Dans le cadre d’un master d’écophysiologie animale, écologie et éthologie, l’Université de Strasbourg demandait aux étudiants, au cours d’une séance de travaux pratiques, d’expérimenter sur des hamsters.
Un groupe de 14 étudiantes, refusant de pratiquer cette expérience, a fait appel à Antidote Europe, nous demandant de l’aide pour présenter à leurs professeurs des arguments à l’encontre de la réalisation de cette expérience et des propositions de méthodes alternatives.
Nous avons contacté l’association ADOCMU, avec laquelle nous travaillons depuis quelques années sur l’objection de conscience aux expériences sur des animaux dans le cadre de l’enseignement. Deux voies ont été proposées aux étudiantes : des conseils juridiques ou la possibilité d’alerter les médias.
Les étudiantes ont organisé une réunion avec leurs professeurs, proposant des méthodes alternatives à l’expérience sur le hamster. Les professeurs ont refusé, ce qui risquait de valoir un zéro pour cette séance de travaux pratiques devant se dérouler en octobre 2022.
Les étudiantes ont alors contacté les médias. Suite à la diffusion d’une dépêche de l’Agence France Presse, des articles ont été publiés au moins dans Le Monde et dans La Dépêche le 9 décembre. M. Jacky de Montigny, doyen de la faculté des sciences de la vie, a annoncé que les étudiantes n’auront pas nécessairement un zéro et que la demande d’autorisation de procéder à ces expériences ne sera pas renouvelée. Cette séance de travaux pratiques ne sera donc pas proposée à la prochaine rentrée universitaire. « Il vaut mieux arrêter, et réfléchir d’une manière différente à partir de maintenant », déclare M. de Montigny (https://www.ladepeche.fr/2022/12/09/bien-etre-animal-luniversite-de-strasbourg-arrete-un-tp-sur-des-hamsters-apres-les-protestations-de-plusieurs-etudiantes-10858511.php).
Antidote Europe se réjouit du résultat heureux de cette action qui aura représenté plus d’une année de travail et félicite les étudiantes pour l’affirmation claire de leur position et leur fermeté lors des discussions avec l’université. Nous espérons que cette victoire aura valeur d’exemple et nous sommes prêts à aider d’autres étudiants qui voudraient s’engager dans des dialogues similaires avec leurs professeurs.
Alors que de plus en plus d’établissements d’enseignement et de recherche dans le monde adoptent des méthodes sans recours à l’expérimentation animale, l’ Université de Lorraine envisage d’agrandir son centre d’expérimentation animale. En collaboration avec d’autres associations et avec de nombreux élus, Antidote Europe se mobilise.
Au printemps 2016, nous étions alertés par des associations de défense animale du projet d’agrandissement du centre d’expérimentation animale au pôle universitaire de Nancy-Brabois. Nous sommes heureux de pouvoir, en cette nouvelle occasion, apporter notre argumentation scientifique en soutien à cette campagne.
Nous étions ensuite invités à donner une conférence le 2 novembre à Vandoeuvre, conférence dont nous vous avons donné quelques détails sur notre site (https://antidote-europe.eu/conferences/) et sur les réseaux sociaux. Annoncée dès le 28 septembre dans L’Est Républicain, elle a été l’un des points forts de cette campagne. Plus de 200 personnes y ont assisté, dont de nombreux élus très réceptifs à nos arguments.
Dès le lendemain de la conférence, nous écrivions au Professeur Pierre Mutzenhardt, président de l’ Université de Lorraine. Notre lettre ouverte a été diffusée aux élus municipaux de Vandoeuvre, aux Conseillers régionaux et départementaux, aux associations de défense animale et aux médias. Nous en reproduisons ci-dessous le texte intégral.
N’hésitez pas à revenir sur notre site où nous vous tiendrons informés des suites de ces actions.
Lettre ouverte
au Professeur Pierre Mutzenhardt, président de l’ Université de Lorraine
Monsieur le Président,
J’ai eu connaissance de la formation en expérimentation animale dispensée par votre institution et, en particulier, des cours en chirurgie expérimentale sur des animaux vivants de niveau concepteurs (niveau I) ou praticiens (niveau II).
