Européennes 2009 : la santé au programme !
En vue des élections du 7 juin 2009 pour élire les membres du Parlement européen, Antidote Europe a demandé que la santé publique soit prise en compte dans les programmes des candidats.
Créée par des chercheurs issus du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et oeuvrant pour une meilleure prévention en matière de santé humaine, Antidote Europe a proposé deux thèmes de campagne : que la Commission européenne soit préservée des lobbies industriels et que des méthodes fiables d’évaluation de la toxicité des substances chimiques soient adoptées. Ces deux mesures permettraient de réduire le nombre de cas de maladies dues à notre environnement toxique.
Jean Marc Governatori, tête de liste en Ile-de-France pour l’Alliance écologiste indépendante (AEI) avait spontanément consulté Antidote Europe et sollicité son avis sur les thèmes de santé qu’il serait important d’inclure dans le programme de ce parti. Antidote Europe étant une association à but non politique et considérant que la santé est un thème qui dépasse tous les clivages, a envoyé la lettre ci-dessous à tous les « grands » partis qui présentent des candidats aux prochaines élections européennes.
Contact médias : Claude Reiss (33 (0)4 76 36 35 87 ou 33(0)4 68 80 53 32)
Monsieur ou Madame le/la candidat(e) aux élections européennes,
Antidote Europe est une association à but non lucratif, créée par des chercheurs issus du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), oeuvrant pour une meilleure prévention en matière de santé humaine et, à ce titre, nous souhaitons attirer votre attention sur les préoccupations de santé que nous vous suggérons d’aborder lors de votre campagne et de prendre en compte dans votre mandat de député(e) européen(ne) si vous êtes élu(e). Votre programme électoral pourrait s’emparer de deux thèmes.
Le premier concerne la Commission européenne (CE). Il s’agit d’en faire :
1) Une institution démocratique : commissaires et président élus par le PE et non désignés selon les souhaits des responsables politiques des Etats membres ;
2) Une institution pouvant être mise en cause juridiquement par les citoyens de l’UE, au moins par une « class action » devant la juridiction européenne ; cette dernière pour l’instant sert de bouclier juridique à la CE ;
3) Une institution qui soit isolée des lobbies industriels : il devrait être interdit à tout secteur de l’industrie ou économique qui souhaite attirer l’attention sur un sujet donné d’agir dans les coulisses des institutions européennes : dîners de luxe, « séminaires » dans quelque paradis touristique avec des membres de la CE, des cabinets, conseillers. Le secteur concerné doit en être informé, invité à exposer son problème en pleine lumière, notamment pour être porté à la connaissance ou rappelé aux membres du PE. Le citoyen de l’Union européenne (UE) doit, lui aussi, en être informé au moyen des nombreuses voies médiatiques dont s’est dotée l’UE. En cas de nouvelle tentative d’agir « en coulisses » le secteur doit être mis à l’index.
A titre d’illustration, un évènement dont Antidote Europe peut témoigner : l’étrange autisme de la CE, qui, en faisant l’impasse sur les développements scientifiques majeurs qu’elle ne pouvait ignorer et en contrevenant à ses propres directives, refuse l’assistance à des millions de personnes en danger de mort, s’expose à l’accusation de mise en danger d’autrui par violation manifestement délibérée d’obligations de sécurité et de prudence, et de gaspillage de ressources financières de l’UE (*).
Le second thème, qui concerne tout citoyen de l’UE au premier chef, est celui de sa santé (environnementale en particulier) donc de la sécurité sanitaire dans l’UE. Depuis plusieurs décennies, on constate une inflation anormalement forte des chiffres de morbidité et de mortalité de pathologies lourdes comme le cancer, les maladies neurodégénératives, de maladies et dysfonctionnements menaçant l’avenir de l’espèce humaine (affections de l’enfance, fertilité). Le PE a voté et le Conseil des ministres européens a adopté le règlement REACH dont la mise en place devrait contribuer à la sécurité sanitaire par l’évaluation des (et la prévention contre les) risques toxiques des substances chimiques. Cette évaluation doit bénéficier sans délai des méthodes scientifiques de toxicologie les plus performantes, notamment celles issues de la biologie, comme la toxicogénomique qui a été retenue comme telle par le PE et connaît un grand succès, aux Etats-Unis par exemple.
Or, tout au contraire, la CE persiste à imposer dans REACH des méthodes d’évaluation de toxicité sur des « modèles animaux ». Ces méthodes antédiluviennes sont inutiles, voire dangereuses, et violent la directive 86/609/CEE. Contrairement à l’opinion exprimée par nombre de députés sortants, aucune espèce animale n’est un modèle biologique fiable pour une autre, car le patrimoine génétique d’une espèce (donc ses gènes) est unique, et qu’en conséquence elle va répondre à un test avecses gènes, qui ne sont pas ceux d’une autre, de l’homme en ce qui nous concerne.
