La pandémie de Covid-19 fait la une des journaux depuis plusieurs mois déjà, dans la plupart des pays du monde. Chercheurs et médecins sont mobilisés pour comprendre la biologie du virus, son taux et mode de transmission, ses effets. Ses effets sur l’être humain ? Pas seulement. Beaucoup entendent mettre au point un ou des « modèles animaux » mais ceux-ci seront-ils utiles ?
20 mai 2020
Par Hélène Sarraseca,
Co-fondatrice d’Antidote Europe, titulaire d’un diplôme de neurosciences et auteure du livre « Animaux cobayes et victimes humaines » (éd Dangles, 2006)
À l’échelle planétaire comme à celle de l’activité de notre association, l’actualité est dominée par la pandémie du coronavirus nommé SARS-CoV-2 et par la maladie qu’il déclenche, la Covid-19. Le rythme des publications scientifiques et médicales n’a jamais été aussi effréné. De janvier à mi-mai 2020, il a été estimé que plus de 23.000 articles ont été publiés sur la Covid-19, leur nombre doublant tous les vingt jours ! (1) Dans l’urgence, tous les articles ne sont pas soumis aux fameux comités de lecture et peuvent nécessiter des vérifications ultérieures. Des résultats contradictoires sont publiés. Les connaissances évoluent. Voyons quelques-unes des informations disponibles à ce jour.
Une maladie complexe
Au départ, ça paraissait simple mais peu à peu la maladie s’est révélée multiforme et corrélée à de multiples facteurs. On a d’abord évoqué une sorte de grippe. Fièvre, toux, fatigue… Puis, la liste des signes cliniques s’est allongée : incapacité à sentir les odeurs et les goûts, maux de gorge, perte d’appétit, douleurs musculaires, diarrhées. On a aussi parlé de rougeurs de la peau, de maux de tête. Et encore, selon les cas, de détresse respiratoire aiguë, de myocardite (inflammation du muscle cardiaque), de thrombose (formation de caillots sanguins), etc. (2)
Moins de 2 % des infections constatées en Chine, Italie et États-Unis concernent des personnes de moins de 18 ans (3). Parmi les personnes infectées, certaines ne présentent aucun symptôme, d’autres développent une maladie sans gravité, d’autres encore ont des troubles sévères (différents selon les cas) et des milliers de cas sont mortels. Parmi ces derniers, davantage d’hommes, de personnes âgées et de personnes déjà atteintes d’autres affections, notamment hypertension, diabète, maladies cardio-vasculaires, cancer… (4)
La pollution semble jouer un rôle aussi. Une corrélation a été trouvée entre le nombre élevé de cas mortels de Covid-19 et la forte présence de particules fines dans l’air ambiant. D’une part, la présence de ces particules, ainsi que l’humidité de l’air, pourraient constituer un terrain favorable à la survie du virus (5). D’autre part, l’exposition prolongée des personnes vivant dans ces régions pourrait fragiliser le système respiratoire, contribuer à induire un état inflammatoire chronique et affecter le système immunitaire (6).
Une carence en vitamine D pourrait aussi favoriser l’évolution vers une forme grave de la maladie (7). Par ailleurs, on connaît le rôle de la flore intestinale dans le bon fonctionnement du système immunitaire, dans de possibles réactions inflammatoires et le possible rôle de celles-ci dans bon nombre de maladies. « On sait que le microbiote respiratoire joue un rôle fondamental, avec le microbiote intestinal, dans le fait qu’il est capable de contrecarrer l’installation d’un virus », affirme une chercheuse de l’INSERM (8). Or, cette flore intestinale varie au cours de la vie et selon l’état de santé, de façon naturelle ou lors de la prise d’antibiotiques.
