans la mesure où il est très difficile et où cela prend beaucoup de temps de mettre tout le monde d’accord (quelque chose qui n’est pas, bien entendu, limité à la toxicologie !). De plus, les tenants des tests sur des animaux sont exceptionnellement actifs à défendre leur travail, en réponse à la désapprobation du public, et ils ont l’appui de l’establishment, qui ne veut pas reconnaître ses erreurs. Une façon pragmatique et diplomatique d’aller de l’avant serait donc de se focaliser sur le fait que les récentes avancées scientifiques qui, maintenant, fournissent de meilleures méthodes, n‘étaient tout simplement pas disponibles auparavant.
AE : Quel a été le moment le plus satisfaisant de votre carrière en termes de “remporter le morceau” ? Y a-t-il eu un débat, événement, communication écrite en particulier où vous avez senti que vous aviez clairement convaincu l’adversaire ?
MC : Pendant le thé à la conférence à la Royal Society, j’ai été émue d’entendre que l’un de nos délégués envisageait de changer la façon dont il mènerait ses recherches futures, suite à ce qu’il venait d’entendre. Il pensait d’abord utiliser un modèle particulier de souris mais, après la conférence, il voulait utiliser des tissus humains pour poursuivre sa recherche sur le cancer. J’ai alors été très fière de réaliser que, en réunissant tous ces acteurs de la recherche médicale, nous avions un réel impact sur la façon dont la recherche est menée.
AE : En conclusion, y a-t-il des points particuliers, non évoqués dans cette interview, que vous voudriez partager avec nos lecteurs ?
MC : Je voudrais juste mentionner à quel point c’est inspirant de pouvoir travailler avec des collègues à l‘étranger qui partagent notre préoccupation de moderniser la recherche médicale. Safer Medicines Trust est fière d’oeuvrer pour le même objectif qu’Antidote Europe et nous vous souhaitons le plus grand succès dans votre excellent travail.