Nouvelle menace pour la santé humaine
Ayant appris que le laboratoire Servier avait déposé une demande d’extension de son centre de recherches de Gidy, en vue d’augmenter le nombre de ses expériences sur des chiens, Antidote Europe a adressé au commissaire enquêteur et au préfet du Loiret, une lettre recommandée que nous reproduisons ici.
Concernant l’inutilité et le danger de telles expériences, j’attire votre attention sur deux points :
1. Les connaissances scientifiques acquises dans la seconde moitié du XXe siècle nous permettent de démontrer qu’aucune espèce animale n’est le modèle biologique d’une autre. Extrapoler aux humains des données obtenues sur l’animal n’est donc pas une démarche scientifiquement éprouvée et validée. Bien au contraire, elle entraîne des souffrances inutiles pour les humains qui sont, en fin de comptes, tout aussi cobayes que les animaux. Déjà en 1997, Bernard Kouchner, alors secrétaire d’Etat à la Santé, révélait que les effets secondaires de médicaments provoquent 18.000 décès par an en France, chiffre probablement sous-évalué. Or, les médicaments ont tous été testés sur des animaux avant leur mise sur le marché. Ces tests n’ont pas empêché les drames de la cérivastatine en 2001, ni celui du Vioxx en 2004, ni, en ce début 2006, celui des six volontaires sains britanniques qui sont toujours entre la vie et la mort après un essai clinique de phase I, ni bien d’autres qu’il serait trop long de citer.
2. Le chien est l’hôte définitif naturel du parasite Echinococcus granulosus, qui provoque des kystes hidatiques principalement dans le foie. Ce parasite peut contaminer aussi bien le bétail que les moutons et les chèvres, ainsi que les humains. Il peut être transporté sur de longues distances par le vent ou la pluie et se déposer ou ruisseler vers les pâturages. Assumerez-vous votre responsabilité si des troupeaux contaminés doivent être abattus ? Les travailleurs en charge de l’élevage des chiens seront particulièrement exposés et peuvent le contracter par un simple contact avec le pelage du chien. Les traitements médicamenteux sont décevants et de nombreux chirurgiens refusent de pratiquer l’opération nécessaire à l’ablation du kyste (quand celle-ci est possible) en raison du risque de dissémination du parasite lors de cette intervention et, par conséquent, du risque de récidive.
J’attire également votre attention sur le fait que, au XXIe siècle, il existe des techniques non invasives permettant d’étudier les êtres humains, ainsi que des méthodes fiables pour évaluer la toxicité potentielle des candidats médicaments et autres substances chimiques. Vous trouverez ci-joint un hors série de notre revue trimestrielle, La Notice d’Antidote, détaillant l’une de ces méthodes, la toxicogénomique, et ses nombreux avantages par rapport à l’expérimentation animale.
Vous avez donc le choix entre permettre la persistance de techniques moyenâgeuses et risquées à plus d’un titre pour la santé humaine, ainsi que pour l’économie de votre région, ou bien, encourager la modernisation de la recherche en suggérant à Servier d’investir plutôt dans les techniques d’avenir (la toxicogénomique est déjà massivement utilisée aux Etats-Unis et au Japon ; plus l’écart se creuse, plus lourde sera la facture pour l’Europe quand elle devra payer les royalties).
Antidote Europe est une association à but non lucratif créée par des chercheurs issus du CNRS. Nous sommes à votre disposition pour vous informer plus avant sur ces questions.