La porte d’entrée du virus
Le SARS-CoV-2 se présente sous la forme d’une sphère munie de pointes. Pour nous infecter, il se lie à une molécule présente à la surface de certaines de nos cellules, l’enzyme ACE2. Celle-ci joue le rôle d’une serrure dans laquelle se fixent les pointes du virus telles des clefs. Ces pointes sont en fait constituées de protéines et peuvent être activées par notre enzyme TMPRSS2. À défaut de cette dernière, une autre (la cathepsine, voire d’autres ?) enzyme pourrait aussi activer le virus (9).
Pour que le virus puisse pénétrer et agir dans nos cellules, la présence de ces deux molécules, ACE2 et TMPRSS2 est nécessaire. Elles ont été trouvées aussi bien dans notre tractus respiratoire que dans la cornée ou le système digestif. La première étant moins répandue que la seconde, c’est donc la distribution d’ACE2 qui serait le facteur limitant de l’entrée et de la distribution du virus dans l’organisme. Or, c’est dans le nez qu’elle serait la plus abondante (plus que dans la gorge). Des cellules du nez seraient donc à la fois la porte d’entrée du virus et le réservoir à partir duquel se ferait la transmission à d’autres individus (10).
Selon certaines hypothèses, le virus pourrait coloniser le nez et la gorge, provoquer des symptômes légers et s’arrêter là, ou bien descendre dans les poumons, par exemple à la faveur d’une déficience de notre système immunitaire. Dans certains cas, c’est la propre réponse immunitaire des patients, dont la fameuse “tempête de cytokines”, qui pourrait aller jusqu’à entraîner une défaillance de plusieurs organes et la mort (11).
Cette réponse immunitaire varie d’un individu à l’autre sans que l’on comprenne toujours pourquoi. Par exemple, il a été constaté que parmi 300 individus atteints de Covid-19, les enfants produisent bien moins de cytokines, sans que l’on sache si la maladie est moins grave chez eux parce qu’ils produisent moins de cytokines, ou bien s’ils produisent moins de cytokines parce que la maladie est moins grave chez eux… (12)
Modéliser la Covid-19 ?
À la lumière de ce qui précède, qui n’est qu’une infime partie des connaissances acquises pour le moment, on comprend que pour modéliser cette maladie, il faudra maîtriser une myriade de facteurs. De nombreux chercheurs tentent de découvrir ou de mettre au point les meilleurs « modèles animaux ». Après avoir observé ce qui se passe chez l’être humain exposé au SARS-CoV-2, ils exposent des animaux et observent les réactions de ceux-ci. Une bonne partie des questions concernant la dangerosité de ce virus et le décours de la maladie Covid-19 ne trouvent de réponse que grâce à l’étude des patients humains. Le « modèle animal » est censé servir à tester médicaments ou vaccins. Mais si le modèle n’est pas fiable, les résultats des essais pourront-ils l’être ?
Un animal sain, jeune, élevé dans un milieu exempt de pollution et quasiment stérile, ne peut être qu’un modèle simpliste. Quel que soit l’animal. Ajoutez à cela les différences génétiques entre espèces. Mais comme à leur habitude, les chercheurs qui travaillent sur des animaux se sont lancés dans la quête de l’animal le plus “semblable” à l’homme. Pour simplifier plus encore, non pas semblable en tous points mais semblable sur des points précis. Ainsi, les différents aspects de la question pourront être étudiés sur différents modèles, pensent-ils.
Commençons par le “modèle animal” le plus évident : le chimpanzé. Prenons le premier élément précis à prendre en compte : l’enzyme ACE2. La séquence génétique codant pour cette enzyme est très proche de celle de l’homme. Il est fort probable que cet animal pourrait être infecté par le SARS-CoV-2 (13), ce qui ne signifie pas qu’il serait un modèle fiable de la maladie humaine. La proximité génétique ne suffit pas, comme nous le montre l’exemple du sida qui n’apparaît pas chez le chimpanzé malgré une infection possible par le virus responsable. Ou encore, celui de ce rhinovirus qui, chez l’homme provoque un simple rhume, mais a tué cinq chimpanzés dans un parc naturel en Ouganda voilà sept ans (14). L’expérimentation sur le chimpanzé étant interdite en Europe et abandonnée aux États-Unis, les chercheurs n’auront pas leur « meilleur modèle animal possible ».
