Après une interdiction fin 2014 et une autorisation en avril 2016, la dissection de souris au collège et au lycée vient à nouveau d’être interdite par décision de Madame Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Ministère contre syndicat, c’est le premier qui remporte cette troisième manche sur la possibilité ou non de disséquer des souris au collège et au lycée. Antidote Europe félicite Madame Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Education nationale, d’avoir rappelé : « Il n’est plus procédé à des dissections d’animaux morts élevés à seule fin d’expériences scientifiques ». Le 21 juillet 2016, le Bulletin officiel publiait le texte adressé par la ministre aux recteurs, inspecteurs et enseignants le 8 juillet dernier (http://www.education.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html?cid_bo=104634).
La possibilité, pour les professeurs de Sciences de la vie et de la Terre (SVT), de proposer des dissections de souris aux collégiens et lycéens était, en quelque sorte, laissée à leur interprétation de la directive européenne 2010/63/UE relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques. Les programmes permettaient ces dissections mais tous les professeurs ne les faisaient pas pratiquer. C’était il y a quelques années.
Le 28 novembre 2014, Mme Vallaud-Belkacem signait une circulaire interdisant les dissections, au collège et lycée, d’animaux vertébrés sacrifiés spécialement dans ce but. Mais en avril 2016, suite à la pression d’un syndicat d’enseignants (SNES-FSU) invoquant une mauvaise interprétation de la directive 2010/63, le Conseil d’Etat cassait cette décision ministérielle. C’est donc pour la deuxième fois que la ministre envoie une lettre aux enseignants, rappelant que les dissections d’animaux élevés à des fins de consommation alimentaire sont permises mais pas celles d’animaux élevés à la seule fin d’expériences scientifiques. Ce qui exclut les souris.
Antidote Europe se satisfait de cette décision alors que, le 22 mai 2016, notre directeur écrivait à Mme Vallaud-Belkacem, la remerciant pour la circulaire de novembre 2014 et lui fournissant quelques éléments pour réaffirmer sa position après l’offensive du SNES-FSU. Nous lui remettions également plus de 85.000 signatures recueillies sur une pétition lancée sur le site change.org par un professeur de SVT qui nous sollicitait pour effectuer cette démarche (https://www.change.org/p/ministère-de-l-education-nationale-pour-l-abandon-définitif-des-dissections-au-collège-et-au-lycée).
De meilleures méthodes
Antidote Europe n’est pas une association de défense animale et nous laissons à celles-ci le soin d’exposer des arguments éthiques contre l’utilisation de souris ou autres animaux dans l’enseignement de la biologie et de la médecine. En tant que scientifiques, nous avons d’autres arguments. Ils vont dans le même sens.
D’abord, en tant qu’anciens élèves de biologie, nous nous rappelons que les dissections ou autres expériences sur des animaux n’étaient pas présentées comme spécifiques à l’espèce animale utilisée. Un tel cours de biologie peut laisser penser à l’élève que les résultats obtenus ou que les observations faites sont valables quelle que soit l’espèce animale. Certes, on ne peut confondre l’anatomie de la souris avec celle de l’homme mais il ne nous semble pas correct de laisser croire que les données apprises « sur le vivant » s’appliquent à n’importe quel vivant.
Ensuite, en tant que scientifiques bien informés des méthodes de recherche actuelles, il nous semble déplorable que les enseignants continuent à utiliser les méthodes les plus archaïques. Pour l’élève qui se destine à des études de biologie et à une carrière de chercheur, quelle sera sa surprise lorsqu’il découvrira qu’il existe toutes sortes de méthodes pour étudier l’être humain de façon pertinente, que les données obtenues sur des animaux ne fournissent que des approximations qui peuvent mettre en danger des vies humaines. Un tel décalage entre les méthodes modernes d’exploration du corps humain -dont les professeurs pourraient présenter des images fort impressionnantes- et les tâtonnements au scalpel sur des animaux décongelés n’est-il pas de nature à inspirer la méfiance envers les leçons apprises d’une si imprécise manière ? L’utilisation de modélisations informatiques, par exemple, pourrait au contraire familiariser les étudiants avec certains des outils auxquels ils devront se former plus tard.
