L’utilisation d’animaux vivants dans l’enseignement des sciences de la vie et de la Terre (SVT) n’est permise qu’à certaines conditions. Les règles sont données par la directive européenne 2010/63/UE et transposées en droit français.
Nos très vifs remerciements à Mme Laurence Abeille, députée écologiste du Val-de-Marne qui a posé une question écrite au gouvernement, à ce sujet. Les questions écrites sont publiées au Journal officiel et le ministère concerné est tenu d’y répondre, également par écrit et avec publication au Journal officiel.
Nous reproduisons ci-dessous le texte de la question écrite de Mme Abeille publiée le 26 janvier 2016. Nous rendrons compte de la réponse dès qu’elle sera disponible.
Texte de la question :
Mme Laurence Abeille interroge M. le secrétaire d’État, auprès de la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche sur l’utilisation d’animaux vivants dans les établissements d’enseignement supérieur ainsi que les sanctions prévues dans le cas de non-respect de la législation en vigueur par les responsables de projet utilisant des animaux. Une association de protection animale a récemment révélé des faits qui se sont déroulés dans une université de province lors de travaux dirigés en licence SVT. Il s’agissait de procédures expérimentales sur animaux vivants, celles-ci contrevenant à législation en vigueur et notamment à l’article R. 214-105 du code rural et de la pêche maritime. Ces expériences étaient illicites tant parce qu’elles se sont pratiquées dans le cadre d’une formation généraliste ne conduisant pas à des métiers impliquant la réalisation de procédures expérimentales sur les animaux, que parce qu’elles n’ont pas respecté le principe des « 3R » (remplacement, réduction, raffinement) figurant dans l’article R. 214-105 susmentionné et dans la directive européenne 2010/63/UE relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques. Elle rappelle que l’article 60 de la directive européenne 2010/63/UE relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques édicte que : « les États membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions nationales prises en application de la présente directive et prennent toute mesure nécessaire pour en assurer la mise en oeuvre. Les sanctions ainsi prévues doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. Les États membres notifient ces dispositions à la Commission, au plus tard le 10 février 2013, et notifient sans retard toute modification ultérieure les concernant ». Ces faits nous interrogent de manière plus globale sur les moyens – inspections et sanctions – mis en oeuvre par les pouvoirs publics pour éviter de telles dérives. Elle souhaiterait savoir comment sont effectuées les inspections, lors des travaux dirigés avec utilisation d’animaux, permettant de s’assurer du respect des bonnes pratiques expérimentales.
Paris, le 15 décembre 2014 – Antidote Europe remercie le ministère de l’Education nationale pour sa lettre aux recteurs d’académie clarifiant enfin la position de la France au sujet des dissections d’animaux vertébrés en collège et lycée. Antidote Europe remercie également la sénatrice Chantal Jouanno pour toutes ses actions liées à ce résultat.
Le 28 novembre, le ministère écrivait que dans l’enseignement secondaire, les travaux pratiques de biologie « peuvent être réalisés sur des invertébrés (…) à l’exception des Céphalopodes (…) peuvent également être réalisés sur des vertébrés ou sur des produits issus de vertébrés faisant l’objet d’une commercialisation destinée à l’alimentation. La dissection des souris est donc désormais totalement exclue dans toutes les classes jusqu’au baccalauréat. » Cette interdiction concerne donc les animaux vertébrés (souris, grenouilles, poussins…) élevés dans le seul but de les disséquer en classes de biologie de l’enseignement général (elle ne concerne pas les formations techniques spécialisées).
Dans le cadre de sa campagne « Enseigner sans animaux« , lancée en 2010, Antidote Europe est en contact avec de nombreux professeurs de SVT, parents d’élèves, scientifiques qui proposent du matériel didactique, etc. La transposition en droit français de la directive européenne 2010/63/UE ne semblait pas tout à fait claire aux différentes personnes concernées. C’est pourquoi cette lettre du ministère de l’Education nationale était nécessaire et attendue.