Viennent ensuite les autres singes. Le macaque rhésus, très utilisé dans les laboratoires, présente une séquence ACE2 proche, notamment sur certains points critiques, de celle de l’homme. La “clé” (pointe du virus) entrera d’autant moins bien dans la “serrure” (ACE2) que cette dernière sera différente de la forme humaine ou moins abondante à la surface des cellules. Il a bien été constaté que le macaque rhésus pouvait être infecté par le SARS-CoV-2 et qu’il développait une maladie. Mais celle-ci ne ressemble qu’aux cas humains les moins graves. Même si la porte d’entrée du virus est la même que chez nous, « les conséquences ultérieures de l’infection peuvent être drastiquement différentes selon les protéases spécifiques de chaque espèce, les variants génomiques, le métabolisme et la réponse du système immunitaire » (15).
Le singe vert africain est un autre candidat. Deux de ces animaux, étudiés dans un laboratoire étasunien seraient « les premiers cas documentés d’une maladie [respiratoire] sévère due au nouveau coronavirus sur des primates non humains ». Leur séquence ACE2 est proche de celle de l’homme mais des protéines actives dans le système immunitaire et autres facteurs pourraient être différents. Des facteurs aggravants chez l’homme, comme le diabète ou l’hypertension, ne peuvent pas être modélisés rapidement chez l’animal et il n’est pas sûr qu’ils puissent être jamais modélisés sur ces singes (16).
Un élément bien plus intéressant nous est apporté par la comparaison de séquences génétiques humaines entre elles. Certaines variantes du gène ACE2 ont été trouvées chez les patients italiens mais pas chez les asiatiques. Or, la maladie s’est révélée plus grave en Italie qu’en Asie (17). Comme on le constate encore une fois, d’infimes différences génétiques peuvent avoir de lourdes conséquences, même entre individus de la même espèce. Pourtant, la recherche sur « modèles animaux » va bon train.
La ménagerie au laboratoire
Chiens, cochons, poulets et canards se sont montrés peu susceptibles au SARS-CoV-2 mais quelques chats ont été infectés. De fait, des contaminations naturelles ont été constatées sur des chats domestiques dont les maîtres étaient eux-mêmes contaminés. Quelques chats ont été exposés au SARS-CoV-2 en laboratoire pour déterminer les conditions dans lesquelles ils peuvent être contaminés (voie nasale, trachéale, orale ou oculaire) et s’ils peuvent transmettre le virus à d’autres chats. Cette information a davantage été prise en compte pour le rôle possible du chat dans la chaîne de transmission du virus plutôt que pour envisager d’utiliser le chat en tant qu’animal « modèle » (18). Il n’a pas été rapporté que le virus puisse passer du chat vers l’homme (19).
Le furet a pu être infecté aussi et a déjà servi de « modèle » pour d’autres maladies respiratoires contagieuses. Il “éternue” ! En dehors de cette similitude avec l’homme, “le virus les infecte et provoque une augmentation de leur température. Mais il ne se multiplie pas de façon importante et les furets n’ont pas d’autre symptôme” (20).
Venons-en aux incontournables rongeurs, non les modèles les plus fidèles mais bien les plus faciles à manipuler. Sur 29 points de l’enzyme ACE2, les hamsters ne présentent que 4 différences avec l’homme. Infectés, certains ne développent qu’une forme légère d’une maladie qui ressemblerait aux symptômes respiratoires humains. Les rats ont 13 différences et les souris, 11. De façon logique, ces deux espèces sont peu sensibles à l’infection (21). L’exemple du hamster qui, malgré une similitude avec l’homme quant à l’enzyme ACE2, ne développe qu’une maladie bénigne, est intéressant. Il montre que chercher à mettre au point un « modèle animal » sur la base de l’un des facteurs impliqués dans la maladie humaine ne fournit pas un modèle fiable. C’est pourtant ce que cherchent à faire certains, comme nous allons le voir avec l’exemple de la souris.
