Un million d’Européens sollicitent le Médiateur
Suite à une réponse négative du Médiateur européen, Antidote Europe dépose de nouveaux éléments dans le cadre d’une plainte contre un projet de la Commission européenne (test pour évaluer le potentiel cancérigène des substances chimiques) qui entraînera vraisemblablement de l’argent gaspillé, du temps perdu, des tests onéreux et inutiles encore imposés aux industriels de la chimie pour pouvoir vendre leurs produits… et notre santé jouée aux dés !
Ci-dessous, des extraits de la nouvelle lettre adressée au Médiateur européen fin avril 2008. Cette démarche est soutenue par 122 associations de 12 pays, représentant plus d’1 million de citoyens. Parmi les personnalités signataires, André Aschieri, maire de Mouans-Sartoux (France) et auteur de « Silence, on intoxique ! » (ed. La Découverte, 2005)
Antidote Europe est une association à but non lucratif créée par des chercheurs issus du CNRS et oeuvrant pour une meilleure prévention en matière de santé humaine.
Davantage d’informations sur la plainte et liste des associations qui la soutiennent : https://antidote-europe.eu/plainte_fr.htm
Le droit à un environnement sain fait partie des Droits fondamentaux de l’Homme. Or, la Commission européenne (CE) a dénombré plus de 100.000 substances chimiques dont la toxicité pour l’Homme est méconnue voire totalement inconnue. Ce constat a conduit à l’élaboration du Règlement REACH qui « devrait assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement ». Ce qui ne sera évidemment assuré que si des méthodes fiables sont utilisées pour évaluer la toxicité des substances. Mais les méthodes actuelles reposent sur l’expérimentation animale. Pourtant, leurs failles ont été signalées dans la littérature scientifique internationale et prises en compte dans le rapport « Tests de toxicité au XXIe siècle : une vision et une stratégie », élaboré par l’Académie des sciences des Etats-Unis.
Aussi est-il est urgent de procéder à la validation de tests fondés sur du matériel biologique humain.
Des tels tests existent. La toxicogénomique, dont la carcinogénomique n’est qu’un cas particulier d’application, fait partie des méthodes les plus couramment citées. C’est une méthode de routine pour l’industrie pharmaceutique. Le matériel nécessaire (différents types de puces à ADN, systèmes informatiques, etc.) est disponible dans le commerce depuis plusieurs années. Des études scientifiques montrent que la carcinogénomique est une méthode scientifiquement établie et que des marqueurs génétiques humains ou des lignées cellulaires humaines appropriés ont déjà été proposées, ce qui permettrait de contribuer à un programme de validation de cette méthode. Un rapport de l’Académie des sciences des Etats-Unis publié en 2007, intitulé « Applications des technologies toxicogénomiques à la toxicologie prédictive et à l’évaluation de risque », recommande déjà : « Des actions devraient être entreprises pour faciliter la validation technique et réglementaire de la toxicogénomique » et estime que « les obstacles technologiques qui auraient pu limiter la reproductibilité des données générées par la toxicogénomique ont été résolus ». Au niveau international, le Projet de criblage moléculaire de l’OCDE est vu comme une « opportunité pour explorer l’application réglementaire des méthodes toxicogénomiques » ce qui, là aussi, confirme que ces autorités considèrent ces méthodes comme scientifiquement établies. Fin janvier 2008, la signature du « Memorandum of Understanding » montrait que le gouvernement des Etats-Unis a pris en compte ces rapports scientifiques.
Cette décision gouvernementale a suscité un grand intérêt, ainsi qu’une grande attente de la part des milieux scientifiques et du grand public aux Etats-Unis comme en Europe. Ainsi, le 15 février 2008, l’hebdomadaire Science publiait-il un article rédigé par des responsables des agences gouvernementales signataires de l’accord. Quant au quotidien français Le Monde, il présente cet accord comme le « signal de cette révolution méthodologique » dans un article publié le 19 février 2008.
Pourquoi les autorités européennes ne tirent-elles pas profit des recherches réalisées et publiées aux Etats-Unis ? Telle est la cause de notre plainte. Si la CE a certes « souligné que chaque nouvelle méthode alternative doit passer par un processus de validation », cet aveu témoigne de la grave carence de la CE. En effet, un article publié en mars 2006 montre qu’ECVAM travaillait déjà à « définir les principes applicables à la validation de plates-formes toxicogénomiques » et recommandait sans plus attendre d’« encourager l’utilisation immédiate des approches basées sur la toxicogénomique ».
Comment se fait-il donc que la CE finance un projet de « développement » de la toxicogénomique alors que ses propres experts scientifiques envisagent la « validation » de cette méthode ? ; et qu’ECVAM participe à ce projet alors que cet organisme a recommandé bien avant son lancement de « fonder des programmes pilotes pour tester les stratégies et processus possibles de validation ; identifier les besoins en formation (…) ; maintenir la transparence des processus de validation, etc. », bref toutes les étapes qui devraient logiquement faire suite au projet PL037712 ?
Nous demandons donc au Médiateur européen de considérer que :
– Le projet PL037712 vise à développer une méthode scientifiquement établie qui, à ce titre, ne devrait plus faire l’objet de développement mais de validation. Les fonds attribués à ce projet et non encore utilisés devraient être réaffectés à cette validation.
– En attendant la fin du projet, la mise en oeuvre de cette méthode fiable pour l’homme est retardée, exposant ainsi les citoyens européens aux substances cancérigènes non détectées durant cette période, ce qui va exactement à l’encontre du Règlement REACH entré en vigueur le 1er juin 2007. Or, cette exposition sera à l’origine de nouveaux cas de cancers qui génèreront, en plus des souffrances individuelles, une augmentation exponentielle des dépenses de santé et ce, alors que la CE a estimé qu’une prévention efficace grâce à une application correcte du Règlement REACH pourrait permettre d’économiser 52 milliards d’euros sur ces budgets de santé dans les pays de la Communauté…
– En retardant de 5 ans le début éventuel de la validation de la carcinogénomique, le projet PL037712 prive les industriels d’une méthode permettant d’accélérer, automatiser et réduire le coût des études, en violation frontale de l’objectif de REACH visant à améliorer « la compétitivité et l’innovation » et à « tenir compte particulièrement de l’incidence potentielle du présent règlement sur les petites et moyennes entreprises (PME) » -lesquelles risquent fort de pâtir du coût des tests de cancérogénicité faits sur des animaux très supérieur au coût de tests de carcinogénomique.