Enfin, attachés au « poids des preuves », concept scientifique et médical bien établi, il nous semble plus raisonnable d’utiliser les méthodes d’enseignement qui donnent les meilleurs résultats. Or, que ce soit en biologie -et c’est déjà très vaste !-, en médecine humaine ou en médecine vétérinaire, des études ont montré que les méthodes d’enseignement sans recours aux dissections ou expérimentations animales permettaient une meilleure acquisition des connaissances et un meilleur développement des aptitudes techniques. Nous évoquons ce sujet dans notre dossier https://antidote-europe.eu/methodes-alternatives-recherche-animale/enseignement-biologie-medecine/.
Espérons que cette fois soit la bonne et que les collégiens et lycéens reçoivent désormais un enseignement capable de les préparer au mieux aux professions qu’ils auront à exercer plus tard.
Un professeur d’épidémiologie et d’autres sciences médicales dénonce la mauvaise utilisation de fonds publics alloués à la recherche biomédicale, en partie faite sur des animaux. Lauréat 2016 d’un prix prestigieux décerné par l’Institut national de la santé états-unien, le professeur Michael Bracken appelle à réduire le gaspillage et à augmenter la valeur de la recherche.
Par Hélène Sarraseca
Michael B. Bracken (photo yale.edu)
L’Institut national de la santé des Etats-Unis (NIH) est sans doute l’un des plus grands financeurs au monde -avec des fonds publics- de recherche biomédicale. Il n’a pas hésité à décerner en 2016 un prestigieux prix au professeur Michael Bracken, ni à l’inviter à donner une conférence le 20 avril dernier dans la non moins prestigieuse série Wednesday Afternoon Lecture (Conférences du mercredi après-midi) à l’auditorium Masur mis à disposition par cette institution. Pourtant, Michael Bracken est très critique de l’utilisation qui est faite des fonds publics alloués à la recherche biomédicale.
Le titre de sa conférence donne le ton : « Inefficacité et gaspillage dans la recherche biomédicale : dans quelle mesure, avec quelles causes et comment l’éviter ? » Dotée de 200 milliards de dollars chaque année dans le monde (dont 30 milliards par le NIH), près de 87,5% de la recherche biomédicale serait inefficace. « Le gaspillage n’est pas qu’une affaire d’argent et de ressources », souligne le Pr Bracken. « Cela peut entraîner des dommages à la santé des personnes. »
Recherche animale : « 40 ans de retard ! »
Sur 100 projets de recherche, seule la moitié donnerait lieu à des découvertes publiées, donc accessibles à la communauté scientifique et au public et susceptibles ainsi de contribuer à la progression des connaissances. Mais de cette moitié, il faut encore retirer les données qui ne sont pas fiables, celles qui sont redondantes et celles qui sont inutiles en raison de travaux antérieurs.
La recherche préclinique, en particulier sur des animaux, est jugée particulièrement inutile. Lorsqu’ils réalisent des études sur l’homme, les chercheurs utilisent le plus souvent des méthodes dites « en aveugle », ou « en double aveugle », de façon à ne pas influencer le résultat selon les attentes des expérimentateurs. Or, ce principe est largement ignoré dans la recherche animale. Le Pr Bracken estime que la méthodologie appliquée aux études sur des animaux a 40 ans de retard par rapport à celle utilisée pour des études cliniques sur l’homme.
Ce scientifique n’en est pas à ses premières déclarations sur le sujet. Nous avons plusieurs fois cité dans La Notice d’Antidote l’un de ses articles, intitulé « Où sont les preuves que la recherche animale profite bien à l’homme ? », publié dans le British Medical Journal le 28 février 2004. Michael Bracken récidivait le 8 janvier 2014 dans The Lancet, autre revue médicale très prisée, avec cet autre titre : « Comment augmenter la valeur et réduire le gaspillage quand les priorités de la recherche sont établies ». Au cours de sa carrière, il a publié quelque 380 articles dans la littérature scientifique et trois livres. Son dernier ouvrage a été qualifié par le British Medical Journal comme l’un des plus influents dans le domaine de la médecine basée sur des preuves.
Quelle recherche faire ?