Méthodes sans animaux vs dissections
De nombreux outils pédagogiques sans animaux sont disponibles pour les cours de SVT de tous niveaux et même pour les cours de médecine vétérinaire. Des études ont montré que ces méthodes « réussissent au moins aussi bien que celles qui supposent l’utilisation d’animaux, et parfois mieux. Ces réussites incluent une meilleure acquisition et développement de techniques chirurgicales, anesthésiques ou cliniques, une meilleure compréhension des processus biologiques complexes, une plus grande efficacité dans l’apprentissage et de meilleurs résultats aux examens. » (voir https://antidote-europe.eu/methodes-alternatives-recherche-animale/)
André Ménache, directeur d’Antidote Europe, déclare : « En tant que militant actif dans plusieurs pays, je considère cette annonce ministérielle comme un grand pas en avant, en France, même s’il reste encore beaucoup à faire. »
Antidote Europe est une association à but non lucratif créée par des chercheurs issus du CNRS. Ce n’est pas une association de défense animale. Nous démontrons que les données issues de la recherche animale peuvent induire en erreur quand on les applique à l’homme. Notre directeur a déjà donné et donne régulièrement de nombreuses conférences dans les collèges et lycées britanniques, conférences au cours desquelles il réaffirme qu’aucune espèce animale n’est le modèle biologique d’une autre. Cette évidence scientifique devrait, de plus en plus, être enseignée dès les premiers cours de biologie.
Dans le cadre de notre campagne « Enseigner sans animaux », nous avons voulu éclaircir certains points de la réglementation. Sur le site du ministère de l’Agriculture (http://agriculture.gouv.fr/Animaux-utilises-a-des-fins-scientifiques), qui est, en France, le ministère chargé de la transposition de la directive européenne concernant l’utilisation d’animaux dans les laboratoires (2010/63/UE), nous lisions que l’utilisation d’animaux vertébrés, même morts, ne serait autorisé « QUE dans l’enseignement supérieur ou la formation professionnelle ou technique conduisant à des métiers de l’expérimentation animale. »
Sur la même page, il est précisé: « en ce qui concerne l’enseignement secondaire, en lycées et collèges, il existe d’autres alternatives pédagogiques, les travaux pratiques peuvent être réalisés sur des sous-produits animaux au sens du règlement (CE) 1069/2009, issus d’animaux sains ou des denrées alimentaires (poissons, cœur-poumons de moutons), sur des invertébrés (non visés par la réglementation pré-citée), ou par l’intermédiaire de supports vidéo. »
Le hic, c’est que nous sommes en contact avec des enseignants en lycée et collège qui nous ont dit qu’ils n’avaient pas connaissance de cette interdiction et que des catalogues de « matériel pédagogique » pour les travaux pratiques continuaient àproposer des animaux.
Notre directeur ayant participé au colloque « Animal et enseignement » organisé par le groupe de réflexion Ecolo-Ethik à l’initiative de Mme Chantal Jouanno, sénatrice de Paris, il a fait part à cette dernière des possibles contradictions entre la loi et son application. Mme Jouanno a immédiatement proposé de poser une question écrite et nous la remercions bien vivement. Les questions écrites sont publiées au Journal officiel et doivent obligatoirement recevoir une réponse du gouvernement.
