L’exploitation des animaux en sciences
Un nouveau livre explore les diverses formes d’exploitation des animaux. Un chapitre entier, écrit par André Ménache, est consacré à l’utilisation des animaux dans les laboratoires. Pour les anglophones, à lire de toute urgence pour avoir une idée claire et globale de la question.
Un livre de référence sur l’exploitation des animaux dans différents domaines est publié au Royaume Uni par les éditions Palgrave Macmillan, spécialisées dans les essais et manuels. « The Palgrave International Handbook of Animal Abuse Studies », disponible en ligne à partir du 7 juin 2017, concerne les « formes institutionnalisées d’exploitation animale qui sont devenues routinières, quotidiennes, socialement acceptables et rendues invisibles ».
Le chapitre qui concerne le domaine d’action d’Antidote Europe est celui intitulé « L’Exploitation des animaux en sciences », écrit par notre conseiller scientifique, André Ménache, également vétérinaire. Commençons par traduire le résumé de ce chapitre.
« Le phénomène d’exploitation des animaux en sciences remonte à l’Antiquité. Toutefois, l’augmentation significative de l’utilisation actuelle des animaux pour la recherche et les essais est due en grande partie à des obligations légales obsolètes et à une curiosité scientifique endémique. Alors que la société dans son ensemble est généralement mal à l’aise avec la souffrance animale inutile, les chercheurs qui utilisent des animaux parviennent à recevoir des financements pour des expériences controversées sur des animaux, en exploitant le « spécisme » et l’ignorance du public sur la nécessité supposée d’utiliser des animaux pour développer de nouveaux traitements pour les maladies humaines. La première partie de ce chapitre présente les bases légales de l’exploitation des animaux en sciences, notamment la réglementation européenne. La seconde partie de ce chapitre présente la nature et la prévalence de l’exploitation des animaux en sciences, notamment pour la recherche fondamentale (c’est-à-dire une recherche motivée par la curiosité) et la toxicologie réglementaire. Le chapitre conclut que l’obstacle majeur au remplacement des animaux dans les laboratoires n’est pas un manque de technologies innovantes, en particulier avec le développement des méthodes d’essai alternatives, mais plutôt la communication d’un message complexe à propos de ces alternatives à l’intention des responsables politiques et des responsables de la règlementation « non scientifiques », ainsi que la mauvaise interprétation et connaissance de la loi. »
Après un bref rappel historique, André Ménache examine certains points de la directive européenne 2010/63/UE, dont il est l’un des spécialistes pour l’avoir étudiée en détail au cours de nombreuses années de travail au sein d’Antidote Europe et d’autres associations, notamment pour l’initiative citoyenne européenne Stop Vivisection. Les annexes de la directive sont à souligner aussi, par exemple celle qui définit le degré de souffrance imposée aux animaux lors d’une procédure expérimentale.
Comment les animaux sont-ils utilisés ? De neuf façons possibles mais le chapitre détaille les deux pour lesquelles le plus grand nombre d’animaux sont utilisés : la toxicologie règlementaire et la recherche fondamentale. Pour la première, l’exemple du Botox montre que des méthodes fiables sans recours à l’expérimentation animale peuvent être trouvées et approuvées si l’opinion publique est suffisamment forte pour stimuler la volonté politique de le faire. En ce qui concerne la recherche fondamentale, des exemples précis sont donnés. Le lecteur jugera par lui-même de l'(in)utilité de ces recherches pour la santé humaine.
Le débat se fait jour, aussi bien grâce à des publications de chercheurs individuellement que par des éditoriaux de grandes revues médicales comme le British Medical Journal de juin 2014. Un débat plus que nécessaire à l’heure où de plus en plus d’animaux sont utilisés, et pour certains non comptabilisés dans les statistiques officielles, notamment en raison de la production d’animaux transgéniques pour la recherche fondamentale.
Le chapitre signale aussi les effets pervers du principe des 3Rs, qui vise à remplacer, réduire ou rationaliser l’utilisation d’animaux mais qui ne permet pas d’analyser la pertinence de cette utilisation pour la médecine humaine. Ayant fait partie de plusieurs comités d’éthique et rompu à cette analyse, André Ménache parle d’expérience.
Un nouveau paradigme est nécessaire, conclut l’auteur. Le défi n’est pas de trouver des méthodes innovantes -elles existent déjà !- mais de sensibiliser les responsables politiques et les responsables de la règlementation, généralement non formés à la biologie. Ce débat crucial devrait être tranché d’une « façon transparente qui tienne compte à la fois des normes sociétales et des preuves scientifiques ». La société ne tolèrerait pas dans d’autres domaines les souffrances qui sont infligées aux animaux dans les laboratoires ; les preuves scientifiques de l’absence de validité du « modèle animal » pour l’homme s’accumulent. Si vous n’en êtes pas encore convaincu, lisez ce chapitre du Palgrave International Handbook of Animal Abuse Studies (http://www.palgrave.com/gb/book/9781137431820) !