Les souris étant les animaux les plus utilisés dans les laboratoires, il est fâcheux pour les adeptes du « modèle animal » qu’elles ne développent pas la Covid-19. Entrent en scène les animaux génétiquement modifiés. En 2007, des souris avaient été “équipées” du gène ACE2 humain et exposées au virus du SRAS, maladie respiratoire due à un autre coronavirus qui avait fait des victimes humaines. Ces souris mouraient d’une maladie… du cerveau ! Elles n’en avaient pas moins été utilisées pour tester des vaccins et des traitements contre le SRAS. Exposées au SARS-CoV-2, elles “perdent du poids et montrent des signes de pneumonie mais pas grand chose de plus”, ce qui, selon le chercheur qui les a créées “est une très, très, très légère maladie”. Pourtant, le laboratoire qui les produit avait reçu, mi-avril, plus de mille demandes ! (22)
En attendant sa livraison, le chercheur (toujours le même, qui n’avait plus ses souris d’origine) a tenté une autre manipulation génétique. Les souris perdaient 20 % de leur poids et avaient la fourrure ébouriffée mais aucune ne mourait. Toujours pas ressemblant aux cas humains. La souris idéale aurait son propre gène ACE2 inactivé et n’exprimerait que la version humaine, estime ce même chercheur. Car, en effet, que conclure d’un modèle où sont présentes les versions du gène de deux espèces animales différentes ? D’autres chercheurs espèrent tirer parti de la désormais très populaire technique CRISPR pour produire de nouvelles variantes génétiques (23). Or, comme nous l’avons vu, la Covid-19 dépend de beaucoup de facteurs (âge, environnement, etc.) et de l’expression de nombreux gènes. Rappelons que la souris de laboratoire possède un peu plus de 25.000 gènes, dont environ 17.000 possèdent un équivalent humain (24). Qu’espérer de l’étude d’un animal dont un seul gène a été modifié pour « ressembler » au gène humain, alors même que dans la population humaine ce gène de l’enzyme ACE2 peut se présenter sous différentes variantes ?
“Il ne faut pas écarter un modèle animal simplement parce que le SARS-CoV-2 produit un effet, comme la mort par infection cérébrale, qui ne reflète pas la typique maladie humaine”, estime un chercheur étasunien, notant que “les humains n’ont pas de queue non plus” (25). Mais si le “modèle” développe une maladie différente, pourquoi sa réaction à un médicament testé sur lui serait-elle pertinente pour l’homme ?
À quand le vaccin ?
Tout comme pour un médicament, les essais de vaccins doivent répondre à deux questions : est-il sûr ? est-il efficace ? Dès la mi-mars, des volontaires humains sains se prêtaient à des essais de sécurité des premiers vaccins. Normalement, cette étape suit les essais sur des animaux mais, dans l’urgence, les deux se faisaient en parallèle ! (26)
Répondre à la seconde question impliquerait d’administrer le vaccin à des personnes saines, puis de les exposer au virus et mesurer l’éventuelle infection par celui-ci. À l’heure d’écrire ces lignes, nous ne savons pas si cette procédure controversée sera approuvée mais, fin avril, près de 4.000 personnes s’étaient portées volontaires (27). Fin mai, sur le site « 1Day Sooner », spécialement créé à cet effet, plus de 20.000 volontaires étaient enregistrés dans plus de cent pays (28).
Quelques résultats obtenus sur des animaux ont laissé les chercheurs dans la perplexité. Souris transgéniques et macaques ont été utilisés par deux des trois équipes dont les candidats vaccins sont les plus avancés. Ces résultats sembleraient aller dans le sens d’une sécurité des vaccins testés mais ne permettent pas de conclure à leur efficacité. Alors que certains chercheurs voudraient poursuivre les études sur des animaux « qui développent une maladie plus sévère », d’autres concluent : « Nous n’avons pas besoin de davantage de données sur des animaux […] Si nous obtenons qu’un vaccin soit efficace sur l’être humain, c’est tout ce qui compte » (29).
