EPST* : la dérobade !
(*) Etablissements Publics à caractère Scientifique et Technologique.
L’une de nos principales actions en cours consiste à proposer un débat strictement scientifique sur la validité pour l’homme des données obtenues sur des animaux. Nous nous sommes adressés aux établissements publics dans lesquels se pratique l’expérimentation animale. Après une longue attente, nous avons reçu des lettres pour le moins évasives quand elles ne sont pas insultantes. Débat public ? Ils n’en veulent pas ! N’auraient-ils donc rien à opposer à nos arguments ?
Article paru dans La Notice d’Antidote n°35
Depuis la création d’Antidote Europe, des adhérents nous signalent régulièrement qu’une discussion avec un scientifique à propos de la pertinence de l’expérimentation animale se termine toujours par « on a toujours fait comme ça », « l’animal est un modèle irremplaçable » ou « et puis moi, je suis un scientifique » (autrement dit « rompez et rentrez chez vous »). Or, quand on sait que sur 10 candidats médicaments testés avec succès sur plusieurs espèces animales, un seul sera approuvé pour l’homme, on comprend que les données obtenues sur des animaux induisent en erreur et font courir de graves dangers aux cobayes humains. Cobayes humains volontaires lors de la première phase des essais cliniques, cobayes humains « à l’insu de leur plein gré » lorsque des patients se conforment aux prescriptions de leur médecin (plus de 20 000 décès par an suite aux effets secondaires de médicaments) ou lorsque tout un chacun est exposé à des substances chimiques vendues dans le commerce et estampillées « sans danger » suite à des tests effectués sur des animaux.
Pour mettre un point final aux litanies de contre-vérités et d’affirmations infondées, nous avons décidé de frapper à la tête, c’est-à-dire de demander aux Etablissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) concernés par l’expérimentation animale, un débat sur la pertinence de l’expérimentation sur des animaux considérés comme « modèles de l’homme ». Nous avons également interpellé les ministères concernés (Santé et Recherche) et plusieurs titres de la presse écrite qui auraient pu rendre compte de ce débat. Tous les détails sur nos premiers courriers dans La Notice d’Antidote de mars 2013.
Une première demande, faite début décembre 2012 et ayant été suivie d’un silence étourdissant (mauvais signe, ça), nous avons relancé ces Etablissements et leurs ministères de tutelle fin février 2013.
Une fin de non recevoir
Loin de rompre en visière –ce qu’ils auraient fait s’ils avaient des arguments pour nous attaquer en face-, deux des EPST sollicités se sont piteusement « mis aux abris » comme en attestent leurs réponses venues mi-mars : un refus net du débat, hautain et méprisant de la part du CNRS, patelin pour l’INSERM. Avis en particulier aux militants qui tiennent des stands : si vous croisez un de leurs chercheurs qui veut bomber le torse et montrer ses muscles question expérimentation sur des « modèles » animaux, vous lui direz que non seulement les responsables de l’expérimentation animale de ces établissements ne sont pas venus défendre leur « chapelle », mais qu’ils se sont, au contraire, piteusement défilés.
Quoiqu’on pense du courage de ces directeurs, le débat que nous avons proposé touche une question majeure de santé publique du 21ème siècle. Le refuser est révélateur de plusieurs carences graves des Etablissements qu’ils dirigent :
– l’embarras sur cette question, qui frise la panique ;
– la dérobade devant le débat purement scientifique et courtois que nous demandons ;
– le refus de soumettre à débat ce que nous estimons être une sclérose tenace et des routines stériles, vieilles d’un demi-siècle au moins ;
– le refus de prendre en considération les progrès scientifiques pour sortir de cette ornière ;
– l’indifférence aux questions urgentes de santé publique.
Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l’un des trois EPST contactés, s’est réveillé le premier. Le 12 mars, il refusait le débat, se réservant le droit de ne parler qu’à des interlocuteurs « de haut niveau » (les scientifiques d’Antidote Europe, bénévoles et dont la compétence en matière de santé n’a jamais été mise en doute seraient donc de la piétaille « de bas niveau » ?). Malgré sa sortie hautaine et méprisante, l’auteur de la lettre s’offusque de ce que nous aurions utilisé une : « formulation comminatoire et hors de toute mesure de votre courrier, [qui] ne nous engage pas à souhaiter débattre, publiquement ou non, avec votre association. » Chacun pourra juger, à la lecture de La Notice de mars, si notre courrier était « comminatoire et hors de toute mesure »… La lettre est signée non du directeur du CNRS, auquel nous nous étions adressés, mais d’une personne dont la spécialité semble être de lire le passé très lointain de l’humanité dans le charbon de bois (à l’époque, le marc de café n’avait pas encore été inventé mais, aujourd’hui, nous allons pouvoir le « lire » pour tenter de deviner sa compétence en matière d’espèces animales « modèles » de l’homme.
