Recherche fondamentale : qu’est-ce que c’est?
Dans les laboratoires, des animaux sont utilisés pour trouver des thérapies pour l’homme (disent les chercheurs qui les utilisent) mais aussi pour de la recherche fondamentale. Nous nous sommes aperçus que beaucoup de non scientifiques ignoraient ce que l’on entend par « recherche fondamentale ». Or, il nous paraît important que le grand public apprenne ce que c’est car c’est à lui (et non aux seuls chercheurs – et en particulier à ceux qui la pratiquent !-) de demander aux autorités de continuer à permettre ou d’interdire l’utilisation d’animaux pour ce type de recherche.
Par André Ménache
Sur notre site, nous avons présenté la traduction d’un article du Dr Ray Greek intitulé « Peut-on justifier l’utilisation d’animaux sentients en recherche fondamentale ? » . Notre but principal en diffusant cet article était de contribuer à montrer en quoi consiste concrètement la recherche dite « fondamentale ».
Petit rappel de sa définition : « La recherche fondamentale consiste en des travaux expérimentaux ou théoriques entrepris principalement en vue d’acquérir de nouvelles connaissances sur les fondements des phénomènes et des faits observables, sans envisager une application ou une utilisation particulière » (1).
Lors de ma conférence du 17 août 2014 à Londres, j’ai posé cette question au public : « Qu’est-ce la recherche fondamentale ? » Parmi environ 70 personnes, pour la plupart militantes de la cause animale et, donc, que l’on pourrait croire a priori bien informées, une seule a fourni la bonne réponse. Il est donc très probable qu’une grande majorité de personnes, dans la population générale, ignore en quoi consistent les expériences sur des animaux dans ce type de recherche.
Or, il est difficile de lutter contre une inconnue. Ceci convient aux chercheurs qui utilisent des animaux, surtout dans les universités, ce qui pourrait expliquer certaines questions quelque peu agressives qui m’ont été posées par des chercheurs lors de ma conférence à l’Université de Provence Aix-Marseille, le 2 avril 2014.
Des millions d’animaux utilisés dans la recherche fondamentale
Contrairement à la France le gouvernement britannique fournit des statistiques assez précises, ce qui permet de savoir combien d’animaux sont utilisés chaque année dans la recherche fondamentale. En 2013, environ les trois quarts de toutes les expériences faites sur des animaux au Royaume Uni étaient liées à de la recherche fondamentale. On peut calculer, sur la base d’un million d’animaux impliqués directement dans cette catégorie et en ajoutant près de deux millions d’animaux génétiquement modifiés (également destinés à la recherche fondamentale), que presque trois millions d’animaux sont ainsi utilisés. La plupart des animaux génétiquement modifiés sont tués suite au triage parce qu’ils sont « ratés » ou excédentaires. Seuls les animaux génétiquement modifiés « réussis » subiront ensuite des expériences (et seront tués à la fin de l’étude).
Rappelons-nous que la recherche fondamentale, par définition, n’est pas sensée trouver des remèdes. En fait, il est très rare que ces expériences parviennent à mener à des découvertes importantes (comme le montre le Dr Ray Greek dans son article). Toutefois, le public soutient la recherche animale (dont nous constatons que la majorité est liée à la recherche fondamentale) par son ignorance. Pour leur défense, les chercheurs tentent de justifier leurs expériences, conscients du fait qu’il serait quasiment impossible d’obtenir des fonds pour la recherche fondamentale sans mentionner un lien avec la santé humaine.
Mais prenons un vrai exemple pour illustrer ce point important. Des biologistes français ont observé, chez des souris mutantes dépourvues d’un gène codant pour l’un des récepteurs de la sérotonine (l’un des principaux neurotransmetteurs du système nerveux), une agressivité supérieure à celle de souris témoins. Selon les auteurs de cette étude, ce « modèle animal » va permettre d’étudier d’autres comportements (réaction au stress, anxiété, attention, mémoire, prise de décision) qui pourraient être modulés par ce gène, et dans lesquels un équilibre entre l’impulsivité et l’inhibition comportementale est nécessaire. Le dérèglement de cet équilibre pourrait, disent-ils, chez l’homme, être en partie responsable de dysfonctionnements comportementaux, mentaux ou psychiques (2). Voila donc « la recette » pour obtenir des fonds pour la recherche fondamentale.
Dans les tests sur des animaux, par exemple en toxicologie, il existe bien des méthodes dites « alternatives » pour remplacer l’utilisation d’animaux puisque il s’agit d’observer des points limites bien définis (en anglais : well defined end points). Ceci n’est presque jamais le cas dans le cadre de la recherche fondamentale. Impossible de substituer l’étude d’un comportement agressif chez la souris par l’étude de cellules en culture.
Evitons donc le piège de chercher des « alternatives » aux expériences animales dans le cadre de la recherche fondamentale. Elles n’existent pas forcément. La meilleure « alternative » est de ne plus subventionner ces études par nos dons et nos impôts.
L’opposition du public
Malgré sa méconnaissance de la recherche fondamentale, le public s’exprime clairement quand on recueille son opinion. En 2006, la Commission européenne publiait le résultat d’un sondage important à ce propos. A la question « considérez-vous comme acceptable l’utilisation des animaux afin d’acquérir de nouvelles connaissances par rapport au vivant ? », 68% des 42.655 participants ont répondu « non » (3).
Nous sommes donc face à une situation aberrante où le contribuable subventionne des expériences sur des animaux contre sa propre volonté.
Alors, comment agir ?
– Chacun doit désormais bien déterminer qui sont les bénéficiaires de ses dons y compris parmi les associations caritatives médicales et les téléthons. Ces organismes soutiennent souvent des expériences sur des animaux. Informez également vos connaissances.
– Contactez votre député et demandez-lui de présenter une proposition de loi qui respecte le sentiment du public par rapport à l’octroi de nos impôts aux chercheurs.
– Essayez de joindre les conseils de financement institutionnels. Il existe parfois des places pour un ou plusieurs membres du public.
(1) http://fr.wikipedia.org/wiki/Recherche_fondamentale
(2) www.cnrs.fr/Cnrspresse/n95a2.html
(3) http://ec.europa.eu/environment/chemicals/lab_animals/pdf/results_citizens.pdf