Tirer des leçons de la COVID-19
Nous disposons d’innombrables moyens d’analyse pour identifier et caractériser un nouveau virus et pour comprendre comment il agit chez l’homme. Dès le 10 janvier, la séquence génétique complète du SARS-CoV-2 était élucidée et publiée. La mise en ligne rapide et le partage des résultats entre chercheurs du monde entier, les équipes se répartissant le travail de façon coordonnée, fait à présent partie intégrante des outils de recherche. Après avoir déterminé que le virus avait près de 30.000 « bases » (les unités composant sa séquence génétique) et entre 25 et 29 protéines, l’étape suivante a été de « recréer ces protéines en laboratoire, les visualiser et identifier des molécules capables de les bloquer ou développer des vaccins pour dresser le système immunitaire contre elles » (30).
Cela s’est fait par des constructions génétiques in vitro, par des expériences sur des cellules, par des techniques (cristallographie ou microscopie électronique) permettant de visualiser la structure spatiale des protéines, par la consultation de bases de données permettant de comparer des séquences génétiques et des protéines (la puissance informatique et les algorithmes jouant un rôle de plus en plus grand dans la recherche scientifique), par des modélisations permettant de comprendre comment l’une des protéines de la « pointe » du virus pourrait se lier à l’enzyme ACE2. Mi-mars, au moins deux équipes interrogeaient des bases de données comportant plus de 10.000 médicaments déjà connus pour ne pas être toxiques pour l’homme, en cours d’essais cliniques ou déjà approuvés, et les comparaient aux protéines identifiées sur le virus. Quelques molécules, déjà disponibles commercialement pour d’autres applications, étaient ainsi identifiées.
Comme nous le voyons, les essais sur des animaux ne sont nullement utilisés pour la découverte de nouveaux médicaments. Cependant, dès qu’une molécule est identifiée comme potentiellement utile, le réflexe dominant encore au sein de la communauté scientifique est d’étudier les effet de cette molécule sur des animaux. Alors même que l’on sait depuis plus de vingt ans que les résultats d’essais faits sur des animaux ne sont pas transposables à l’homme : pour absence d’efficacité ou toxicité excessive, les neuf dixièmes des médicaments évalués sur des animaux ne sont pas approuvés pour usage humain (31). Et alors que des modèles in vitro, comme l’humain-sur-puce dont nous vous parlions dans Agissons ! numéro 11, sont capables de fournir des résultats pertinents pour nous.
Des médecins ont traité les malades avec les moyens existants : antiviraux et antibiotiques déjà utilisés pour le traitement de maladies humaines, modulateurs du système immunitaire, assistance respiratoire, etc. Et des vies ont effectivement été sauvées ! Des dizaines de milliers de patients guéris ont quitté les hôpitaux. Ces résultats nous en apprennent bien plus que les essais sur des animaux.
Plus de 600 études de la Covid-19 sont en cours sur l’être humain. Sont ou seront testés sur des patients recrutés ou en cours de recrutement : des médicaments, des procédures médicales, du sérum de patients guéris, des compléments alimentaires, des tests de diagnostic, des vaccins, etc. (32) Autant dire que nous avons là tous les outils nécessaires pour mettre au point prévention et traitement efficaces contre ce coronavirus.
Alors, pourquoi certains chercheurs se mettent-ils en devoir de produire des modèles animaux de la Covid-19 ? La recherche de vaccins est l’une des raisons principales. Bien sûr, on hésite à exposer des humains au virus, après une vaccination dont on cherche à évaluer, justement, l’efficacité. Mais quand bien même ces vaccins protègeraient souris transgéniques, hamsters, furets ou macaques, nous n’aurions pas de garantie qu’ils protègeraient aussi les êtres humains.