Vint ensuite la réponse de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM). Plus poli, il refuse également tout débat et nous renvoie à des d’interlocuteurs sans lien avec cet établissement, à qui nous n’avons rien demandé mais qui partagent évidemment sa philosophie. Nous prenons acte du fait que l’Inserm mène « de nombreuses études aussi bien fondamentales que pré-cliniques, menées systématiquement à partir de la combinaison de nombreuses méthodes allant de la modélisation mathématique aux études cliniques en passant bien entendu par des phases chez l’animal. » Bien entendu !
La réponse de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) est la plus ouverte des trois, son président refusant le débat public mais se disant « pas opposé au principe d’une rencontre institutionnelle entre l’Inra et votre organisation ».
Aux ministres de tutelle, nous avions pris soin de rappeler l’énorme coût en termes de santé (mortalité et morbidité) des conséquences de l’expérimentation sur des animaux « modèles » et l’ineptie de cette notion de « modèle ». Le chef de cabinet de Mme Marisol Touraine (Santé) était « chargé de transmettre vos réflexions à la direction générale de la santé pour un examen attentif ». C’était le 16 avril. Il ne faut pas être pressé…
Nous ne sommes nullement convaincus pas leur prose et pensons plutôt que, connaissant notre argumentation, ils ne souhaitent pas perdre la face en public et capituler en rase campagne. Nous allons vous raconter une « petite » anecdote (en fait une grande victoire vu que l’opposant était une des plus prestigieuses universités au monde !) survenue il y a quelques années.
Nos arguments sont irréfutables
L’Université de Cambridge (Royaume Uni) souhaitait s’agrandir en construisant un laboratoire de neurosciences et une animalerie destinée à accueillir des singes, eux-mêmes destinés à servir de cobayes aux neurophysiologistes. La construction de cette extension était soumise aux conclusions d’une enquête publique sur la pertinence de ces expériences. Claude Reiss s’en alla témoigner devant la commission chargée de mener l’enquête et devant le public qui assistait aux auditions. Un public où se trouvaient, université oblige, de nombreux étudiants, professeurs et chercheurs. Interrogé par un avocat célèbre recruté pour défendre l’Université, Claude Reiss exposa ses arguments, strictement scientifiques (nous ne les reproduisons pas ici faute de place et parce que nos lecteurs fidèles les connaissent bien). Il conclut que le projet était sans intérêt, puis demanda à ce que les autres scientifiques présents dans la salle réfutent ces arguments… s’ils le pouvaient ! Réponse : silence profond et l’avocat qui lève les bras au ciel en signe d’impuissance. Résultat : ni le laboratoire ni l’animalerie ne furent construits.
C’est le même Claude Reiss qui signe au nom d’Antidote Europe la proposition d’un débat public aux EPST. On comprend qu’aucun défenseur de l’expérimentation animale ne se porte volontaire. Ce que l’on comprend moins, c’est que les directeurs des EPST ne prennent pas acte des échecs et drames humains auxquels l’expérimentation animale a conduits et n’orientent pas leurs établissements vers l’utilisation de méthodes véritablement scientifiques et pertinentes pour l’homme.
Pas de débat public, donc. Soit. Mais nous ne lâchons pas le morceau. Nous poursuivons cette action en envoyant une nouvelle lettre aux EPST, leur demandant de clarifier par écrit leur position. Le CNRS et l’INSERM admettent-ils que les expériences sur des animaux ne fournissent pas des données valables pour l’homme, ou bien, choisissent-ils d’ignorer tous les arguments et les études scientifiques qui montrent cela ? Et dans ce dernier cas, jusqu’à quand continueront-ils à gaspiller d’importants moyens financiers (salaires, fonctionnement, équipement) dans des études au mieux inutiles, souvent dangereuses pour notre santé ? A l’INRA, nous répondons que nous acceptons volontiers une rencontre. Et aux ministères de la Recherche et de la Santé qui, en plus d’être directement concernés par le sujet du débat que nous proposons, ont la tutelle des EPST, nous demandons encore une fois d’inciter ces EPST à accepter le débat. Nos lettres sont parties le 2 mai. Suite au prochain numéro.
Image : Couverture N33
Légende : Après avoir longtemps été occulté, le débat sur la validité du « modèle animal » débarque enfin dans la presse grand public ainsi que dans la presse scientifique. Pourtant, les responsables des établissements où se pratique l’expérimentation animale continuent à affirmer -sans prouver- qu’elle serait nécessaire. Pour et contre l’utilisation d’animaux dans la recherche biomédicale : l’affrontement des scientifiques attachés au dogme -non sens s’il en est !- et des scientifiques qui réfléchissent.