Le Dr Andreas Ganz a obtenu son diplôme de médecine en Allemagne en 2002 et a ensuite étudié la psychiatrie, la médecine interne et la neurologie. Après avoir obtenu un diplôme de mastère en administration de la santé en 2009, il s’est spécialisé en psychiatrie et psychothérapie. Depuis 2017, il est médecin-chef à la Clinique Prinzregent-Luitpold, à Bad Reichenhall, en Allemagne, avec une attention particulière portée à la médecine psychosomatique. Le Dr Ganz est membre de l’association allemande Médecins contre l’expérimentation animale depuis 2016.
Antidote Europe (AE) : Vous avez obtenu votre diplôme de médecine et vous vous êtes spécialisé en psychiatrie sans prendre part à des expériences sur des animaux. Diriez-vous que les expériences sur des animaux devraient être complètement supprimées des cursus de médecine humaine ? Pour quelles raisons ?
Andreas Ganz (AG) : De mon point de vue personnel -et d’après mon expérience personnelle en tant que diplômé-, il n’y a absolument aucun bénéfice pour les étudiants. Tous les processus physiologiques et biochimiques peuvent de nos jours être démontrés d’une façon plus spécifique et descriptive pour les étudiants, avec les techniques didactiques correspondantes (simulation par ordinateur, puces multi-organes, simulations biomécaniques, etc.). Les démonstrations sur modèle animal sont donc plutôt un obstacle à la formation médicale et donnent une approche erronée du traitement des maladies humaines. En d’autres termes, les expériences sur des animaux dans le cadre de la formation médicale humaine sont non seulement un gaspillage de vies mais aussi un gaspillage de temps et de ressources. Ainsi, elles n’ont pas de justification éthique ni pratique.
AE : Vous êtes membre de Médecins en Allemagne contre l’expérimentation animale. Que ressent-on en tant que membre du plus grand groupe de médecins et de chercheurs (600) en Europe militant pour mettre fin aux expériences sur des animaux ? Comment voyez-vous votre rôle au sein de l’organisation ?
AG : Bien sûr, cela me donne un bon sentiment de travailler avec d’autres vers un but avec lequel je m’identifie fortement. Il y a beaucoup à faire. La plus grave erreur que quelqu’un puisse commettre est de ne rien faire de peur d’obtenir trop peu !
Les points principaux de ma contribution à cette organisation sont mon expérience et mes connaissances dans le domaine de la psychopharmacologie et dans celui de certains aspects de l’économie de la santé qui sont le reflet de dommages économiques importants résultant du paradigme du modèle animal.
AE : A votre avis, quel est le principal obstacle à la suppression des expériences sur des animaux ?
AG : Eh bien… les décideurs en affaires et en politique ne sont généralement pas assez bien informés du potentiel colossal des méthodes sans animaux en matière de santé et d’économie. De l’autre côté, les responsables du lobby de la recherche animale, dans leurs positions stratégiques, n’ont pas intérêt à faire passer ce message aux décideurs. Donc, pratiquement rien n’a changé sur le plan pratique.
Notre tâche est et sera d’apporter ces connaissances aux bonnes personnes en place.
AE : Y a-t-il des éléments non abordés dans cet entretien et que vous aimeriez partager ?
AG : A mon avis, les expériences sur des animaux sont un mélange de pensée dogmatique dépassée du XIXème siècle et de notions superstitieuses sur la nécessité de sacrifices d’animaux pour le succès de la démarche scientifique… ce qui est indigne d’une méthode de travail éclairée par l’expérience. Les défenseurs de la recherche basée sur l’animal devraient apprendre la leçon de l’histoire selon laquelle il n’a jamais été possible de relever les défis de demain avec les méthodes d’avant-hier.
AE : Nous vous remercions sincèrement pour le temps que vous avez consacré à cet entretien.
Organoïdes humains : un outil moderne pour la recherche biomédicale
Les organoïdes humains, forme sophistiquée de culture de cellules développée depuis le début des années 2010, sont de plus en plus utilisés, tant en recherche biomédicale qu’en toxicologie. Nous vous présentons ci-dessous l’interview d’une chercheuse qui en utilise avec succès et qui met en évidence leurs grands avantages par rapport à l’utilisation d’animaux « modèles ».
