La recherche animale peut provoquer une grande confusion
Encore et toujours, la raison rejoint le cœur au sujet de l’expérimentation animale. Cette pratique est inadaptée au progrès des connaissances en biologie, pathologie et thérapeutique humaines, en plus de provoquer de la souffrance animale. L’influence du grand public doit devenir plus forte que celle des lobbies.
On ne compte plus les médecins et chirurgiens qui déclarent -et qui démontrent par leur pratique- qu’il n’est nullement nécessaire de s’entraîner sur des animaux pour pratiquer la chirurgie sur l’homme. Bien au contraire, des données issues d’études sur l’animal ne font que créer des confusions et provoquer des erreurs lorsqu’on cherche à les appliquer à l’homme. Nous vous présentons aujourd’hui l’interview du Dr Rolf Simon, qui ne dit pas autre chose.
Pourtant, et il le rappelle aussi, il existe des méthodes pédagogiques fiables, modernes, abordables, sans recours à l’expérimentation animale. C’est bien la loi qu’il faut changer pour qu’elles soient mises en œuvre. Et la loi changera lorsque la pression de l’opinion publique fera le poids face aux intérêts privés des firmes et institutions qui ont investi dans la recherche animale.
Antidote Europe (AE) : Pouvez-vous dire à nos lecteurs quand et comment vous avez découvert l’expérimentation animale au cours de votre carrière médicale ? Comment avez-vous ressenti que cette pratique n’était pas correcte ?
Rolf Simon (RS) : Ma première confrontation à l’expérimentation animale date d’une démonstration en physiologie utilisant des lapins à laquelle j’ai assisté durant mes années d’étudiant en médecine humaine préclinique. Le but de l’étude était de constater l’effet de différents médicaments sur l’activité du cœur. J’ai également été témoin de la stimulation cérébrale profonde chez le chat au cours de mes études médicales et scientifiques. Les chats ont été abandonnés à une agonie douloureuse dans des cages d’isolation.
En plus d’être cruelle, la recherche animale peut provoquer une grande confusion. Les lignes directrices concernant l’anesthésie pour une espèce peuvent s’avérer catastrophiques si on les applique à une autre espèce. Des présupposés faux mènent à l’absence d’une « logique de recherche » plausible. Des différences significatives entre différentes espèces se constatent en anatomie, physiologie, cognition, intelligence, comportement, activité sensorielle et psycho-motrice et biomécanique.
Ainsi, on ne peut pas établir une relation d’analogie entre l’animal et l’humain : l’environnement, le métabolisme, l’âge, la « manipulation » des animaux, les conditions des essais et le stress induit chez l’animal de laboratoire entraînent une distorsion des « paramètres biologiques » de façon impossible à prédire.
Le résultat d’un tel paradigme est une pédagogie défaillante et des données de recherche peu fiables.
Pour ces raisons, la recherche animale dans les universités allemandes devrait être remplacée par des modèles d’apprentissage électroniques et par des laboratoires de compétences biologiques.
AE : Avez-vous été confronté à l’expérimentation animale au cours de votre spécialisation en chirurgie ? Avez-vous été obligé de pratiquer la recherche animale ? Selon vous, est-ce possible de devenir chirurgien orthopédique sans pratiquer auparavant sur des animaux ? Pouvez-vous nous indiquer quelles sont les méthodes alternatives ?
RS : Pour des raisons éthiques (« d’abord ne pas nuire »), j’ai évité la recherche animale pour améliorer mes compétences et je n’ai jamais pris part activement à aucune expérience sur des animaux. Les différences anatomiques entre les porcs et les hommes, par exemple, peuvent mener à un apprentissage systématiquement faussé. En appliquant à l’homme et en enseignant des connaissances acquises au cours d’études sur des animaux, en ce qui concerne l’anatomie, la physiologie, l’âge et l’état de santé, des similarités perçues peuvent mener à des erreurs médicales et à de graves complications chez l’homme. De nos jours, des situations réelles et des techniques rencontrées en salle d’urgence peuvent être simulées par des méthodes alternatives n’impliquant pas d’animaux et de façon tout à fait rentable. L’utilisation de ces alternatives complexes est avantageuse pour les patients humains en plus de prendre en compte le bien-être animal.
Ces méthodes d’enseignement nous permettent de nous approcher au plus près des situations réelles en chirurgie et médecine d’urgence. Aucun animal n’est impliqué. A leur place, des mannequins de forme humaine et des laboratoires de compétences sont efficaces et éthiques. Rappelons-nous que les animaux ont également le droit à la vie et à la protection contre la souffrance.
AE : Pouvez-vous décrire votre rôle au sein de Aertze gegen tierversuche (Médecins contre l’expérimentation animale) et comment vous communiquez votre message au grand public et à la communauté scientifique ? Quels sont les plus grands défis et obstacles auxquels vous devez faire face ?
RS : Mes principales missions concernent la critique de la recherche animale en tant que modèle pour l’étude de maladies humaines, l’information du grand public quant aux expériences sur animaux pratiquées dans les laboratoires allemands, la promotion de l’application de méthodes sans recours au modèle animal dans la recherche clinique et le lobbying politique.
Les plus grands obstacles au progrès sont nos responsables politiques et responsables de la réglementation qui sont insensibles à la nécessité d’une meilleure protection animale (et donc des patients humains). Ce qu’il nous faut est une éthique sans borne respectant « la vie de l’homme et des animaux » et donc une loi interdisant l’expérimentation animale sans exception.
L’un des plus importants défis est d’atteindre une « masse critique » de prise de conscience au sein du public afin de neutraliser des groupes de pression défendant des intérêts particuliers. L’influence de ces lobbies peut être perçue dans l’espace public, universités, lycées et collèges et autres établissements de formation – toujours avec l’appui de l’industrie pharmaceutique et des établissements de recherche universitaires utilisant des animaux comme, par exemple, l’Institut Max Planck à Tübingen.
AE : Nous vous remercions vivement pour le temps que vous avez consacré à cet entretien. Souhaitez-vous partager d’autres commentaires avec nos lecteurs ?
RS : Je souhaiterais souligner l’importance d’entretenir des réseaux avec différentes organisations de défense animale au niveau international. Nous sommes plus forts quand nous travaillons ensemble et partageons notre expertise en matière d’organisation, de stratégie, d’actions, de ressources humaines et matérielles et de répartition des tâches.
Je suis partant pour des événements européens, tels des congrès annuels, qui reflèteraient la devise : « une vie, une éthique, une loi pour les hommes et les animaux ».