Steve Kaufman au sujet de l’expérimentation animale
Le Dr Kaufman est co-président de la Medical Research Modernization Committee (MRMC, Comité de modernisation de la recherche médicale) depuis 1986. Il a fourni plusieurs expertises scientifiques dans des actions en justice ayant trait à l’utilisation d’animaux dans la recherche scientifique.
Antidote Europe (AE) : A quel moment, au cours de vos études de médecine, avez-vous pris conscience des limites du “modèle” animal ?
Dr Stephen Kaufman (SK) : Cela s’est fait graduellement. J’avais toujours été inconfortable concernant l‘éthique de l’expérimentation animale et je savais qu’il existait des problèmes scientifiques dans beaucoup de domaines de la recherche. Pendant mon internat à New York, j’ai été contacté par le Dr Murry Cohen. Ses remarques au sujet des “modèles” animaux et les livres et articles qu’il me recommanda de lire m’ont aidé à comprendre les défauts scientifiques de la modélisation par les animaux.
AE : Avez-vous pu compléter vos études d’ophtalmologie sans faire de recherches sur l’animal ?
SK : La chirurgie ophtalmique, comme les autres spécialisations chirurgicales, s’apprend surtout en travaillant sur les patients sous la supervision attentive de chirurgiens expérimentés. Le chirurgien en cours de formation prend de plus en plus de responsabilités au fur et à mesure que son habileté se développe. Il n’y a nul besoin de s’entraîner sur des animaux et, en vérité, il n’y a jamais eu de telle opportunité pendant mes études.
AE : Pourriez-vous décrire les origines du MRMC, que vous avez aidé à créer ?
SK : Le MRMC a été conçu par Alice Herrington, alors présidente de Friends of Animals (Amis des animaux), aujourd’hui décédée. Elle était convaincue de la nécessité d’un groupe de médecins, indépendants du mouvement de défense animale, qui pourrait soulever des objections scientifiques à la vivisection. Avec le Dr Richmond Hubbard, ella a lancé le MRMC. Le Dr Murry Cohen les a rejoints et s’est très vite impliqué très activement dans cette association. Peu après, Murry m’a recruté et, ensemble, nous avons été les piliers du MRMC pendant plusieurs années.
AE : Quel a été votre principal succès dans la dénonciation des limites de la recherche sur des animaux ?
SK : Je pense que notre meilleure médiatisation a été un article publié en février 1999 dans Scientific American, article que j’ai co-signé avec le Dr Neal Barnard, président du Physicians Committee for Responsible Medicine (1). Je pense que nous avons fait plusieurs contributions importantes, en particulier grâce à notre brochure “Un regard critique sur l’expérimentation animale” et la série de monographies “Perspectives sur la recherche médicale”.
AE : Y a-t-il des thèmes non couverts par cette interview et que vous aimeriez aborder ?
SK : Je crois sincèrement qu’il y a des preuves solides, dans l’histoire et l‘époque actuelle des sciences, du fait que les modèles animaux sont inutiles pour le progrès médical. De plus, ces modèles ont souvent induit en erreur et continuent de le faire. Leur valeur scientifique globale est douteuse. Des animaux sont utilisés pour des études médicales et scientifiques autrement que pour modéliser des maladies humaines, par exemple pour des tests de toxicité, comme réservoirs d’agents infectieux, pour des greffes d’organes. Pour beaucoup de ces utilisations, des méthodes sans animaux ont remplacé ou devraient remplacer le recours à l’animal. Pour les cas où des méthodes comparables ou supérieures sans animaux ne sont pas disponibles, il est probable que de telles méthodes seraient développées si l’expérimentation animale n‘était pas une option. La nécessité est la mère de l’invention.
(1) PCRM (Comité de médecins pour une médecine responsable) ; voir l’interview du Dr Neal Barnard dans La Notice d’Antidote n°24.