Autisme : où allons-nous ?
La prévalence de l’autisme se développe trop rapidement pour qu’elle soit une maladie génétique. Au lieu de cela, il est probablement causée par l’exposition du fétus à des substances nocives.
Les causes de l’autisme sont à rechercher dès avant la naissance mais pas en termes de facteurs génétiques. L’exposition de la mère à certaines substances chimiques pourrait expliquer le trouble chez son enfant. A peine créée, Antidote Europe avait déjà montré que des substances très présentes dans notre environnement pouvaient affecter le développement du système nerveux du foetus.
L’autisme est un désordre du développement neuronal, qui peut démarrer dès les premières semaines suivant la conception. Le très jeune enfant affecté de ce désordre présente, à des degrés divers, un certain nombre de handicaps : incapacité à communiquer, donc à exprimer besoins ou désirs, il cache ses sentiments mais il peut aussi lui arriver de manifester brutalement ses émotions, il est incapable de participer à une vie sociale et résiste à tout changement autour de lui. Il s’enferme dans une forteresse virtuelle. Ces problèmes se manifestent dès les premières années de la vie de l’enfant, généralement avant l‘âge de trois à cinq ans. Ils sont liés à un traitement défectueux de l’information par le cerveau, probablement la conséquence d’une mauvaise organisation des cellules neuronales et de leurs interconnexions, au moment de la mise en place du système nerveux central durant l’embryogenèse.
Ces désordres ““ce n’est pas une maladie- sont définitifs. Dans l‘état actuel de nos connaissances, il n’y a pas de traitement. Ils peuvent être plus ou moins prononcés et sont regroupés au sein d’un “Spectre” de Désordre Autistique, avec trois dominantes, selon que l’enfant présente un problème mental profond (40% des cas), modéré (30% des cas) ou n’est pas affecté dans son développement cognitif (30% des cas). Certains parmi ces derniers sont même doués d’une intelligence supérieure (cas de quelques très grands scientifiques).
Causes génétiques ou environnementales ?
Puisque, parmi les autistes, les garçons sont quatre fois plus nombreux que les filles, on a longtemps pensé que des facteurs génétiques seraient impliqués, mais ceux-ci seraient complexes puisque l’autisme n’est pas héréditaire. Une autre hypothèse a été formulée quand on a développé des méthodes de diagnostic fiables, à partir des années 80. Bien que les chiffres réels en France soient difficiles à obtenir, on s’est aperçu que la prévalence (1) de l’autisme progressait de façon extraordinairement rapide : pour 10 000 personnes, on décomptait moins de 5 cas dans les années 70 ; 16 dans les années 90 ; 23 en 2003 (mais seulement 5 selon le site du ministère de la Santé et 50 selon l’OMS !) ; et 60 en 2009.
Notons que dans des pays anglo-saxons, les chiffres sont encore plus catastrophiques. L’agence gouvernementale états-unienne CDC (Centre pour le Contrôle des Maladies, Atlanta) a publié fin décembre 2009 la prévalence du “Spectre” mesuré en 2006 aux Etats-Unis chez des enfants nés en 1998, soit un enfant de 8 ans sur 110 (un garçon sur 70, une fille sur 315), dont près de la moitié présente des handicaps intellectuels importants. Ces chiffres sont en augmentation de 57% par rapport à 2002 (+60% pour les garçons, +48% pour les filles). Pour 2009, les estimations font état d’un autiste sur 94 enfants aux Etats-Unis, voire même d’un sur 66 au Royaume Uni. En supposant que la prévalence continue d’augmenter au même rythme, on pourrait extrapoler ces chiffres pour savoir quand 100% des garçons de 8 ans, et 100% des filles de 8 ans, seront autistes. Le “meilleur des mondes” en vue ! En France, la fiabilité croissante du diagnostic de personnes affectées par l’une ou l’autre composante du “Spectre” a certainement contribué à la spirale ascendante de la prévalence de l’autisme, mais cette spirale oblige à prendre en considération l’hypothèse de la responsabilité de facteurs environnementaux, à côté ou à la place de l’hypothèse génétique. Il est en effet impensable que le patrimoine génétique humain se modifie à une allure telle qu’il expliquerait la multiplication de la prévalence de l’autisme par un facteur 12 en 30 ans. Cette explosion met aussi hors de cause la responsabilité consciente de la mère d’un enfant autiste, une affirmation péremptoire et dénuée de tout sérieux scientifique, et pourtant courante chez les “spécialistes” de la maladie il y a encore dix ans. L’expression “responsabilité de la mère” n’exclut pas son rôle involontaire dans la maladie, puisque le désordre autistique démarre le plus souvent durant le développement in utero de l’autiste. Ce serait donc l’environnement de la mère durant sa grossesse qui pourrait être en cause, qu’il s’agisse de substances chimiques qu’elle absorbe (nourriture, boissons), qu’elle respire (pollutions atmosphériques, solvants, gaz d‘échappement chargés de (nano ?) particules, fumées d’usines…) ou qu’elle s’applique sur la peau (cosmétiques).
