Systematic Reviews of Animal Models: Methodology versus Epistemology ; par Ray Greek et André Ménache ; article scientifique paru dans International Journal of Medical Sciences le 11 janvier 2013 ( www.medsci.org/v10p0206.pdf ).
Annoncé dans La Notice d’Antidote de mars 2013, nous présentions cet article avec des extraits du résumé traduits en français dans La Notice d’Antidote de juin 2013 (n°35, page 4). Juin 2017, il a été traduit par Hélène Sarraseca. Il est désormais disponible en français dans son intégralité et téléchargeable en pdf en cliquant sur la miniature ci-dessous:
Ce texte, accessible aussi aux non scientifiques, est plus que jamais d’actualité au vu de l’argumentation récente de certains chercheurs pour justifier l’utilisation d’animaux pour la recherche biomédicale : pour une meilleure analyse statistique, ils proposent d’augmenter le nombre d’animaux utilisés dans leurs études dans le but d’obtenir des résultats qui seraient, disent-ils, plus fiables. C’est ignorer les véritables raisons pour lesquelles l’expérimentation animale est un échec.
L’article de Ray Greek et André Ménache vous permettra de comprendre ces raisons et vous pourrez ensuite les exposer clairement si vous avez l’occasion d’échanger avec des chercheurs qui défendent l’utilisation d’animaux pour la recherche biomédicale humaine.
La recherche scientifique ne devrait pas être attachée à des dogmes ou paradigmes particuliers mais, au contraire, faire évoluer ses méthodes selon les résultats obtenus. Dans son livre « Rigor Mortis » (textuellement « Rigidité cadavérique »), le journaliste scientifique Richard Harris dénonce le coût -financier et humain- d’une science bâclée, trop souvent engluée dans des « modèles animaux ».
Par André Ménache
En tant que journaliste scientifique expérimenté, Richard Harris a fait du bon travail en dénonçant plusieurs des raisons pour lesquelles une bonne partie de la recherche biomédicale, et parfois même de la recherche clinique, n’est pas fiable. Cette « science bâclée », selon ses propres termes, « crée des remèdes sans valeur, détruit l’espoir et gaspille des milliards ».
L’objectif de cette critique de livre n’est pas d’en couvrir le contenu en entier mais, plutôt, de se concentrer sur certains aspects de la recherche sur des animaux évoqués dans l’ouvrage. Harris fournit plusieurs exemples de la faiblesse et des échecs inhérents à la recherche sur des animaux mais n’assemble pas toutes les pièces du puzzle de façon à présenter une conclusion claire. La raison de ceci est peut-être qu’il ne veut pas critiquer l’establishment plus que nécessaire, ou simplement qu’il lui manque des connaissances essentielles pour voir l’évidence. Harris est un journaliste scientifique, pas un biologiste de l’évolution.
Voici quelques exemples qui, dans ce livre, pointent du doigt la recherche sur des animaux :
1) Les scientifiques peuvent se leurrer eux-mêmes de 235 façons en biaisant inconsciemment leurs études (page 41).
2) De nouvelles recherches montrant que les résultats obtenus sur des souris ne s’appliquent pas aux humains ont été rejetées par des journaux scientifiques au motif que : « Si ce papier est publié, il retardera le domaine [de la recherche sur les souris] de 10 ou 20 ans… Evidemment, la vieille garde va souffrir d’un changement de paradigme et des carrières entières vont disparaître. » (pages 50 et 51)
3) « Des études trompeuses sur l’animal ont conduit à un gaspillage d’efforts et à des impasses dans la recherche de médicaments dont le coût est estimé à des milliards de dollars. Les échecs d’études sur des animaux ont également eu des conséquences mortelles. » (page 71)
4) Harris cite un chercheur qui continue à utiliser des animaux et qui dit : « Les modèles animaux sont un désastre… Je suis inquiet pas seulement du fait qu’ils puissent être faux… mais qu’en serait-il si les modèles de maladies neurodégénératives (sclérose latérale amyotrophique et Alzheimer) n’étaient pas faux mais sans pertinence ? Non pertinent est bien pire que faux. Parce que la non pertinence vous envoie dans la mauvaise direction. » (page 82)
5) L’un des scientifiques interviewés pour ce livre fournit une piste clé sur la question de savoir pourquoi un traitement qui semble efficace chez l’animal échoue ensuite chez l’homme : « L’évolution a créé tellement de systèmes [de sauvegarde] redondants que cibler une simple voie dans un réseau complexe fonctionnera rarement. » (page 89)
Au total, ce livre est une occasion manquée de dénoncer la fraude scientifique que représente la recherche sur des animaux, étant donné notre connaissance actuelle des systèmes complexes et de la biologie de l’évolution. Harris semble soutenir l’idée que la recherche sur des animaux pourrait être améliorée par l’adhésion à des lignes directrices strictes concernant la méthodologie. La véritable raison pour laquelle les études sur des animaux échouent est qu’elles ne sont pas prédictives de la façon dont les humains réagissent à des médicaments et aux maladies. Augmenter le nombre d’animaux utilisés pour une étude ne résoudra pas le problème. Plutôt, c’est une révision majeure d’un paradigme scientifique dépassé au vu des connaissances scientifiques actuelles qui serait nécessaire.