Le Dr Tamara Zietek habite près de Cologne, en Allemagne, et travaille en tant que cadre scientifique pour l’association Ärzte gegen Tierversuche e.V (Médecins contre l’expérimentation animale), notre association partenaire en Allemagne. Elle est experte dans les technologies in vitro basées sur l’homme, sans recours à l’expérimentation animale, dans le domaine de la recherche biomédicale. Elle a été invitée en tant que conférencière à de nombreuses conférences scientifiques internationales. Elle a publié de nombreux articles dans les revues scientifiques internationales, des chapitres de livres, ainsi que des articles de vulgarisation pour le grand public.
Le Dr Zietek est titulaire d’un doctorat en biochimie et a dirigé des groupes de recherche à l’Université Technique de Munich pendant huit ans. Durant sa carrière de chercheuse, elle a établi le modèle d’organoïde intestinal (mini-intestins cultivés en laboratoire à partir de biopsies de tissu humain) pour l’étude de l’absorption des nutriments et des médicaments, ainsi que pour la recherche sur les affections métaboliques telles que diabète ou obésité. Au début de sa carrière à l’Université Technique de Munich, le Dr Zietek a observé des expériences faites sur des souris. Au vu de ses observations personnelles, elle a réalisé que ces expériences sur des animaux étaient un échec et que les modèles basés sur l’être humain apportent les réponses aux questions concernant les êtres humains.
Antidote Europe (AE) : Durant les deux dernières années, vous avez étudié l’intestin humain à partir de déchets chirurgicaux. Pourriez-vous partager votre expérience avec nos lecteurs en ce qui concerne les obstacles logistiques que vous avez dû surmonter pour obtenir ces tissus humains (comités d’éthique, travail administratif, recherche de chirurgiens désireux de collaborer) ?
Tamara Zietek (TZ) : Les obstacles formels sont réellement importants si vous voulez cultiver des organoïdes humains, quel que soit le tissu dont ils sont dérivés. Il nous a fallu plus d’une année de travail administratif avant d’avoir enfin le tissu dans notre laboratoire et de pouvoir commencer à cultiver les organoïdes intestinaux. D’abord, vous devez trouver un chirurgien qui veuille collaborer. Ces médecins sont rares car beaucoup perçoivent comme une nuisance de devoir prendre un soin spécial à la manipulation des tissus pendant l’acte chirurgical, etc. Par chance, l’Université Technique de Munich a un hôpital universitaire. Grâce aux réseaux de quelques professeurs, il a finalement été possible de contacter notre chirurgien partenaire. Ensuite, il y a eu une série d’étapes formelles incluant des contrats avec l’hôpital, avec le département de pathologie et avec le comité d’éthique -beaucoup de travail administratif, en vérité. Après l’accord final du comité d’éthique, nous avons dû organiser la logistique. Il est essentiel que l’hôpital qui collabore soit situé près de votre laboratoire car le tissu isolé est sensible et doit être livré au laboratoire dans les heures qui suivent. Dans notre cas, l’hôpital était à environ trente kilomètres de notre laboratoire, donc, nous avons organisé un transfert par taxi. Un autre problème est que le tissu n’est pas livré à intervalles réguliers. Parfois nous recevions des biopsies deux fois par semaine, parfois toutes les deux semaines. De plus, l’hôpital vous informe avec un très court délai qu’une biopsie va être livrée. Enfin, vous devez vous assurer qu’il y a toujours quelqu’un au laboratoire pour accepter le matériel livré.
AE : L’utilisation d’animaux est encore hélas largement considérée comme étant le paradigme courant dans la recherche biomédicale. Diriez-vous qu’il est plus facile pour les chercheurs d’obtenir l’autorisation d’expérimenter sur 100 souris que d’obtenir l’autorisation d’obtenir des déchets chirurgicaux humains ? Si oui, qu’est-ce qui devrait changer dans le système pour qu’il soit plus simple pour les chercheurs d’avoir accès à des tissus humains ?