Démasquer les substances nocives
Comment identifier une substance chimique “œautistogène“ ? Le test sur un “œmodèle animal“ est évidemment exclu, non seulement parce qu’aucune espèce n’est un modèle biologique fiable pour une autre, comme nos lecteurs le savent depuis longtemps, mais on ne voit pas très bien comment identifier une souris autiste d’une congénère qui ne l’est pas (les “aventures d’une souris autiste”, un thème qui devrait inspirer les dessinateurs de BD). On ne voit pas non plus des volontaires humains (en l’occurrence des fétus en cours de gestation ou des bébés de moins de 2 ans) accepter d‘être exposés à des substances chimiques susceptibles de provoquer une forme d’autisme, d’autant qu’une fois déclaré, hélas “autiste un jour, autiste toujours”. Reste donc des tests sur des échantillons biologiques d’origine humaine, en premier lieu des cellules neuronales.
On est donc tout naturellement conduit à évaluer ces substances par toxicogénomique sur ce type de cellules, soit très précisément ce qu’Antidote Europe a fait il y a 6 ans. Nous avions sélectionné à cette fin des cellules neuronales en culture SH-SY5Y, et la dérégulation de l’expression des gènes de ces cellules quand elles sont exposées à des substances chimiques. Nous avions présent à l’esprit le problème de l’autisme et, dans ce contexte, nous nous étions en particulier intéressés à une famille de 8 gènes marqueurs de neurotoxicité, dont trois (ROBO1, HOXD1, THBS) sont essentiels dans l’architecture neuronale chez le fétus et le jeune enfant, trois (ACHE, DRD2, TH) dans la communication neuronale, un (CTSB) dans le développement de l’amyloïdose (à l’origine de maladies neurodégénératives), un enfin (BZRP) impliqué dans l’initiation de la synthèse d’hormones stéroïdes (pour explorer les raisons de la différence importante entre garçons et filles devant le risque d’autisme). Résultats : la plupart de ces gènes sont sévèrement dérégulés par, entre autres, le bisphénol A (2), l’acrylamide, le 2-butoxyéthanol (solvant utilisé dans les cosmétiques), le 3-aminophénol (coloration des cheveux) et toute une série de pesticides. Si nous avions les moyens de refaire ces tests aujourd’hui, nous sélectionnerions un bien plus grand nombre de gènes marqueurs pertinents, un plus grand nombre de lignées de cellules neuronales humaines, de larges séries de temps d’exposition et de concentrations de substances. Les techniques génomiques d’aujourd’hui permettraient pour le même prix d‘étudier non pas 30 substances comme en 2004, mais plusieurs centaines et leurs mélanges (encore une possibilité offerte par la toxicogénomique (3)), présents dans l’organisme de la future maman et donc du fétus.
Malheureusement, les moyens nécessaires nous manquent. Ils ne représentent cependant qu’une petite partie de ce qui a été gaspillé en pure perte pour la prétendue “pandémie” de grippe A (H1N1), dont j’avais d’avance dénoncé le caractère largement exagéré lors d’une interview sur Radio Ici et maintenant. On aimerait que les autorités appliquent avec la même rigueur le principe de précaution à la prévention de l’autisme pour identifier et éliminer de notre environnement les substances qui en sont responsables. Cela mériterait un Plan Autisme au moins aussi urgent que les plans Alzheimer ou Cancer, car il en va des générations futures.
REFERENCES