Vous remerciant de l’attention que vous voudrez bien porter aux éléments ci-dessus,
Bien respectueusement,
Claude Reiss
Président d’Antidote Europe
Ancien directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
(*) Dès 2005, nous avons informé la CE qu’une méthode d’évaluation des risques toxiques, la toxicogénomique (TXG) sur des cellules humaines en culture, existe, qu’elle est fiable pour l’homme, 100 fois plus rapide et moins onéreuse que les tests sur des « modèles » animaux (dont le transfert à l’homme est très aléatoire), et que cette méthode a déjà été adoptée par des pays (Etats-Unis, Japon…) qui refuseront à terme d’importer des substances non testées scientifiquement.
Nous en avons informé le PE, lui suggérant d’introduire un amendement recommandant l’utilisation de la TXG dans le dispositif REACH, considérant que cette méthode réduirait la facture de REACH de 11 milliards d’euros à 1,5 milliard d’euros, et le délai pour tester les 100 000 substances chimiques circulant dans l’UE d’un siècle au moins à 3 ans, en sus bien entendu de tests fiables pour l’homme et n’impliquant aucun animal.
Au cours du vote en première lecture de REACH, cet amendement a été approuvé par le PE (session plénière du 17 novembre 2005). Cet amendement ayant été mystérieusement escamoté dans le texte issu du Conseil des ministres européens, la commission Environnement du PE (vote du 10 octobre 2006) l’a réintroduit dans REACH en deuxième lecture. Le texte final de REACH, résultat d’une négociation entre le PE et le Conseil des ministres et adopté le 18 décembre 2006, cite explicitement la TXG dans son préambule.
REACH ne rend pas obligatoire l’utilisation de la toxicogénomique et, malgré cette mention dans le préambule, la CE n’encourage pas concrètement son utilisation. Pourtant, dès le 10 juillet 2006, nous remettions une lettre à la CE, signée par 140 associations dans 11 pays et représentant plus de 1 million de citoyens européens, demandant l’application de la clause de la directive européenne 86/609/CEE qui stipule que les tests ne doivent pas être faits sur des animaux s’il existe une autre méthode (la TXG) permettant d’obtenir le même résultat. Notre lettre était adressée à M. Barroso, président de la CE, mais après plusieurs demandes de rendez-vous, c’est finalement une personne de la commission Environnement qui nous reçoit.
Quelques mois plus tard, la CE lance le 1er novembre 2006 un programme de « carcinogénomique » pour « le développement de méthodes de crible par génomique », devant durer 5 ans pour un coût de plus de 10 millions d’euros. Puisque ces méthodes sont parfaitement au point depuis 2000 et que nous avions montré notre savoir-faire dans le domaine, cette initiative nous apparaît comme un simple écran de fumée pour retarder de 5 ans au moins la validation de la TXG (donc son application dans REACH). Nous étions particulièrement amers de prévoir que, durant ce temps, près de 20 millions de citoyens de l’UE allaient être diagnostiqués avec un cancer, dont bon nombre -nous estimons la moitié- pourraient être épargnés si on voulait bien mettre en oeuvre la TXG.
Nous avons donc cherché à engager une procédure juridique contre la CE, entre autres parce qu’elle s’autorise à ignorer ses propres directives, en l’occurrence la 86/609/CEE qui interdit de recourir aux expériences sur des animaux quand une méthode alternative existe. Nous avons dû constater que c’est impossible, notre seulrecours ne pouvant se faire que devant le Médiateur européen. Nous avons donc chargé notre avocate, Me Koering, d’introduire ce recours. C’est chose faite le 20 janvier 2008 avec, là encore, le soutien de 124 associations de 12 pays représentant plus d’un million de citoyens. L’avis de la CE, notifié fin 2008, fait simplement l’impasse sur les preuves abondantes fournies par le recours et se retranche derrière l’allégation qu’il « n’existe pas de méthode fondé sur la TXG qui puisse être validée et utilisée immédiatement ».
L’affirmation qu’il n’existe pas de méthode fondée sur la TXG est une contre-vérité. En effet, la méthode est parfaitement établie : aux Etats-Unis, par exemple, la FDA a créé un Institut de toxicogénomique, l’Académie des Sciences de ce pays a rappelé l’importance de la TXG dans son rapport « Tests de toxicité au 21ème siècle : une vision et une stratégie » (2007) et le gouvernement états-unien a établi un « Memorandum of Understanding » (janvier 2008) demandant aux agences publiques en charge de l’évaluation de la toxicité de se coordonner et d’adopter la génomique à cette fin.
Quant à l’affirmation que la TXG ne peut être appliquée immédiatement car elle n’est pas « validée », il faut remarquer que la CE dispose d’un centre scientifique, ECVAM, dédié à la validation des méthodes alternatives, mais qu’elle ne s’est pas adressée à ECVAM à ce sujet depuis plus de trois ans, bien que l’un de ses récents directeurs (Pr Thomas Hartung) ait attiré l’attention de la CE sur l’intérêt de la TXG et ait déclaré (interview à Nature) que l’évaluation de la toxicité sur des animaux est « tout simplement de la mauvaise science ». Bien entendu, les industries de la chimie n’ont pas envie qu’on regarde de trop près leurs produits et sont très probablement intervenues auprès de la CE pour retarder le plus longtemps possible la mise en oeuvre de la TXG dans REACH.