Le « modèle singe » bat de l’aile
Une campagne menée depuis plusieurs années aux Pays-Bas vient d’aboutir à l’arrêt de l’utilisation de singes pour la recherche biomédicale à l’Université Radboud. Antidote Europe s’était portée volontaire pour fournir l’argumentation scientifique.
Par André Ménache
En novembre 2015, l’Institut national de la santé (NIH) des Etats-Unis annonçait qu’il ne financerait plus la recherche sur des chimpanzés. Le meilleur « modèle animal » possible était donc abandonné suite, entre autres raisons, à un rapport de l’Institut de médecine (IOM) de décembre 2011 reconnaissant que les expériences sur le chimpanzé « ne sont plus nécessaires ». Les autres « modèles animaux » vont-ils tomber aussi comme les pièces d’un domino ? Cela se pourrait bien…
Si l’on considère la proximité génétique avec l’espèce humaine, les meilleurs « modèles animaux » possibles après le chimpanzé seraient les autres espèces de singes. Macaques rhésus, ouistitis et autres singes sont encore utilisés par milliers chaque année en Europe. Certains font l’objet d’essais de toxicité, notamment pour les médicaments. D’autres sont utilisés pour la recherche biomédicale et pour la recherche fondamentale.
Une campagne de plusieurs années
Mes premiers contacts avec l’Université Radboud, à Nijmegen, au Pays-Bas, datent de 2010, par l’intermédiaire de l’association Anti Dierproeven Coalitie (ADC) dont je suis conseiller scientifique. Nous avons échangé avec des responsables de l’Université et surtout avec une chercheuse à laquelle nous avons envoyé notre argumentation scientifique. Parmi les documents transmis, figure un article scientifique que j’ai co-signé avec le Dr Ray Greek (http://www.medsci.org/v10p0206.htm).
Le 14 février 2011 j’étais présent à Nijmegen avec Robert Molenaar, responsable de ADC, pour remettre aux représentants de l’Université une pétition qui avait réuni plus de 16.000 signatures contre l’utilisation de singes (voir La Notice d’Antidote de juin 2011).
Le doyen de l’Université et la chercheuse avec laquelle nous étions en contact avaient très cordialement reçu notre pétition. Ils nous avaient dit que des recherches sur des singes se poursuivraient jusqu’à leur terme mais que de nouvelles expériences sur ces espèces animales ne seraient plus autorisées.
Depuis, ADC poursuit ses actions en Belgique et Robert Molenaar a fondé l’association Animal Rights au Pays-Bas, avec laquelle je collabore également en tant que conseiller scientifique. Nous n’avons pas lâché cette campagne.
La victoire enfin !
Le 15 novembre 2016, le recteur de l’Université Radboud annonçait qu’il n’y aurait plus, dans son établissement, de recherches sur le macaque rhésus. Le permis pour utiliser ces animaux expire en 2017 et son renouvellement n’a pas été sollicité.
Une nouvelle pétition a réuni plus de 27.000 signatures pour que les deux singes encore détenus par l’Université ne soient pas euthanasiés à la fin du programme de recherches. D’après le porte-parole de l’Université, placer ces deux singes dans un refuge serait une « option réaliste ».
Le recteur de Radboud défend les recherches passées en affirmant que « les expériences menées sur ces animaux ont contribué à des traitements de maladies neurologiques. La stimulation cérébrale profonde, par exemple, peut aider à stopper les tremblements qui affectent les personnes atteintes de la maladie de Parkinson. » L’exemple ne nous paraît pas très bien choisi puisque la stimulation cérébrale profonde a été mise au point chez l’homme et qu’il existe à présent des voies de recherche plus prometteuses, toujours chez l’homme, comme l’a exposé Anne Beuter, conseillère scientifique d’Antidote Europe, à un récent congrès à Cologne et dans un article scientifique que nous avons co-signé (http://journal.frontiersin.org/article/10.3389/fnhum.2016.00033/full).
Les arguments éthiques mis en avant par les associations de défense animale ont certainement joué un rôle important. Mais c’est également une victoire pour Antidote Europe qui montre ainsi que le progrès scientifique ne s’arrête pas dès lors que l’on abandonne les expériences sur des animaux -argument souvent avancé par nos adversaires-, bien au contraire. Nous félicitons les responsables de l’Université Radboud qui choisissent d’orienter leur établissement vers des méthodes modernes