Certaines bonnes idées ne donnent pas les résultats escomptés mais, dans la mesure où les recherches sont menées dans la transparence, il n’y a pas de gaspillage, seulement des déceptions inhérentes à la façon dont la science avance. D’autres recherches ne mènent pas à des découvertes importantes « en partie parce qu’elles sont faites pour améliorer la compréhension de mécanismes de base qui peuvent ne pas être pertinents pour la santé humaine ». Michael Bracken et ses coauteurs recommandent : d’améliorer le rendement de la recherche fondamentale ; d’améliorer la transparence avec laquelle les organismes financeurs prennent en compte les besoins des utilisateurs potentiels de la recherche ; d’évaluer les données existantes avant de lancer de nouvelles recherches ; d’améliorer les sources d’information sur les recherches en cours. « Les financeurs ont une responsabilité première pour la réduction du gaspillage découlant des décisions sur les recherches à mener », concluent-ils.
La recherche fondamentale, qui utilise un grand nombre d’animaux pour des expériences qui peuvent être douloureuses, ne mène à des applications utiles en thérapie humaine que dans 0,004% des cas, selon une étude publiée en 2003 par l’American Journal of Medicine. L’utilisation de fonds publics pour des recherches à si faible « rendement » ne devrait-elle pas être soumise à l’approbation des contribuables ?
Quant aux conseils donnés pour réduire le gaspillage, notamment par duplication d’études, certains relèvent du bon sens et on s’étonne qu’il faille encore les dispenser. Des revues systématiques pour les protocoles de recherche devraient être effectuées, dit Michael Bracken. Une revue systématique est une synthèse de la littérature qui suppose de collecter et d’analyser tous les articles scientifiques pertinents dans le domaine de la recherche envisagée, dans le but de réunir les meilleures preuves existantes sur le sujet. Le Pr Bracken conseille de réaliser les revues au fur et à mesure que la recherche est publiée. Les chercheurs estimeraient ainsi en temps réel si de nouvelles études sont nécessaires. Parce que des protocoles de recherche sont conçus et financés sans que soit fait ce travail élémentaire préalable ?
Dans le tout premier numéro du New England Journal of Medicine, publié il y a plus de deux siècles, le premier article commençait ainsi : « Dans nos investigations sur tout sujet particulier de médecine, nos efforts seront réduits et orientés vers leurs objets adéquats par la connaissance des découvertes précédentes. » Il semble que la leçon n’ait toujours pas été apprise. Au détriment de la santé humaine. Répéter des études quand il y a déjà des éléments suggérant qu’un traitement est efficace, par exemple, « signifie que des patients sont soumis à un placebo alors qu’ils pourraient recevoir une thérapie active », déplore Michael Bracken.
A quand une science et une médecine responsables ?
Dans le cadre de notre campagne d’information sur les expériences pratiquées sur des animaux au CEA, nous étions présents à Fontenay-aux-Roses le 16 juillet 2016. Des habitants de cette commune -et même des employés du CEA !- ignoraient que des recherches dangereuses ont lieu si près de chez eux.
Le samedi 16 juillet 2016, Antidote Europe et le Collectif contre l’expérimentation et l’exploitation animales (CCE2A ; http://ccea.fr) co-organisaient une action d’information au centre ville de Fontenay-aux-Roses, tout près des locaux du Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Cet établissement public pratique l’expérimentation animale, notamment dans le cadre de recherches sur des agents infectieux, dans des laboratoires sécurisés, certes, mais le risque zéro n’existant pas, on peut se poser des questions sur la sécurité pour les riverains.
Nous avons dû faire face à un certain nombre de difficultés pour réussir à tenir un stand et à distribuer des dépliants et tracts aux passants en ce samedi après-midi où seule une météo favorable était de notre côté. Esprit de vacances, de week-end prolongé, mesures de sécurité liées à l’actualité générale française depuis plusieurs mois, préoccupations bien compréhensibles suite à l’attentat de Nice deux jours plus tôt, les soucis étaient nombreux. Pourtant, nous avons rencontré un grand nombre de personnes très attentives à ce que nous leur apprenions.
De 14h à 17h, une quarantaine de militants ont tenu un stand d’information et se sont dispersés dans les rues proches de la mairie de Fontenay-aux-Roses pour aller à la rencontre des habitants. Un rapide sondage a montré qu’environ 80% des personnes sont opposées à l’utilisation d’animaux pour les recherches comme celles pratiquées au CEA, 10% y sont favorables et 10% n’ont pas d’avis. L’échantillon n’a pas de valeur statistique significative mais apporte une indication importante sur l’opinion de la population. Surtout si l’on considère aussi les réponses reçues au sondage en cours sur http://www.mesopinions.com/sondage/sante/trouvez-acceptable-experimenter-primates-mieux-comprendre/4211 et dont nous vous reparlerons.