Le Dr Ray Greek et moi-même avons abordé ce point précis dans notre article « Systematic Reviews of Animal Models : Methodology versus Epistemology » (Revue de synthèse des modèles animaux : méthodologie versus épistémologie), présenté dans La Notice d’Antidote de juin 2013 et consultable intégralement, en anglais, sur http://www.medsci.org/v10p0206.htm
Grâce à une bonne collaboration avec d’autres associations européennes, nous avons pu rencontrer des chercheurs et des responsables du prestigieux Institut Karolinska pour entamer le dialogue sur l’abandon d’expériences menées sur des singes.
Antidote Europe et d’autres associations en Europe essayent d’obtenir l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire qui évaluerait la validité du modèle animal pour la recherche biomédicale et la toxicologie humaines. Une telle commission, dans quelque Etat membre de l’Union européenne que ce soit, pourrait proposer des mesures à prendre sur le plan national et créerait ainsi un précédent qui pourrait être mis en avant dans les autres Etats membres et au niveau européen.
Sans attendre que cette commission d’enquête voie le jour, nous pouvons agir au cas par cas dans les centres où se pratique l’expérimentation animale, notamment dans les universités. Une première victoire à été obtenue aux Pays-Bas, avec nos collègues belges et néerlandais, auprès de l’Université Radboud, à Nijmegen, qui a déclaré qu’elle ne renouvellerait pas les licences accordées pour des recherches sur des primates suite à le remise de pétitions signées par des dizaines de milliers de personnes ; voir notre article sur https://antidote-europe.eu/modele-singe-bat-de-laile/.
55.000 signatures
Le 23 mars 2017, André Ménache était à Stockholm pour une rencontre avec le suppléant du recteur de l’Institut Karolinska, des chercheurs de cet institut et nos partenaires des associations Animal Justice Project (britannique) et Djurrattsalliansen (suédoise). Cet institut a une renommée mondiale et participe à l’attribution du Prix Nobel de médecine et de physiologie. Notre réunion a été relayée sur le site officiel de l’Institut : http://ki.se/nyheter/ki-tog-emot-namninsamling-mot-forskning-med-makaker.
La rencontre était préparée de longue date puisque, déjà en 2015, André Ménache était intervenu pour apporter une argumentation scientifique contre l’utilisation de primates non humains dans le cadre de recherches prévues à l’Institut Karolinska ; voir notre article sur https://antidote-europe.eu/experiences-singes-suede/. Nous avions déjà constaté l’isolement de la Suède en la matière puisqu’elle est le dernier pays scandinave où se pratiquent des expériences sur des primates non humains.
L’étape suivante a été de montrer aux responsables et aux chercheurs de l’Institut la détermination de notre engagement et la forte opposition du public aux expériences menées sur des singes. C’est ainsi que, au cours de la réunion du 23 mars dernier, une pétition réunissant plus de 55.000 signatures a été présentée par les associations.
Une discussion ouverte
Cette rencontre constitue un pas important dans le dialogue scientifique qui a pour but de remplacer l’utilisation de singes par des méthodes fiables et pertinentes pour la santé humaine. Important, nous le soulignons, car il est très rare que des chercheurs d’un établissement où se pratique l’expérimentation animale acceptent de rencontrer des scientifiques opposés à cette pratique.