TZ : Je pense que si un chercheur veut commencer à travailler avec des souris en partant de zéro, c’est aussi compliqué et associé à beaucoup d’obstacles formels. Mais ceci est très rarement le cas car, habituellement, la plupart des universités et des instituts scientifiques ont sur place une animalerie qui peut être utilisée par tous les départements. Dans ce cas, il est clairement plus facile de lancer une étude sur des animaux qu’un projet incluant des sujets humains.
Ce serait utile d’avoir un système de biobanque pour des tissus humains. Malheureusement, le tissu pour cultiver des organoïdes ne peut pas être stocké longtemps. Donc, il serait utile d’avoir une approche centralisée dans les universités et institutions de recherche -semblable à une structure interne. Ceci serait un grand avantage pour les chercheurs car ils n’auraient qu’à passer un accord avec cette structure, laquelle organiserait la collaboration avec les chirurgiens pour différents types de tissus, les contrats avec les hôpitaux et les comités d’éthique pour différents objectifs scientifiques, ainsi que la logistique. Il est à noter qu’une telle approche n’aurait de sens que si plusieurs équipes de recherche au sein de l’institution travaillaient avec du tissu humain.
AE : Vous avez décidé de quitter votre emploi précédent car vous ne vouliez pas expérimenter sur des animaux. Votre objection à l’utilisation d’animaux est-elle basée sur des arguments éthiques ou scientifiques, ou les deux ? Vous rappelez-vous un moment précis dans votre carrière où l’utilisation d’animaux a commencé à faire sonner des alarmes ?
TZ : Il y a eu à la fois des raisons éthiques et scientifiques pour lesquelles j’ai finalement arrêté de travailler sur des projets impliquant des études sur l’animal. Je n’ai jamais voulu faire des expériences sur des animaux -pour des raisons éthiques. Donc, pour ma thèse, j’ai travaillé sur des microorganismes (bactéries et levure) et pour ma thèse de doctorat, avec des microorganismes et des plantes. Quand j’ai commencé à travailler à l’Université Technique de Munich, il m’a été demandé de superviser quelques étudiants en doctorat qui travaillaient sur des souris. Bien que je n’effectuais pas moi-même les expériences sur les animaux -c’était le travail de mes techniciens et des étudiants en doctorat-, j’ai supervisé les projets et je n’ai jamais été confortable avec cela. Mais plus je voyais de données obtenues à partir des expériences sur les souris et moins j’étais convaincue que c’était un bon « système modèle ». J’étais stupéfaite par la grande variabilité des données entre individus. Ainsi que par le manque de robustesse de ce modèle. Je me demandais souvent pourquoi nous ne pouvions pas reproduire les données publiées par d’autres au sujet d’expériences sur des souris, bien que nous fassions tout exactement tel que décrit dans la publication. En parlant avec d’autres chercheurs qui travaillaient avec des animaux, j’ai appris que ceci était un problème très courant. Il y a des publications scientifiques montrant que les expériences sur les souris donnent des résultats totalement différents selon les pièces du laboratoire où les animaux ont été hébergés avant l’expérience. J’ai aussi appris que les différences entre espèces sont un grand problème. Dans beaucoup de publications vous trouvez l’argument selon lequel certains résultats expérimentaux diffèrent de ceux d’une autre publication parce que l’étude a été faite sur une autre espèce -par exemple, sur des rats à la place des souris. Des résultats expérimentaux divergents sont aussi expliqués par la différence de sexe. Donc, j’ai vraiment du mal à croire que les données obtenues sur des souris puissent aisément être transposées aux humains.
AE : Pourriez-vous décrire les avantages d’utiliser des organoïdes intestinaux humains par rapport à l’utilisation d’animaux vivants ou de tissus animaux ? Quel intérêt l’industrie pharmaceutique manifeste-t-elle pour l’application des organoïdes humains à la recherche et au développement de médicaments ?
