Le bisphénol A enfin interdit en Europe ?
Après des décennies de discussions au sujet de la toxicité du bisphénol A (BPA), la Commission européenne interdit, fin décembre 2024, l’utilisation de cette substance dans les matériaux pouvant être en contact avec les aliments. Antidote Europe se réjouit de cette décision à laquelle elle appelle depuis de nombreuses années.
C’est enfin acté ! En date du 19 décembre 2024, le Journal officiel de l’Union européenne publie le règlement 2024/3190 dont l’article 3 stipule : « L’utilisation du BPA et de ses sels dans la fabrication des matériaux et objets entrant en contact avec des denrées alimentaires visés à l’article 1er, paragraphe 2, et la mise sur le marché de l’Union de matériaux et objets entrant en contact avec des denrées alimentaires fabriqués à l’aide de BPA sont interdites. » (1)
Le BPA a été massivement utilisé pour la production de matières plastiques telles que bouteilles, revêtement de canettes ou autres emballages alimentaires. Or, il pourrait se détacher de ces matériaux et, de ce fait, contaminer les aliments eux-mêmes, ce qui entraînerait une exposition du consommateur. En 2018, un règlement européen interdisait l’utilisation du BPA dans la fabrication de biberons et autres produits destinés à contenir des aliments pour nourrissons et enfants en bas âge. Cette substance a eu si mauvaise presse que certains fabricants l’ont remplacée à grand renfort de publicité comme, par exemple, sur les tickets de caisse de supermarché où il est indiqué : « papier certifié sans bisphénol A ». Toutefois, elle est encore utilisée dans plusieurs secteurs d’activité (2).
Mandatée en 2016 pour réévaluer la toxicité du BPA, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a rendu sa copie en 2023, établissant une dose journalière tolérable 20.000 fois inférieure à celle qu’elle avait établie en 2015. Cette dose serait supérieure à notre exposition, d’où « une préoccupation pour la santé pour tous les groupes de la population », préoccupation qui a mené à l’interdiction de l’utilisation du BPA sauf pour certaines applications spécifiques comme des membranes de filtration ou des vernis de cuves et citernes de transport de denrées alimentaires. Ces applications sont toujours autorisées car d’une part il semble trop problématique de trouver des substances de remplacement et d’autre part des précautions seraient prises pour réduire la présence résiduelle de BPA.
Les fabricants qui utilisent encore le BPA ou un autre bisphénol (notamment le bisphénol S dont l’utilisation est autorisée) ou dérivé dangereux des bisphénols sont invités à rechercher des solutions de remplacement, surtout s’il s’agit de grandes entreprises qui disposent de ressources plus importantes que les PME. Pour certaines applications, la Commission européenne accorde dix-huit mois mais prévoit qu’un délai supplémentaire sera nécessaire pour certains matériaux et objets spécifiques (revêtement de boîtes de conserve ou de couvercles de bocaux en verre, ou encore, moules à confiseries, par exemple).
Quelle toxicité pour l’être humain ?
Dès 2005, Antidote Europe à peine créée, nous attirions déjà l’attention sur la toxicité du BPA après avoir nous-mêmes dirigé une étude sur des cellules humaines montrant que l’activité de gènes importants était perturbée (3). La structure du BPA est proche de celle du diéthylstilbestrol, tristement connu pour les cancers et autres problèmes causés à des filles et petites-filles de femmes ayant pris ce médicament pendant leur grossesse. Or, deux molécules de structure chimique proche pourraient avoir des activités biologiques ayant des points communs.
Comme dans d’autres domaines, nous avons dénoncé le recours au « modèle animal » pour établir la toxicité du BPA pour l’être humain, déplorant que les résultats obtenus sur des animaux puissent mener à des conclusions contradictoires et, ainsi, masquer des effets toxiques pour l’homme. Nous nous sommes investis dans une longue et intense campagne, produisant un clip vidéo pour attirer l’attention du grand public, écrivant aux agences de sécurité sanitaire, à des élus, à des ministres, aux médias…
C’est donc avec joie que nous accueillons la décision de la Commission européenne de cette fin 2024, même si elle est tardive par rapport à la masse de données scientifiques disponibles depuis longtemps. Nous remercions tous les donateurs et militants qui nous ont aidés à produire et à diffuser des informations. La victoire ne sera pas totale tant que les substances de remplacement du BPA ne seront pas utilisées pour toutes les applications mais, et c’est déjà beaucoup, le règlement existe enfin !
(1) https://eur-lex.europa.eu/eli/reg/2024/3190/oj/eng
(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Bisph%C3%A9nol_A
(3) https://antidote-europe.eu/bisphenol-a-mais-que-font-experts/