Au préalable, André Ménache avait demandé aux chercheurs de prouver, articles publiés dans des revues à comité de lecture à l’appui, que le macaque rhésus est bien un modèle biologique de l’homme pour l’étude du paludisme, sujet sur lequel ils travaillent. Ces articles ont été apportés le jour même de la réunion, ce qui nous a empêché de préparer notre argumentation à l’avance. Mais qu’à cela ne tienne. De retour de Suède, nous les avons lus attentivement et nous avons constaté la pauvreté de leur argumentation.
Comme suite immédiate à cette action, André Ménache prépare un rapport scientifique réfutant les « preuves » de la pertinence du modèle macaque pour la mise au point d’un vaccin contre le paludisme destiné à l’homme. Il montrera aussi que des méthodes modernes et fiables, sans recours à l’expérimentation animale, sont disponibles pour ce sujet de recherche précis.
Pour des raisons évidentes de stratégie de campagne en bonne entente avec nos associations partenaires, nous ne pouvons vous en dire plus pour l’instant mais croyez-nous : le rapport d’André Ménache ne restera pas dans un tiroir !
Madame la candidate à l’élection présidentielle,
Monsieur le candidat à l’élection présidentielle,
Au cours de la campagne pour la prochaine élection présidentielle, lorsqu’ils sont interrogés sur les questions de santé, nous entendons les candidats s’exprimer surtout sur le coût et la prise en charge des soins.
Nous souhaitons attirer votre attention sur les causes possibles des maladies humaines -donc, sur les possibilités de prévention- et sur le manque d’efficacité de beaucoup de traitements dont le coût pèse pourtant très lourd sur le budget de la France.
De nombreuses études ont mis en évidence le rôle des polluants chimiques dans la survenue de cancers, de maladies neurologiques et autres maladies. Or, la toxicité des substances chimiques est évaluée sur des animaux, dont les réactions ne sont pas forcément les mêmes que les nôtres. Tous les médicaments prescrits en médecine humaine ont été, par obligation légale, testés sur des animaux. Or, on constate que sur 10 médicaments qui passent avec succès les essais sur des animaux, 9 échouent aux essais sur l’homme. Ce chiffre et bien d’autres que nous pourrions vous communiquer devraient vous amener à vous interroger sur la validité scientifique des modèles animaux couramment utilisés en toxicologie et en recherche biomédicale humaines.
Une meilleure prévention et de plus nombreux succès thérapeutiques pourraient être atteints si on remplaçait les modèles animaux par des méthodes fiables et pertinentes pour l’homme (1). Nous espérons que vous voudrez bien prendre en compte nos arguments dans l’intérêt de la santé humaine et que vous ne nous ferez pas la sempiternelle réponse sur la prise en compte du bien-être animal lors d’expériences encadrées par la loi, cette réponse étant hors sujet.
Nous connaissons cette loi, la directive européenne 2010/63/UE, laquelle doit faire l’objet d’une révision avant décembre 2017 (2). Basée sur le concept des 3Rs (3) qui est un principe éthique et non scientifique, cette directive présuppose que les données obtenues sur une espèce animale seraient valables pour d’autres espèces (l’espèce humaine, par exemple), ce qui n’a jamais été prouvé. Au contraire, de plus en plus de chercheurs s’interrogent sur la prétendue validité du modèle animal.
En vue d’informer nos adhérents et sympathisants sur votre prise en compte de ces éléments, nous vous saurions gré de répondre aux trois questions ci-dessous.
Si vous êtes élu(e) à la Présidence de la République Française :
1. Accepterez-vous de recevoir des représentants d’Antidote Europe pour évaluer le problème que pose la recherche animale pour la santé humaine et envisager de possibles solutions ?
2. Accepterez-vous de charger les autorités compétentes d’organiser un débat strictement scientifique sur la validité du modèle animal selon les modalités rigoureuses déjà proposées au Parlement britannique par nos collègues au Royaume-Uni et acceptées par plus de 130 membres de ce Parlement ?
3. Accepterez-vous de charger les autorités compétentes d’introduire dans la directive européenne 2010/63/UE un amendement qui obligerait à valider, par comparaison avec des données humaines, tout modèle animal destiné à la toxicologie ou à la recherche sur la physiologie et les maladies humaines ?
Nous vous remercions bien vivement pour votre attention et vous souhaitons bonne continuation pour votre campagne.
Veuillez accepter, Madame, Monsieur, nos bien cordiales salutations.
Hélène SARRASECA
Membre fondateur d’Antidote Europe
Diplômée en neurosciences
Auteur du livre « Animaux cobayes et victimes humaines » (éd Dangles, 2006)