Cette action nous a permis de rencontrer des personnes très intéressées par nos informations et qui envisagent d’organiser de nouvelles actions pour nous permettre d’exposer nos arguments. Nous ne pouvons dès maintenant révéler l’identité de ces personnes mais nous remercions déjà tout particulièrement une employée de mairie d’une commune proche et une militante résidant dans une autre commune proche aussi, qui voudraient toutes deux organiser des conférences de notre directeur.
Les médias étaient également présents et Le Parisien publiait un article sur son site dès le lendemain (voir notre rubrique « Dans les médias »).
Cette campagne n’en est qu’à ses débuts. N’hésitez pas à consulter régulièrement la page https://antidote-europe.eu/des-virus-au-cea/ où la liste des articles et annonces est appelée à s’allonger.
L’utilisation de singes pour la recherche biomédicale et la toxicologie est défendue au motif que ces animaux seraient les plus semblables à l’homme. Toutefois, les autorités reconnaissent que les connaissances sur leur intelligence, leur sensibilité et leur comportement posent des problèmes éthiques. La population européenne est d’ailleurs majoritairement opposée à leur utilisation dans les laboratoires. Antidote Europe apporte des arguments scientifiques sur l’inutilité, voire le danger pour la santé humaine, de l’utilisation de singes en tant que modèles biologiques de l’homme.
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La directive européenne 2010/63/UE, encadrant l’utilisation d’animaux pour la recherche biomédicale, la recherche fondamentale et les essais de toxicologie, a été adoptée en 2010, en remplacement de la directive 86/609/CEE, première législation européenne en la matière. En raison de l’avancée rapide des connaissances scientifiques, les autorités ont prévu de réviser cette directive périodiquement avec l’objectif final, disent-elles, de remplacer les essais sur des animaux lorsque des méthodes alternatives seront disponibles.
La directive 2010/63 répond à l’impératif des 3Rs, énoncés par Russel et Burch en 1959 : réduire, rationaliser, remplacer les essais sur des animaux autant que possible selon la disponibilité des méthodes dites « alternatives ». La principale critique que nous faisons au principe des 3Rs et à la directive 2010/63 est qu’ils ne tiennent pas compte des arguments scientifiques, de plus en plus forts, qui démontrent que les expériences sur des animaux ne permettent pas de prédire les réactions humaines. Le « modèle animal » n’a aucun fondement scientifique.
Le cas particulier des singes
Chaque espèce animale réagissant avec sa propre physiologie, déterminée par ses propres gènes, il s’avère que les « prédictions » obtenues sur l’animal ne sont pas fiables pour l’homme. L’ensemble des gènes d’une espèce animale donnée, et plus encore la régulation de l’expression de ces gènes, est unique dans tout le règne animal (dont l’espèce humaine fait partie).
Prétendre que les singes, de par leur proximité évolutive avec l’espèce humaine, seraient de meilleurs « modèles » biologiques que d’autres animaux, ne résiste pas à un argumentaire scientifique sérieux. Or, c’est toujours sur la base de cette affirmation sans fondement que leur utilisation est justifiée par les autorités. Celles-ci sont pourtant de plus en plus attaquées par une opinion publique de mieux en mieux informée et de plus en plus opposée à l’utilisation d’animaux aussi semblables, dans leur sensibilité, à l’espèce humaine.
Selon les dernières statistiques européennes, plus de 6.000 singes, sur un total d’environ 11 millions d’animaux, auraient été utilisés dans les laboratoires en 2011. En gros, 56% de ces singes auraient subi des essais de toxicologie et autres évaluations de sécurité, 10% auraient servi à la recherche fondamentale et 23% à la recherche appliquée, le développement et le contrôle de qualité de produits et dispositifs pour la médecine humaine, la dentisterie et la médecine vétérinaire (http://ec.europa.eu/health/scientific_committees/docs/rules_procedure_2016_en.pdf).
