Le Sénat belge attentif à une toxicologie scientifique
Après avoir voté une “proposition de résolution” visant à la création d’un Centre de toxicogénomique, la commission des Affaires sociales du Sénat belge organisait une audition sur les méthodes alternatives à l’expérimentation animale.
Le Sénat belge organisait hier une audition sur les méthodes alternatives à l’expérimentation animale, à laquelle il avait invité deux représentants d’associations de défense animale (ANSPA et Eurogroup for Animal Welfare), un représentant de l’industrie chimique, ainsi que Claude Reiss, président du comité scientifique Antidote Europe et biologiste moléculaire ayant mis au point une approche nouvelle de la toxicogénomique.
Cette méthode, qui permet de mettre en évidence la toxicité des substances chimiques de façon fiable pour l’espèce humaine, est encouragée par le règlement européenREACH et, plus concrètement, vient de faire l’objet d’une “proposition de résolution” adoptée par la commission des Affaires sociales du Sénat belge le 29 novembre dernier. C’est toujours dans ce cadre que se déroulait l’audition d’hier. Le Sénat belge envisage, comme première étape, de commander une étude de faisabilité d’un Centre de toxicogénomique.
Plus d’un million d’Européens décèdent prématurément (à moins de 65 ans) chaque année, faute de mesures efficaces de prévention. D’après l’OMS, le cancer seul a provoqué 1,7 millions de morts, en Europe, pour la seule année 2006 ; l’incidence de cette maladie a progressé de près de 10% entre 2004 et 2006 ! Le rôle de la pollution chimique dans l’apparition de cancers, de maladies neurologiques et autres maladies graves n’est plus à démontrer. Cent mille substances chimiques sont potentiellement présentes dans notre environnement et REACH se proposait, initialement, d‘étudier le danger que représente chacune d’elles pour notre santé et l’environnement, afin de retirer du marché les plus toxiques ou de définir les conditions de leur utilisation.
Pourtant, il est impossible de connaître la toxicité de ces substances par les méthodes requises par la réglementation actuelle. Tout d’abord, parce que ces méthodes ont recours à l’expérimentation animale et, de ce fait, ne fournissent pas des résultats fiables pour l’espèce humaine. Ensuite, parce qu’elles sont trop chères (2 à 4 millions de dollars par substance *) et trop longues (3 à 4 ans par substance *), donc, inapplicables à grande échelle. Au contraire, un Centre de toxicogénomique utilisant l’approche proposée par Antidote Europe permettrait de tester les 100.000 substances en deux ans et pour un budget total de 1,5 milliard d’euros.
Alors que la Belgique amorce l‘évolution vers une toxicologie véritablement scientifique, alors que le gouvernement italien a inscrit dans son Programme la nécessité d’une “abolition progressive de l’expérimentation animale” **, alors que l’un des responsables scientifiques de la Commission européenne a déclaré que les tests sur des animaux sont “tout simplement de la mauvaise science”, la France, deuxième puissance chimique en Europe, reste muette sur cette question. Pire, Monsieur Chirac s‘était allié à Messieurs Blair et Schroeder pour demander que REACH ne constitue pas une charge trop importante pour l’industrie chimique. Et la santé humaine ? Et l’innovation scientifique ?
La France gaspille ainsi des compétences pourtant présentes sur son territoire. En effet, Antidote Europe, dont le siège social est à Strasbourg, a démontré la pertinence et la faisabilité des tests de toxicogénomique alors même que ce terme était encore quasi-inconnu en Europe. Son équipe de chercheurs a développé une plate-forme informatique capable de gérer un ensemble d’automates pour tester parallèlement des centaines de substances en un temps record et à un coût dérisoire, alliant ainsi recherche scientifique pertinente pour notre santé et compétitivité industrielle. Alors, comment se fait-il qu’au XXIe siècle, la réglementation exige encore des tests datant du XIXe ?
Antidote Europe est une association à but non lucratif, oeuvrant pour une meilleure prévention en matière de santé humaine. Claude Reiss, son président, a été directeur de recherche pendant plus de trente ans au CNRS, notamment au Centre de génétique moléculaire à Gif-sur-Yvette.
*Estimation du National Toxicology Program des Etats-Unis, basée sur l‘étude de 500 substances.
- voir notre communiqué de presse du 18 décembre 2006