Changer la loi
Le désir bien légitime de sauver des vies alors que les malades affluaient dans les unités de réanimation a donné une impulsion jamais vue à la recherche biomédicale. L’exemple des plus de cent vaccins en cours de développement, pour certains avec des techniques jamais employées jusqu’ici, montre que les procédures habituelles sont bousculées.
Le problème est encore et toujours la réglementation. Disposer d’un modèle animal sur lequel on teste médicaments et vaccins permet, habituellement, de franchir les étapes imposées avant d’obtenir l’autorisation d’expérimenter sur l’être humain, puis l’autorisation de vendre le produit.
Or, dans le cas de la Covid-19, tout s’est fait en quelques mois. Puisque les essais sont faits directement sur des patients ou des volontaires humains sains, à quoi servent donc les expériences en parallèle sur les animaux ? Cette crise ne fournirait-elle pas la démonstration de l’inutilité de ces dernières et de la nécessité de modifier la loi pour que les études sur du matériel humain et sur l’homme ne deviennent l’unique norme ?
Il est possible qu’un pas ait été fait dans ce sens. La Coalition internationale des autorités de réglementation des médicaments (ICMRA) a organisé une réunion virtuelle le 18 mars 2020 avec l’Organisation mondiale de la santé et la Commission européenne. Les participants ont reconnu l’urgence de procéder aux essais de candidats vaccins sur l’homme. Ils ont analysé les considérations réglementaires liées au développement de candidats vaccins contre le SARS-CoV-2. Des données de toxicologie déjà disponibles pour d’autres vaccins produits par la même plateforme technologique pourraient être acceptées pour permettre l’essai d’un nouveau vaccin sur l’homme. Il ne serait pas exigé de démontrer l’efficacité d’un candidat vaccin sur des animaux avant de procéder aux premiers essais sur l’homme.
Tout en soutenant l’utilisation d’animaux « modèles », l’ICMRA accepte que des essais sur eux soient faits en parallèle avec les premiers essais sur quelques personnes et avant de passer aux essais sur l’homme à plus grande échelle (33). Nous ne serions pas surpris si cette stratégie démontrait l’inutilité des résultats observés sur des animaux (lesquels peuvent se révéler contradictoires entre eux et en contradiction avec ceux observés chez l’homme). Ce serait un grand progrès si les responsables de la réglementation admettaient enfin cette évidence scientifique.
Références
1. Brainard J., « Scientists are drowning in COVID-19 papers. Can new tools keep them afloat? », Science, 13/5/2020 ; https://www.sciencemag.org/news/2020/05/scientists-are-drowning-covid-19-papers-can-new-tools-keep-them-afloat
2. https://fr.wikipedia.org/wiki/Maladie_à_coronavirus_2019
3. Mallapaty S., « How do children spread the coronavirus? The science still isn’t clear », Nature, 7/5/2020 ; https://www.nature.com/articles/d41586-020-01354-0
4. https://www.worldometers.info/coronavirus/coronavirus-age-sex-demographics/
5. Martelletti L. and Martelletti P, « Air Pollution and the Novel Covid-19 Disease: a Putative Disease Risk Factor », SN Compr Clin Med, 15/4/2020 ; https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7156797/
6. Conticini E. et al, « Can atmospheric pollution be considered a co-factor in extremely high level of SARS-CoV-2 lethality in Northern Italy? », Environmental Pollution, 4/4/2020 ; https://doi.org/10.1016/j.envpol.2020.114465
7. Desange M., « Coronavirus: la vitamine D pourrait réduire de moitié la mortalité selon la recherche », Presse Santé, 10/5/2020 ; https://www.pressesante.com/coronavirus-la-vitamine-d-pourrait-reduire-de-moitie-la-mortalite-selon-la-recherche/ ; https://doi.org/10.1101/2020.04.08.20058578