La question de Chantal Jouanno au gouvernement
Le 26 juin 2014, le Journal officiel du Sénat publiait la question n°12267 : « Mme Chantal Jouanno attire l’attention de M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur l’application de la directive 2010/63/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre 2010 relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques. Elle souhaiterait connaître le ou les textes français transposant cette directive, en particulier les dispositions relatives aux méthodes alternatives pour remplacer les dissections au collège ou au lycée. Il semblerait en effet qu’aujourd’hui, le fait d’utiliser ou de ne pas utiliser des animaux dans l’enseignement relève du choix personnel du professeur de sciences et vie de la Terre. Elle souhaiterait un éclaircissement sur ce point. »
La réponse du ministre
Le 24 juillet 2014, le Journal officiel du Sénat publiait la réponse apportée par le ministre : « La protection des animaux utilisés à des fins scientifiques et éducatives est une préoccupation constante des citoyens français et européens depuis déjà de nombreuses années. La directive européenne 2010/63/UE a modifié le dispositif réglementaire et réaffirme de façon très claire l’objectif de diminution des animaux utilisés à des fins scientifiques, enseignement compris. Les textes réglementaires achevant sa transposition le 1er février 2013 ont confirmé l’interdiction d’utilisation d’animaux vertébrés dans les établissements d’enseignement secondaire. L’article R. 214-87 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) précise que le dispositif réglementaire s’applique «lorsque des animaux (…) sont élevés pour que leurs organes ou tissus puissent être utilisés à des fins scientifiques »et l’article R. 214-105 du CRPM indique que «seules sont admises les procédures [id est « toute utilisation, invasive ou non, d’un animal à des fins expérimentales ou à d’autres fins scientifiques »] qui ont pour objet (…) l’enseignement supérieur ou la formation professionnelle ou technique conduisant à des métiers qui comportent la réalisation de procédures expérimentales… ». Les travaux pratiques utilisant des vertébrés (souris, grenouilles…), même morts, sont réservés au seul domaine de l’enseignement supérieur et de l’enseignement professionnel. Ce nouveau dispositif a fait l’objet d’une information par le ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt chargé de son application auprès du cabinet du ministère de l’éducation nationale en date du 7 mai 2013. S’agissant des alternatives pédagogiques, les travaux pratiques peuvent être réalisés sur des sous-produits animaux au sens du règlement (CE) 1069/2009, issus d’animaux sains ou des denrées alimentaires (poissons, cœur-poumons de moutons), sur des invertébrés (non visés par la règlementation pré-citée), ou par l’intermédiaire de supports vidéo. Enfin, certains recteurs d’académie ont également été destinataires de courriers dans ce sens, pour que les enseignants en sciences et vie de la terre soient informés de ce contexte réglementaire renforcé en matière de protection des animaux utilisés à des fins scientifiques et éducatives. »
Affaire à suivre…
Si des enseignants de Sciences et Vie de la Terre (SVT) pensent que l’utilisation d’animaux est autorisée et que si des catalogues continuent à proposer des poussins, des grenouilles, des rats ou de souris, il y a un manque d’information quelque part… Le ministère de l’Agriculture dit avoir informé le ministère de l’Education nationale le 7 mai 2013 et dit avoir informé aussi « certains recteurs d’académie ». Pourquoi « certains » seulement ? Et qui aurait informé les fournisseurs d’animaux pour travaux pratiques ? Nous avons à nouveau sollicité Mme Chantal Jouanno pour de nouveaux éclaircissements. Cette affaire est donc à suivre.
Les méthodes d’enseignement de la biologie et de la médecine humaines sans dissections ni expériences sur des animaux sont au point et à la pointe. Des centaines de méthodes ont déjà fait leurs preuves et de nouvelles méthodes sont progressivement développées. Elles satisfont les enseignants, les étudiants… et les comptables, car elles sont généralement moins chères que l’expérimentation animale. Leur succès rend notre époque « très excitante », nous dit Nick Jukes.
Les expériences sur des animaux se font, principalement, dans trois domaines : la toxicologie, la recherche biomédicale et l’enseignement des sciences de la vie. Nous vous parlons le plus souvent des deux premiers mais voici une interview qui va nous éclairer sur les possibilités de remplacer les animaux dans le troisième. L’enseignement est le domaine dans lequel le remplacement total de l’expérimentation animale par des méthodes modernes et performantes serait le plus facile à réaliser. Aucune loi n’impose d’utiliser des animaux dans l’enseignement (contrairement à ce qui se passe en toxicologie) ; il n’y a pas d’avantages particuliers à utiliser des animaux (contrairement à ce qui se passe dans la recherche où l’expérimentation animale fournit des résultats rapides et facilement publiables).
Nous recevons parfois des appels au secours d’étudiants en biologie qui refusent d’expérimenter sur des animaux. Hélas, nous ne pouvons guère les aider individuellement car il s’agit là -l’objection de conscience- d’un combat éthique en dehors de notre champ d’action. Par contre, nous pouvons agir pour que plus aucun étudiant ne soit confronté à ce terrible choix : faire souffrir et tuer un animal ou mettre en danger son cursus universitaire. Nous le pouvons et nous le devons d’autant plus que, comme en toxicologie et en recherche biomédicale, les « modèles animaux » sont de bien piètres outils pour apprendre et comprendre l’anatomie, la physiologie et les pathologies humaines. Notre campagne à ce sujet est encore trop embryonnaire pour que nous puissions vous en parler mais nous avons déjà pris contact avec d’autres associations et vous entendrez parler d’Antidote Europe dans ce domaine-là aussi.