En vue de la révision de la directive 2010/63 que la Commission européenne (CE) doit publier au plus tard le 10 novembre 2017, la Commission a demandé au Comité scientifique sur l’environnement et les risques environnementaux et émergents (SCHEER) de mettre à jour son Opinion scientifique (émise le 13 janvier 2009) sur la nécessité d’utiliser des primates non humains pour la recherche biomédicale et pour la production et les essais de sécurité. Le SCHEER a lancé un appel à expertises, auquel André Ménache, vétérinaire, directeur d’Antidote Europe et représentant de l’initiative citoyenne européenne Stop Vivisection, a répondu. Nous publions intégralement ci-dessous cette réponse.
Réponse d’André Ménache :
La Commission européenne a demandé au Comité scientifique sur l’environnement et les risques environnementaux et émergents (SCHEER) de mettre à jour son Opinion scientifique sur la nécessité d’utiliser des primates non humains pour la recherche biomédicale et pour la production et les essais de sécurité de produits et dispositifs médicaux.
Par conséquent, je voudrais soumettre l’Opinion scientifique suivante à la considération de SCHEER à propos de l’utilisation de primates non humains dans la toxicologie réglementaire en général et de l’utilisation de primates non humains pour des essais de sécurité d’implants mammaires en particulier.
La position actuelle de SCHEER est que : « En raison de leur proximité génétique avec l’homme et de comportements sociaux très développés, l’utilisation de primates non humains dans des procédures scientifiques pose des questions éthiques spécifiques et des problèmes pratiques pour satisfaire leurs besoins comportementaux, environnementaux et sociaux au sein d’un laboratoire. De plus, l’utilisation de primates non humains pour des recherches scientifiques préoccupe au plus haut point les citoyens. En conséquence, l’utilisation de primates non humains a suscité une attention significative au cours de la révision de la Directive » (1,2).
Remarques générales sur l’utilisation de primates non humains en toxicologie réglementaire :
Comme la CE a demandé une mise à jour concernant une Opinion scientifique, les futurs rapports de SCHEER devraient attirer l’attention vers le débat de plus en plus vif au sein de la communauté scientifique sur la question de savoir si l’utilisation de primates non humains est suffisamment fondée sur des preuves pour servir de point d’appui à la recherche et aux essais en biomédecine (3,4).
Parmi ces remarques générales, je vous fais parvenir un document intitulé « Mettre fin à l’utilisation de primates non humains pour les essais de toxicité » signé par 32 médecins scientifiques et chercheurs, dont le professeur Michael Balls (ancien directeur du Centre européen pour la validation des méthodes alternatives) et le docteur Shirley McGreal, fondatrice et directrice de la Ligue internationale pour la protection des primates (voir pdf).
Une analyse de l’article de synthèse Bateson sur la recherche utilisant des primates non humains
Abstract : Une analyse de l’utilisation de primates non humains dans la recherche biomédicale au Royaume Uni, la « Synthèse de la recherche utilisant des primates non humains » (« Synthèse Bateson »), a été publiée en 2011. La Synthèse a été applaudie, à différents degrés, par la plupart des parties prenantes dans la controverse sur l’utilisation de primates non humains dans la recherche biomédicale. Toutefois, il n’y a pas eu d’analyse scientifique de cet article de synthèse. Dans le présent article, la Synthèse Bateson est examinée à la fois pour sa méthodologie et pour la pertinence des arguments scientifiques sur l’utilisation de primates non humains dans la recherche biomédicale. Les arguments scientifiques pertinents incluent la théorie de la complexité, la biologie de l’évolution, la génétique, les preuves empiriques sur la fiabilité de l’extrapolation entre différentes espèces animales, et la valeur de la recherche biomédicale fondamentale en général pour des découvertes qui mèneraient à des thérapies pour l’homme. Les auteurs de cet article concluent que la Synthèse Bateson ne respecte pas les critères d’une évaluation scientifique, en partie parce qu’elle ne prend pas en compte la façon dont la science actuelle détermine l’utilisation d’animaux en général et des primates non humains en particulier dans la recherche biomédicale. Cette absence de considération scientifique a des ramifications légales et éthiques. Etant donné que la Synthèse Bateson échoue en tant qu’évaluation scientifique, les recommandations éthiques et légales fondées sur ses arguments scientifiques sont également suspectes (voir pdf).