TZ : L’intestin de souris est différent de l’intestin humain. Si vous voulez étudier l’absorption de nutriments ou de médicaments, alors un système souris n’est pas approprié. Il est donc sensé d’utiliser un système humain in vitro pour étudier ces mécanismes. De plus, les données obtenues à partir d’organoïdes intestinaux humains ont une meilleure reproductibilité que les expériences sur des animaux. Des organoïdes peuvent être générés à partir de patients individuels souffrant de maladies gastro-intestinales et ceci permet des approches thérapeutiques sous la forme de médecine personnalisée. Des questions scientifiques liées aux maladies inflammatoires ou aux syndromes de malabsorption et aussi au diabète ou au cancer peuvent être visées. La technologie dite des micro-tumeurs est déjà appliquée pour des objectifs cliniques et pour la thérapie du cancer. Des sphéroïdes tumoraux sont cultivés à partir de biopsies de patients et utilisés soit pour le développement de médicaments pour le criblage de nouveaux agents ou pour l’identification du médicament le plus efficace pour le type de tumeur spécifique d’un patient.
Les firmes pharmaceutiques sont très intéressées dans le modèle des organoïdes humains ou d’autres modèles de cultures cellulaires humaines en trois dimensions. Contrairement aux expériences sur des animaux, ces modèles fournissent des données pertinentes pour l’homme, ont une meilleure reproductibilité, se prêtent à des criblages à haut débit, sont moins chers et plus rapides. L’industrie pharmaceutique soutient le développement et la validation de systèmes d’organes-sur-puces, dans lesquels des cultures de cellules humaines issues de différents tissus sont combinées sur une puce et connectées via un système de micro-perfusion qui simule le circuit sanguin et le circuit urinaire. Récemment, une puce avec dix organes a été développée avec cerveau, foie, rein, intestin, etc.
Ces approches sont très innovantes et ont un immense potentiel futur pour la médecine humaine.
AE : Acceptez tous nos remerciements pour cette interview.
« L’acquisition des compétences d’urgentiste ne nécessite en aucune façon le recours à des expériences sur des animaux »
Nous sommes très honorés de présenter l’interview suivante avec Docteur Sandrine Duranton, médecin urgentiste. Elle obtient son Doctorat à la Faculté de Médecine de Saint Louis à Paris en 1992 et se spécialise en tant qu’urgentiste à la Faculté de Médecine de Bobigny en 1995. Elle est titulaire d’une Capacité de Médecine de Catastrophe depuis 1996. Elle totalise 26 ans d’expérience en médecine d’urgence et de catastrophe, en France et à l’étranger et 12 ans d’expérience de chef du service de santé et de secours médical des sapeurs-pompiers du Val d’Oise.
Docteur Duranton est également récipiendaire des décorations suivantes :
• Chevalier de la Légion d’Honneur, 5 juin 2014,
• Médaille de Vermeil pour Acte de Courage et de Dévouement pour la mission « Haïti », juin 2010,
• Chevalier de l’Ordre National du Mérite, 16 mai 2008,
• Médaille de Bronze pour Acte de Courage et Dévouement pour la mission « Chine », septembre 2008.
Ci-dessous son avis personnel et professionnel sur l’expérimentation animale dans le cadre de l’enseignement médical et de la formation d’urgentiste :
Antidote Europe (AE) : Avez-vous été confrontée aux expériences sur animaux au cours
de vos études en médecine ? Si oui, comment avez-vous réagi ? Si non, pouvez-vous nous décrire les techniques pédagogiques utilisées ?
Sandrine Duranton (SD) : Je n’ai jamais été confrontée aux expériences sur animaux pendant mes études de médecine, mais j’ai le souvenir d’avoir eu au collège des travaux pratiques de biologie qui consistaient à sectionner la moelle épinière d’une grenouille à la base de la nuque avec un poinçon pour étudier l’arc réflexe au niveau de ses membres postérieurs. Nous avions une grenouille pour 2 élèves et ce sacrifice de grenouille parfaitement inutile m’a laissé un souvenir très triste et très amer. Je me suis promis à l’époque de ne jamais refaire d’expérimentation sur un animal.
En médecine, la question ne s’est jamais reposée. La pédagogie reposait sur des données validées par des études menées sur des patients humains, informés et volontaires pour participer aux études, en particulier pour tester de nouveaux traitements. Les données anatomiques nous étaient enseignées par le biais de dessins et de schémas.