En attendant, nous vous présentons l’interview de Nick Jukes, l’un des plus grands spécialistes au monde de méthodes sans animaux pour l’enseignement de la biologie et de la médecine avec lequel, bien entendu, nous restons en contact.
Antidote Europe (AE) :Vous êtes physicien de formation. Pourriez-vous raconter à nos lecteurs comment vous en êtes venu à diriger l’organisation la plus efficace au monde œuvrant pour le remplacement des animaux dans l’enseignement ? Un événement a-t-il infléchi le cours de votre carrière ou la transition s’est-elle faite graduellement ?
Nick Jukes (NJ) : Je me suis toujours intéressé aux arts et aux sciences mais j’ai choisi les sciences à l’université. Vers la fin de mes études, en raison d’une vibrante atmosphère de débats et de campagnes, mon soutien à la cause environnementale et animale a grandi. A la fin des années 1980, j’ai pris une part active à la direction du groupe vert radical local, abordant un vaste panel de sujets, de la vivisection à l’anarchisme, de la santé aux droits de l’homme.
Une éducation scientifique peut théoriquement encourager la pensée critique, mais enseigne souvent la conformité et l’évitement du concept de responsabilité sociale. J’ai réalisé que ma véritable éducation s’était faite par l’activisme politique de base et dans la communauté des militants. Dans les années 1990, mon travail et ma vie ont été une combinaison d’action directe pacifique, de création de réseaux d’informations, de projets de permaculture et de promotion d’alternatives aux méthodes impliquant de la souffrance animale.
Ce dernier travail, je l’ai fait au sein d’EuroNICHE, après avoir assisté à une de leurs conférences en 1989. Tandis que le réseau que je dirigeais alors devenait mondial, nous l’avons appelé InterNICHE et j’ai apprécié le potentiel de l’organisation pour responsabiliser le public et créer un changement radical et durable.
Bien qu’InterNICHE puisse paraître avoir un champ d’action restreint, nous touchons à des problèmes complexes : comment différentes formes de discrimination et d’exploitation sont liées entre elles, et comment une approche holistique peut avoir des retombées positives sur l’éducation, les professions et la société dans son ensemble. Ceci est clairement illustré par la convergence des droits des étudiants à un enseignement éthique et de bonne qualité d’une part, et les droits et la liberté des animaux d’autre part. Nous portons une vision courageuse d’un enseignement respectueux et du remplacement total des méthodes utilisant des animaux. Notre approche pour faire de cette vision une réalité est créative et axée sur les solutions. Malgré ses défis, le travail pour aider à catalyser de nombreuses petites révolutions dans la psychologie et la pratique des individus à travers le monde est très gratifiant.
AE :Pouvez-vous faire à nos lecteurs un résumé de votre travail ? Vous concentrez-vous sur l’enseignement universitaire ou abordez-vous les autres niveaux également ? Quels pays avez-vous visité au cours de vos campagnes ?
NJ : Nous travaillons surtout sur les programmes universitaires de biologie, médecine humaine et médecine vétérinaire. Les méthodes impliquant de la souffrance animale incluent les dissections et expériences sur des animaux tués à cette fin en anatomie, physiologie, pharmacologie, pratique clinique et chirurgie. Nous abordons également la formation professionnelle (cours de chirurgie avancée) et parfois l’enseignement secondaire, où des dissections peuvent encore être faites.
Les alternatives incluent des outils tels que la vidéo numérique, les logiciels multimédia et la réalité virtuelle, des modèles éducatifs, des mannequins et des simulateurs. Elles incluent aussi l’utilisation de cadavres d’animaux provenant de sources éthiques et la pratique clinique sur des animaux malades. Notre propre constat des avantages pédagogiques, éthiques et économiques des alternatives est corroboré par celui des professeurs, des étudiants et par plusieurs études publiées. De fait, ces méthodes innovantes et respectueuses sont désormais largement disponibles. Souvent, elles ne sont plus considérées comme « alternatives » mais comme la norme.