L’initiative citoyenne européenne « Stop Vivisection », qui a été présentée au Parlement européen le 11 mai 2015 représente l’opinion de plus d’un million de citoyens européens. Elle met en évidence certains défauts majeurs de la directive 2010/63/UE et, surtout, le fait que la Directive continue à soutenir le paradigme du modèle animal en dépit de solides preuves du contraire, fondées sur les connaissances scientifiques actuelles (5).
Il n’y a pas de preuves que l’utilisation de primates non humains dans la recherche et les essais puisse prédire les réponses humaines. Au contraire, il existe des preuves dans la littérature scientifique à comité de lecture que les essais sur primates non humains ne sont pas prédictifs de la réponse humaine à des médicaments ou à des maladies (6,7,8).
Le NIH (Institut national de la santé des Etats-Unis), l’organisation de recherche biomédicale la plus grande du monde « ne financera plus la recherche biomédicale sur le chimpanzé ». Son directeur, Francis Collins, faisait cette déclaration le 18 novembre 2015 (9) en réponse à un rapport scientifique commandé au préalable à l’Institut de médecine (IOM, Etats-Unis), rapport qui contenait aussi des preuves scientifiques présentées par le Comité de médecins pour une médecine responsable (PCRM) (10).
Le point de vue courant qui considère les singes comme « la meilleure chose après le chimpanzé » n’est pas scientifiquement fondé. L’homme et le chimpanzé sont séparés dans l’évolution par environ sept millions d’années, alors que l’homme et les singes sont séparés par environ 25 millions d’années. Si le NIH est prêt à cesser de financer la recherche sur le chimpanzé pour des raisons éthiques et scientifiques, qu’est-ce qui pourrait justifier l’utilisation de singes ? Voir, par exemple, l’article approuvé par un comité de lecture : « Commentaire : leçons de l’analyse de l’utilisation de primates non humaines pour comprendre le vieillissement humain et les maladies neurodégénératives » (11).
Remarques particulières sur l’utilisation de primates non humains et autres animaux pour des essais de sécurité de matériel médical ou cosmétique, en rapport avec la toxicologie réglementaire :
« Le scandale PIP : une analyse des procédés de contrôle qualité qui ont échoué à protéger les femmes du risque sanitaire », par Victoria Martindale et André Ménache (publié par le Journal of the Royal Society of Medicine (2013)).
Les principales conclusions de cet article sont que les essais sur des animaux ont été, au mieux, imprécis. Le rapport final tient compte de la conclusion du Comité scientifique de l’Union européenne sur les risques de santé émergeants et nouvellement identifiés (SCENIHR) mais n’a pas mené d’autres investigations : « dans le cas des implants PIP, lorsque les maigres données cliniques sont prises en compte en même temps que des résultats d’essais des propriétés physiques et chimiques de la coque et du silicone, et que des résultats d’essais d’irritation in vivo, quelques préoccupations apparaissent sur la sécurité des implants mammaires PIP car la possibilité d’effets sur la santé ne peut être exclue ».
Conclusion :
L’utilisation de primates non humains dans la recherche biomédicale, la production et les essais de produits et de matériel n’a jamais été soumise à un audit scientifique indépendant. La fin de l’utilisation de chimpanzés dans la recherche biomédicale est le résultat d’une mobilisation d’une opinion publique fortement opposée à ce que ces animaux soient utilisés comme éprouvettes vivantes. C’est aussi le résultat du constat par la communauté scientifique que les chimpanzés ne sont plus essentiels pour l’étude des maladies humaines et pour le développement de médicaments, à l’ère du génome humain (pharmacogénomique, toxicogénomique), de la technologie des cellules souches pluripotentes induites, de la bioingénierie (comme par exemple à l’Institut Weiss : organes sur puces, corps sur puces) ou des stratégies d’essais intégrées, toutes méthodes pouvant être combinées pour fournir des données plus fiables et pertinentes pour l’homme que l’expérimentation animale.
Le remplacement total des primates non humains dans la recherche et les essais sera fortement accéléré par un changement dans le financement des projets par la CE, s’éloignant de la recherche animale et allant vers les technologies modernes, basées sur l’homme, comme illustré par le rapport du Conseil national de la recherche des Etats-Unis : « Tests de toxicité au 21ème siècle : une vision et une stratégie » (12).
Enfin, il y a un besoin urgent de transformer en profondeur le processus d’approbation des expériences sur des animaux par les comités d’éthique afin de permettre une plus grande participation du public et, ainsi, une plus grande transparence (13).