8. Maad A., « Coronavirus : des bactéries intestinales, les « Prevotella », sont-elles les véritables responsables du Covid-19 ? », Le Monde, 24/4/2020 ; https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2020/04/24/des-bacteries-intestinales-les-prevotella-sont-elles-les-veritables-responsables-du-covid-19_6037624_4355770.html
9. Sungnak W. et al, « SARS-CoV-2 entry factors are highly expressed in nasal epithlial cells together with innate immune genes », Nature Medicine, 23/4/2020 ; https://www.nature.com/articles/s41591-020-0868-6
10. Sungnak W. et al, Op cit
11. Cyranoski D., « Profile of a killer: the complex biology powering the coronavirus pandemic », Nature, 4/5/2020 ; https://www.nature.com/articles/d41586-020-01315-7
12. Mallapaty S., Op cit
13. Melin A.D. et al, « Comparative ACE2 variation and primate COVID-19 risk », Biorxiv, 9/4/2020 ; https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2020.04.09.034967v1.full
14. Gibbons A., « Primatologists work to keep great apes safe from coronavirus », Science, 1/5/2020 ; https://www.sciencemag.org/news/2020/05/primatologists-work-keep-great-apes-safe-coronavirus
15. Melin A.D. et al, Op cit
16. Pickett M., « The Search for a Covid-19 Research Animal Model », Wired, 11/5/2020 ; https://www.wired.com/story/the-search-for-a-covid-19-research-animal-model/
17. Renieri A. et al, « ACE2 variants underlie interindividual variability and susceptibility to COVID-19 in Italian population », Medrxiv, 3/4/2020 ; https://doi.org/10.1101/2020.04.03.20047977
18. Gozlan M., « Coronavirus SARS-CoV-2 : les chats peuvent s’infecter mutuellement et ne présenter aucun symptôme », blog Le Monde, 15/5/2020 ; https://www.lemonde.fr/blog/realitesbiomedicales/2020/05/15/coronavirus-sars-cov-2-les-chats-peuvent-sinfecter-mutuellement-et-ne-presenter-aucun-symptome/
19. Gorman J., « Cats Can Transmit the Coronavirus to Each Other, but They Probably Won’t Get Sick From It », New York Times, 13/5/2020 ; https://www.nytimes.com/2020/05/13/science/cats-coronavirus.html
20. Cohen J., « Mice, hamsters, ferrets, monkeys. Which lab animals can help defeat the new coronavirus? », Science, 13/4/2020 ; https://www.sciencemag.org/news/2020/04/mice-hamsters-ferrets-monkeys-which-lab-animals-can-help-defeat-new-coronavirus
21. Cohen J., Op cit
22. Cohen J., Op cit
23. Cohen J., Op cit
24. Bult C.J. et al, « Mouse genome database 2016 », Nucleic Acids Research, 17/11/2015 ; https://academic.oup.com/nar/article/44/D1/D840/2502693
25. Cohen J., Op cit
26. Callaway E., « Coronavirus vaccines: five key questions as trials begin », Nature, 18/3/2020 ; https://www.nature.com/articles/d41586-020-00798-8
27. « Thousands volunteer for controversial vaccine study », Nature, 29/4/2020 ; https://www.nature.com/articles/d41586-020-01220-z
28. https://1daysooner.org/
29. Callaway E., « Coronavirus vaccine trials have delivered their first results -but their promise is still unclear », Nature, 19/5/2020 ; https://www.nature.com/articles/d41586-020-01092-3
30. Scudellari M., « The sprint to solve coronavirus protein structures -and disarm them with drugs », Nature, 15/5/2020 ; https://www.nature.com/articles/d41586-020-01444-z
31. Le Masson S., « La longue odyssée d’un nouveau produit », Impact Médecin Hebdo, 17/11/2000, pp 80-81
32. https://clinicaltrials.gov
33. International Coalition of Medicines Regulatory Authorities, « Global regulatory workshop on COVID-19 vaccine development » Summary Report ; http://www.icmra.info/drupal/sites/default/files/2020-03/First%20regulatory%20COVID-19%20workshop%20-%20meeting%20report_March%202020.pdf ou à partir de https://www.eurotimes.org/regulators-loosen-animal-test-requirements-for-some-phase-i-covid-19-vaccine-trials/