L’apprentissage de techniques particulières peut se faire dans certains cas sur des cadavres humains de patients qui ont donné leur corps à la science.
AE : Après avoir obtenu votre diplôme en médecine, avez-vous été confrontée aux expériences sur animaux au cours de votre spécialisation de médecin urgentiste ?
SD : Non, je n’ai jamais été confrontée à des expériences sur animaux pendant ma formation en tant qu’urgentiste.
AE : Selon vous et de par votre expérience professionnelle, peut-on se passer d’expériences sur animaux pour obtenir les compétences requises d’urgentiste ? Pouvez-vous nous énumérer les outils et techniques pédagogiques (du genre mannequins, cadavres, simulateurs) qui rendent le recours à l’animal inutile pour pratiquer les premiers soins de secours (du genre « soins avancés de réanimation traumatologique ») ?
SD : L’acquisition des compétences d’urgentiste ne nécessite en aucune façon le recours à des expériences sur des animaux. Les progrès très importants réalisés récemment en matière de simulation sur mannequin ont été une aide précieuse en terme de formation, tant pour la formation initiale que pour la formation continue. Certains fournisseurs conçoivent également des appareils de formation, comme par exemple des défibrillateurs cardiaques. Des situations cliniques sont déjà enregistrées et permettent à l’apprenant de s’entraîner à réagir face à une situation contextualisée. Les mannequins sont devenus un outil pédagogique incontournable et les simulateurs sont de plus en plus performants pour concevoir et mimer des pathologies de plus en plus complexes, et également évolutives. Ces techniques permettent à l’apprenant de tester ses connaissances en situation quasiment réelle. Aujourd’hui, toutes les nouvelles techniques s’enseignent grâce à la simulation.
Encore et toujours, la raison rejoint le cœur au sujet de l’expérimentation animale. Cette pratique est inadaptée au progrès des connaissances en biologie, pathologie et thérapeutique humaines, en plus de provoquer de la souffrance animale. L’influence du grand public doit devenir plus forte que celle des lobbies.
On ne compte plus les médecins et chirurgiens qui déclarent -et qui démontrent par leur pratique- qu’il n’est nullement nécessaire de s’entraîner sur des animaux pour pratiquer la chirurgie sur l’homme. Bien au contraire, des données issues d’études sur l’animal ne font que créer des confusions et provoquer des erreurs lorsqu’on cherche à les appliquer à l’homme. Nous vous présentons aujourd’hui l’interview du Dr Rolf Simon, qui ne dit pas autre chose.
Pourtant, et il le rappelle aussi, il existe des méthodes pédagogiques fiables, modernes, abordables, sans recours à l’expérimentation animale. C’est bien la loi qu’il faut changer pour qu’elles soient mises en œuvre. Et la loi changera lorsque la pression de l’opinion publique fera le poids face aux intérêts privés des firmes et institutions qui ont investi dans la recherche animale.
Antidote Europe (AE) : Pouvez-vous dire à nos lecteurs quand et comment vous avez découvert l’expérimentation animale au cours de votre carrière médicale ? Comment avez-vous ressenti que cette pratique n’était pas correcte ?
Rolf Simon (RS) : Ma première confrontation à l’expérimentation animale date d’une démonstration en physiologie utilisant des lapins à laquelle j’ai assisté durant mes années d’étudiant en médecine humaine préclinique. Le but de l’étude était de constater l’effet de différents médicaments sur l’activité du cœur. J’ai également été témoin de la stimulation cérébrale profonde chez le chat au cours de mes études médicales et scientifiques. Les chats ont été abandonnés à une agonie douloureuse dans des cages d’isolation.
En plus d’être cruelle, la recherche animale peut provoquer une grande confusion. Les lignes directrices concernant l’anesthésie pour une espèce peuvent s’avérer catastrophiques si on les applique à une autre espèce. Des présupposés faux mènent à l’absence d’une « logique de recherche » plausible. Des différences significatives entre différentes espèces se constatent en anatomie, physiologie, cognition, intelligence, comportement, activité sensorielle et psycho-motrice et biomécanique.
