Essais sur des animaux : à quoi bon ?
Quand les médicaments testés sur des animaux ne posent aucun problème pour ceux-ci, on les teste sur l’homme. Mais quand les essais sur des animaux révèlent une toxicité, on teste aussi sur l’homme… Alors, à quoi servent les essais précliniques sur des animaux ?
Par Hélène Sarraseca
On s’en souvient tous, l’essai clinique de phase 1 du BIA 10-2474 début 2016 à Rennes faisait un mort. Essai clinique, phase 1, cela signifie une personne en bonne santé qui a fait confiance au corps médical et aux chercheurs en charge d’évaluer la toxicité potentielle d’un nouveau médicament. A 49 ans, cette confiance et son dévouement à la science lui ont coûté la vie. Quatre autres personnes ont survécu, non sans dommages. Comme la loi l’exige, ce médicament avait été testé sur des animaux mais pas encore sur des êtres humains. Les essais sur des animaux n’évitent nullement les essais sur l’homme ni ne rendent ces derniers plus sûrs, comme ce drame l’a montré -une fois de plus, hélas !
Antidote Europe réagissait dès janvier 2016 par une lettre ouverte à Mme Marisol Touraine, ministre de la Santé et par un communiqué de presse (https://antidote-europe.eu/stop-experiences-sur-personnes-saines/).
Or, nous apprenons aujourd’hui par un article publié le 17 octobre 2016 sur le site Medscape (http://francais.medscape.com/actualites) que des essais sur des animaux auraient bien alerté sur la toxicité du BIA 10-2474 pour le système nerveux mais que ces données, pourtant concordantes sur la souris, le rat, le chien et le singe, auraient été ignorées. Le médecin en charge des premiers essais sur l’homme aurait estimé que, les doses administrées aux animaux étant très supérieures à celle prévue chez l’homme, il n’y avait pas lieu de modifier le protocole pour celui-ci.
Medscape détaille les rebondissements de l’enquête sur cette affaire, les déclarations de la chercheuse ayant analysé les essais sur les animaux, celles du médecin ayant approuvé le protocole pour les volontaires humains, le rapport que la mal nommée Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) aurait maquillé pour le transmettre à l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et qui aurait finalement été décortiqué par « les gendarmes » de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (Oclaep). Le tout révélé par Mediapart. Nous n’allons pas tout répéter ici ; nous faisons simplement le constat que les études scientifiques semblent peser bien peu face à la volonté de sortir un nouveau médicament qui, à ce stade, a déjà coûté une fortune aux firmes qui le développent.
Que valent les essais sur des animaux ?
Nous vous avons maintes fois donné ce chiffre, établi par l’Institut national de la santé (NIH) des Etats-Unis : 9 médicaments sur 10 testés avec succès sur des animaux échouent aux essais sur l’homme. Nous savons donc, depuis des années, que l’absence de toxicité pour l’animal n’est pas un gage d’absence de toxicité pour l’homme. Nous savons aussi que certaines substances, toxiques, voire mortelles pour certains animaux, ont sauvé des vies humaines. Pénicilline, par exemple.
Nous savions donc déjà que les essais sur des animaux nuisent à l’homme de deux façons : en exposant des volontaires sains à des substances en fait toxiques pour l’homme et en retirant du processus de développement des substances qui pourraient peut-être être efficaces et sans danger pour l’homme.
Les récentes révélations mettent en évidence un autre problème : lorsque des essais sur des animaux signalent un possible problème, ils peuvent tout bonnement être ignorés ! Se réfugier derrière le prétexte que c’est la dose qui pose problème et non la substance elle-même est inadmissible. En effet, comment est calculée la dose acceptable pour l’homme ? Quand on sait qu’une même dose peut causer des effets secondaires indésirables ou pas selon les individus, comment se fier à une dose estimée à partir d’études faites sur différents individus de différentes espèces animales ? pour être administrée à différents individus humains ?
Les méthodes scientifiques modernes donnent la possibilité d’évaluer de façon fiable les possibles effets secondaires et l’efficacité d’un médicament l’homme. Dans certains cas (certaines chimiothérapies, par exemple), pour chaque individu humain. La « médecine personnalisée », la « médecine de précision », termes de plus en plus présents dans les médias, sont des exemples d’application de certaines de ces méthodes.
A l’heure où de plus en plus de chercheurs démontrent que les données obtenues sur des animaux ne permettent pas de prédire les réponses humaines, à l’heure où des méthodes de plus en plus puissantes et abordables permettent d’évaluer les réponses humaines à un médicament, à quoi peuvent bien servir des essais sur des animaux ? C’est tout le système des essais de médicaments, régi par des lois vieilles de plus d’un demi-siècle, qui est à revoir.
Antidote Europe propose un premier pas pour aller dans ce sens : exiger la création d’une commission d’enquête parlementaire qui étudierait la validité du « modèle animal » d’un point de vue strictement scientifique (voir https://antidote-europe.eu/exigeons-ouverture-enquete-parlementaire/). Nul doute que cette illusion de « modèle animal » s’évanouirait et que le législateur serait alors bien obligé de modifier les lois qui le prennent en compte pour que ces lois soient enfin accordées aux connaissances scientifiques actuelles.