InterNICHE fait un travail international auprès de professeurs, d’étudiants et de militants pour faciliter l’implémentation d’alternatives et le remplacement des méthodes impliquant de la souffrance animale. Les projets d’InterNICHE, en cours ou déjà aboutis, incluent des ressources d’information comme le livre From Guinea Pig to Computer Mouse (Du Cobaye à la souris numérique) ou les bases de données en ligne Studies Database et Alternatives Database, cette dernière avec une présentation détaillée de plus de 1000 alternatives. Nous proposons aussi des ressources internet en plusieurs langues, un service de prêt d’alternatives pour permettre de les essayer, un Prix pour encourager le développement et l’implémentation d’alternatives, le soutien aux étudiants objecteurs de conscience, une gamme de logiciels gratuits et d’alternatives peu onéreuses, et des conférences, expositions, visites et formations dans le monde entier. J’ai visité près de 50 pays. Ma forte empreinte écologique est mon principal compromis dans une vie que j’essaye de mener sans compromissions. Toutefois, je maximise toujours l’impact de mes visites. En faisant partie d’un grand réseau de personnes désireuses de s’investir dans ce domaine, j’ai eu l’occasion de travailler dans des pays aussi divers que le Brésil, l’Afrique du Sud, l’Iran, la Russie, l’Ouzbékistan, l’Inde et la Chine, ainsi qu’en Europe.
AE :Notre directeur, André Ménache, a eu le privilège de participer avec vous à une série de conférences dans des universités sud-africaines en août 2012. Vous avez parlé dans des écoles de médecine humaine et vétérinaire. Pouvez-vous nous faire part des retombées positives auprès des professeurs ?
NJ : La visite en Afrique du Sud a été un grand succès. Nous avons organisé, pendant plus d’une semaine, des événements sur les alternatives pour remplacer les animaux dans l’enseignement, la recherche et la toxicologie. Les ateliers principaux étaient suivis de séminaires dans les universités de six grandes villes du pays. L’atelier enseignement et formation présentait la pratique et les avantages d’outils pédagogiques respectueux. Il était illustré par des vidéo-clips et des démonstrations. Une exposition multimédia a donné accès à près de cent outils pédagogiques pour plusieurs disciplines, incluant des modèles, des mannequins, des simulateurs et des logiciels installés sur un réseau de 50 ordinateurs.
Une démonstration de chirurgie laparoscopique a illustré le potentiel des outils de formation avancée pour l’acquisition de compétences poussées en chirurgie et pour le remplacement des expériences sur des animaux. Le système de perfusion pulsée d’organes (POP) a été présenté en démonstration sur des organes obtenus après euthanasie de chiens pour des raisons médicales, respectant la politique d’InterNICHE sur les méthodes de remplacement.
Dans les domaines de la recherche et de la toxicologie, les conférences étaient faites par Barbara Grune, de l’Institut fédéral allemand pour l’évaluation des risques (BfR) et par André Ménache. André a confronté l’utilisation de « modèles animaux » et de méthodes fournissant des données humaines à l’ère de la médecine personnalisée. Il a appelé à la réflexion sur les comités d’éthique et leur efficacité, remettant en question l’utilisation d’êtres sensibles dans la recherche fondamentale et suggérant qu’il serait temps de placer la barre plus haut.
Barbara Grune a présenté des méthodes alternatives et un résumé de la directive européenne 2010/63/UE et autres dispositions réglementaires récentes concernant l’expérimentation animale. Elle a décrit les efforts du groupe de travail européen AXLR8 pour accélérer la transition vers un nouveau paradigme de tests de toxicologie. Elle a aussi abordé le sujet du financement et de la validation des alternatives, ainsi que des sources fiables pour la recherche sur ces méthodes.
Les ateliers ont été suivis par plus de 70 personnes issues de l’université, de l’industrie et des organismes chargés de la réglementation. La diversité et le haut niveau des questions sont très prometteurs pour l’avenir. Et, comme lors de précédents ateliers d’InterNICHE, nous avons reçu des commentaires de la part de certains participants, cyniques à l’arrivée mais convaincus au départ et désireux de participer au remplacement des animaux par les méthodes modernes.