Ainsi, on ne peut pas établir une relation d’analogie entre l’animal et l’humain : l’environnement, le métabolisme, l’âge, la « manipulation » des animaux, les conditions des essais et le stress induit chez l’animal de laboratoire entraînent une distorsion des « paramètres biologiques » de façon impossible à prédire.
Le résultat d’un tel paradigme est une pédagogie défaillante et des données de recherche peu fiables.
Pour ces raisons, la recherche animale dans les universités allemandes devrait être remplacée par des modèles d’apprentissage électroniques et par des laboratoires de compétences biologiques.
AE : Avez-vous été confronté à l’expérimentation animale au cours de votre spécialisation en chirurgie ? Avez-vous été obligé de pratiquer la recherche animale ? Selon vous, est-ce possible de devenir chirurgien orthopédique sans pratiquer auparavant sur des animaux ? Pouvez-vous nous indiquer quelles sont les méthodes alternatives ?
RS : Pour des raisons éthiques (« d’abord ne pas nuire »), j’ai évité la recherche animale pour améliorer mes compétences et je n’ai jamais pris part activement à aucune expérience sur des animaux. Les différences anatomiques entre les porcs et les hommes, par exemple, peuvent mener à un apprentissage systématiquement faussé. En appliquant à l’homme et en enseignant des connaissances acquises au cours d’études sur des animaux, en ce qui concerne l’anatomie, la physiologie, l’âge et l’état de santé, des similarités perçues peuvent mener à des erreurs médicales et à de graves complications chez l’homme. De nos jours, des situations réelles et des techniques rencontrées en salle d’urgence peuvent être simulées par des méthodes alternatives n’impliquant pas d’animaux et de façon tout à fait rentable. L’utilisation de ces alternatives complexes est avantageuse pour les patients humains en plus de prendre en compte le bien-être animal.
Ces méthodes d’enseignement nous permettent de nous approcher au plus près des situations réelles en chirurgie et médecine d’urgence. Aucun animal n’est impliqué. A leur place, des mannequins de forme humaine et des laboratoires de compétences sont efficaces et éthiques. Rappelons-nous que les animaux ont également le droit à la vie et à la protection contre la souffrance.
AE : Pouvez-vous décrire votre rôle au sein de Aertze gegen tierversuche (Médecins contre l’expérimentation animale) et comment vous communiquez votre message au grand public et à la communauté scientifique ? Quels sont les plus grands défis et obstacles auxquels vous devez faire face ?
RS : Mes principales missions concernent la critique de la recherche animale en tant que modèle pour l’étude de maladies humaines, l’information du grand public quant aux expériences sur animaux pratiquées dans les laboratoires allemands, la promotion de l’application de méthodes sans recours au modèle animal dans la recherche clinique et le lobbying politique.
Les plus grands obstacles au progrès sont nos responsables politiques et responsables de la réglementation qui sont insensibles à la nécessité d’une meilleure protection animale (et donc des patients humains). Ce qu’il nous faut est une éthique sans borne respectant « la vie de l’homme et des animaux » et donc une loi interdisant l’expérimentation animale sans exception.
L’un des plus importants défis est d’atteindre une « masse critique » de prise de conscience au sein du public afin de neutraliser des groupes de pression défendant des intérêts particuliers. L’influence de ces lobbies peut être perçue dans l’espace public, universités, lycées et collèges et autres établissements de formation – toujours avec l’appui de l’industrie pharmaceutique et des établissements de recherche universitaires utilisant des animaux comme, par exemple, l’Institut Max Planck à Tübingen.
AE : Nous vous remercions vivement pour le temps que vous avez consacré à cet entretien. Souhaitez-vous partager d’autres commentaires avec nos lecteurs ?
RS : Je souhaiterais souligner l’importance d’entretenir des réseaux avec différentes organisations de défense animale au niveau international. Nous sommes plus forts quand nous travaillons ensemble et partageons notre expertise en matière d’organisation, de stratégie, d’actions, de ressources humaines et matérielles et de répartition des tâches.
Je suis partant pour des événements européens, tels des congrès annuels, qui reflèteraient la devise : « une vie, une éthique, une loi pour les hommes et les animaux ».