L’activité cérébrale qui sous-tend nos comportements (langage, motricité, émotions…) est accompagnée d’un échange d’information entre des parties éloignées du cerveau. La neuromodulation mise en œuvre dans le projet de CorStim SAS vise à agir sur les interactions entre les zones impliquées dans le langage.
En septembre 2019, nous annoncions notre soutien à CorStim SAS, une entreprise française de recherche qui développe une méthode pour aider les personnes aphasiques. Ces dernières ont perdu l’usage de la parole, le plus souvent à la suite d’un accident vasculaire cérébral.
La professeure Anne Beuter et son équipe mettent au point un modèle de stimulation électrique de certaines zones du cerveau impliquées dans la compréhension et l’utilisation du langage. Ce modèle fait appel aux mathématiques et à l’intelligence artificielle pour délivrer des ondes à la bonne fréquence, au bon endroit, au bon moment (pour en savoir plus sur le début de cette aventure, voir https://antidote-europe.eu/alliance-avec-corstim-sas/).
Comprendre la technique
« L’information qui accompagne l’activité cérébrale propre au langage se propage à la surface du cortex sous la forme d’ondes circulantes« , précise Anne Beuter. « Des endroits spécifiques du cortex émettent, reçoivent et traitent ces informations. On les appelle des épicentres. La neuromodulation que nous mettons en œuvre vise à remodeler les réseaux du langage en agissant sur les interactions entre épicentres. Ces derniers sont spécifiques à chaque personne. Notre modèle délivre donc un programme de stimulations personnalisées. »
Une première étape a consisté à enregistrer l’activité cérébrale de vingt personnes saines pendant qu’elles effectuaient des « exercices de dénomination », soit nommer les objets dont on leur présentait l’image sur un écran. Ces enregistrements permettent aux programmes d’intelligence artificielle « d’apprendre » comment ces exercices sont contrôlés par le cerveau en bonne santé.
CorStim SAS progresse. Forte de deux nouveaux collaborateurs, l’équipe a ensuite travaillé avec des patients aphasiques, toujours avec le même dispositif d’enregistrement non invasif : un casque muni d’électrodes. Lorsque les patients tentent de prononcer un nom, les ondes circulantes sont différentes en durée, en direction et autres paramètres, de celles mesurées sur les personnes saines. « Cette deuxième série d’expériences est très importante, souligne Anne Beuter, car elle a permis de valider notre hypothèse. » Il faudra maintenant calculer à quel endroit et selon quelles modalités stimuler le cortex cérébral des patients pour les aider à prononcer le nom des choses.
Pourquoi sans animaux ?
Même un chimpanzé ne pourrait pas prononcer le nom d’un objet ! La nature même de ce projet de recherche -déjà presque appliquée !- requiert des données humaines. « D’autres équipes ont étudié les ondes circulantes sur le singe et je ne peux nier en avoir connaissance », admet Anne Beuter. « Mais nous n’avons pas basé nos propres travaux sur ces résultats. Nous utilisons des électroencéphalogrammes, qui sont faits de façon courante sur l’être humain. Notre matériel est agréé, il ne présente aucun danger. Ne pas expérimenter sur des animaux nous a empêché de postuler à certains financements. Mais nous nous tenons aux choix que nous avons faits et nous avançons avec des données fiables. Un nouvel article scientifique vient d’être accepté pour publication. »
Certains interlocuteurs dans le milieu médical ou financier ont demandé à Anne Beuter de faire des recherches préalables sur des animaux. Ce sont surtout des personnes non scientifiques qui ont insisté parce que “tout le monde utilise des animaux”. « Nous faisons de la pédagogie« , explique Anne Beuter : « “En quoi pensez-vous que cela serait nécessaire ou pertinent ?”. Nos choix stratégiques nous permettent de résoudre le problème posé sans avoir recours à l’expérimentation animale. Ces choix sont, entre autres, de faire de la modélisation basée sur des données humaines, de développer une stratégie personnalisée, d’étudier le langage et non le mouvement, d’utiliser un stimulateur disponible dans le commerce sur lequel nous « embarquons » les logiciels et algorithmes que nous développons pour stimuler quand et où c’est nécessaire avec les paramètres de stimulation calculés par le modèle du patient. Alors qu’un nouveau dispositif de stimulation aurait pu nécessiter des essais sur des animaux pour des raisons légales, notre stratégie d’utiliser du matériel existant en le configurant selon nos besoins nous permet de passer du concept à l’application sans recourir à l’expérimentation animale. »
Bravo à CorStim SAS !
Par son soutien à CorStim SAS, Antidote Europe aide à prouver que, malgré les pressions et les habitudes (« on a toujours fait comme ça » !), on peut développer une approche thérapeutique depuis les concepts fondamentaux, en passant par la recherche appliquée et jusqu’au lit du patient, sans aucun recours à l’expérimentation animale. La « preuve du concept » faite sur l’animal figure parmi les standards scientifiques les plus courants. S’y soustraire requiert des choix rigoureux, cohérents et, pour la professeure Anne Beuter, de peser de tout le poids de son expérience professionnelle et de sa qualité de présidente de CorStim SAS. Mais c’est possible !
Notre soutien est aussi un investissement car le travail de pédagogie que réalise CorStim SAS est une prolongation de notre propre travail auprès de personnes que nous ne pourrions pas atteindre. Une excellente ambassade !
Soutien renouvelé
Fin 2020, nous accordions un soutien financier à hauteur de dix mille euros à CorStim SAS. Nous avions puisé dans notre trésorerie pour la moitié de cette somme, l’autre moitié étant l’usage que notre Direction avait décidé de faire d’un don reçu de la Fondation 30 Millions d’Amis.
Nous sommes très reconnaissants et honorés d’avoir reçu de cette Fondation un deuxième don de cinq mille euros, accompagné d’une lettre nous félicitant pour l’ensemble de nos actions. Après une courte délibération, notre Direction a alloué ce nouveau don au soutien de CorStim SAS.
Ralenti en France en raison de difficultés administratives et de la crise sanitaire, le projet CorStim SAS cherche à se déployer en Europe. De bons contacts ont été pris en Allemagne et en Grèce. L’entreprise a, comme nous, une vocation européenne et nous ne doutons pas que les voix d’Anne Beuter et de ses collaborateurs porteront aussi notre message hors de nos frontières.