AE :Après vos nombreux voyages et rencontres avec des responsables universitaires, quels vous semblent être les principaux obstacles à une utilisation généralisée des méthodes d’enseignement respectueuses ?
NJ : Tous les obstacles au remplacement total du recours à l’animal par les alternatives peuvent être surmontés. InterNICHE et d’autres organisations œuvrent pour dépasser les obstacles réels ou imaginaires et pour rendre cette transition facile et désirable. Les projets et ressources que nous offrons ont été développés dans ce but. Entre autres avantages, les alternatives sont souvent moins chères que les expériences sur des animaux et la prise en compte de plus en plus répandue de cette donnée va aider à la transition. Dans certains pays, l’accès à du matériel informatique peut parfois gêner l’implémentation, mais au fur et à mesure que la technologie se répand, le prix décroît.
L’adhésion rigide à la tradition est souvent un problème, mais lorsque l’on reconnaît que l’inertie bloque l’amélioration de l’enseignement et de la formation -en plus d’être contraire à l’esprit scientifique-, alors les bénéfices du progrès technologique et de la mise à disposition d’outils pédagogiques nouveaux et excellents peuvent être recueillis.
Il y a aussi un certain nombre de mythes et d’erreurs qu’il faut dénoncer. Premièrement, l’idée que le remplacement total ne serait pas réaliste et que les 3Rs (réduire, rationaliser, remplacer le recours aux animaux) seraient une approche appropriée dans le domaine de l’enseignement. La réalité est que le remplacement total a déjà été réalisé dans de nombreuses universités de par le monde -au bénéfice de tous- et que c’est une approche bien meilleure que toutes celles qui freinent l’implémentation de méthodes de haut niveau.
Deuxièmement, l’idée que les alternatives ne seraient pas « la chose réelle » et que les expériences sur les animaux le seraient. En fait, l’expérimentation animale est une méthode et ne devrait pas être prise pour un objectif. La « chose réelle » devrait désigner les objectifs pédagogiques et les procédés pour les atteindre. Il est essentiel de se concentrer sur l’acquisition de connaissances de manière efficace et éthique, les compétences et attitudes, plutôt que sur l’attachement émotif à une méthode spécifique dont on peut contester les bénéfices.
Troisièmement, l’idée que s’il n’y a plus d’expérimentation animale, les étudiants et stagiaires n’auront plus d’outils pédagogiques du tout et n’auront pas accès aux animaux. La réalité est que les alternatives améliorent de façon significative l’enseignement et la formation. Remplacer signifie remplacer une utilisation qui implique la souffrance inutile d’animaux. Ceux qui ont réellement besoin d’acquérir de l’expérience sur des animaux, comme les futurs vétérinaires, peuvent le faire dans un contexte neutre ou bénéfique pour les animaux, par exemple dans une clinique vétérinaire.
AE :Sachant votre agenda très chargé, nous vous sommes très reconnaissants d’avoir consacré du temps à répondre à nos questions. Pour conclure, y a-t-il des sujets non couverts par cette interview que vous aimeriez évoquer ?
NJ : Il y a une demande grandissante de remplacement de l’utilisation d’animaux par des alternatives dans l’enseignement et la formation, c’est donc une époque très excitante. Des accords formels que nous avons signé avec des universités russes et ukrainiennes ont mené à épargner plus de 50 000 animaux par an. En Inde, le conseil académique national de zoologie s’est prononcé contre la dissection et, au fur et à mesure que les alternatives sont utilisées, jusqu’à 19 millions d’animaux seront épargnés chaque année.
L’une des raisons du succès est qu’avec les alternatives, tout le monde est gagnant. Les étudiants, car ils ont accès à de meilleurs outils pédagogiques et à un bon environnement de travail ; les professeurs, car ils peuvent mieux partager leurs connaissances et leurs compétences ; la société, car il y a une nouvelle génération de diplômés mieux formés, compatissants, capables de pensée critique, instruits de façon éthique ; et bien sûr, les animaux : plus de sacrifices ni autres formes de souffrance.
S’informer sur les techniques de substitution à la dissection :