En tant que directeur de l’association Antidote Europe et représentant officiel de l’Initiative Citoyenne Européenne « Stop Vivisection » (ayant recueilli plus d’un million de signatures) (1), je souhaite attirer votre attention sur les éléments ci-dessous.
La Directive 2010/63/UE relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques et sa transposition en droit français, stipule sur la licéité des procédures expérimentales :
Art. R. 214-105. :
…Respecter les principes de remplacement, de réduction et de raffinement suivants :
« ― les procédures expérimentales ont un caractère de stricte nécessité et ne peuvent pas être remplacées par d’autres méthodes expérimentales n’impliquant pas l’utilisation d’animaux vivants et susceptibles d’apporter le même niveau d’information … » (2).
En l’occurrence, il existe bien des alternatives dans le domaine de l’enseignement en médecine et en chirurgie humaine et vétérinaire, allant des mannequins réalistes (3), jusqu’à l’impression d’organes en trois dimensions (4). L’association « Interniche » est dédiée au remplacement des animaux dans l’enseignement universitaire (5) et a déjà fourni, avec succès, du matériel à plusieurs universités dans le monde.
Par ailleurs, il existe des associations de médecins et de chercheurs proposant des alternatives à l’expérimentation animale, notamment « Physicians Committee for Responsible Medicine » qui a mené une campagne efficace pour remplacer l’utilisation de chiens et d’autres animaux dans l’enseignement dans la totalité des facultés de médecine aux Etats-Unis (6). En Europe, l’association « Aertze gegen Tierversuche » vient de tenir un congrès international à ce sujet à Cologne (7).
A titre personnel, je n’ai jamais pratiqué la chirurgie expérimentale sur des animaux vivants au cours de mes études en médecine vétérinaire. J’ai bien assisté des vétérinaires-chirurgiens expérimentés jusqu’à ce que j’aie pu acquérir les compétences requises pour pratiquer des interventions de façon autonome. Selon mes collègues en médecine, les mêmes principes pédagogiques s’appliquent dans le cadre de la médecine humaine. A ce propos, je vous invite à consulter les interviews que j’ai menées avec des médecins et des chercheurs opposés à l’expérimentation animale (8).
Au regard de ces précisions, je vous serais reconnaissant de bien vouloir m’éclairer sur les raisons pour lesquelles votre institution n’utilise pas davantage ces alternatives désormais disponibles, largement reconnues et utilisées dans d’autres pays.
Dans l’attente de votre réponse.
Cordialement et avec mes respectueuses salutations,
André Ménache
Docteur en médecine vétérinaire
Directeur d’Antidote Europe
Après une interdiction fin 2014 et une autorisation en avril 2016, la dissection de souris au collège et au lycée vient à nouveau d’être interdite par décision de Madame Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Ministère contre syndicat, c’est le premier qui remporte cette troisième manche sur la possibilité ou non de disséquer des souris au collège et au lycée. Antidote Europe félicite Madame Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Education nationale, d’avoir rappelé : « Il n’est plus procédé à des dissections d’animaux morts élevés à seule fin d’expériences scientifiques ». Le 21 juillet 2016, le Bulletin officiel publiait le texte adressé par la ministre aux recteurs, inspecteurs et enseignants le 8 juillet dernier (http://www.education.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html?cid_bo=104634).
La possibilité, pour les professeurs de Sciences de la vie et de la Terre (SVT), de proposer des dissections de souris aux collégiens et lycéens était, en quelque sorte, laissée à leur interprétation de la directive européenne 2010/63/UE relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques. Les programmes permettaient ces dissections mais tous les professeurs ne les faisaient pas pratiquer. C’était il y a quelques années.
Le 28 novembre 2014, Mme Vallaud-Belkacem signait une circulaire interdisant les dissections, au collège et lycée, d’animaux vertébrés sacrifiés spécialement dans ce but. Mais en avril 2016, suite à la pression d’un syndicat d’enseignants (SNES-FSU) invoquant une mauvaise interprétation de la directive 2010/63, le Conseil d’Etat cassait cette décision ministérielle. C’est donc pour la deuxième fois que la ministre envoie une lettre aux enseignants, rappelant que les dissections d’animaux élevés à des fins de consommation alimentaire sont permises mais pas celles d’animaux élevés à la seule fin d’expériences scientifiques. Ce qui exclut les souris.
Antidote Europe se satisfait de cette décision alors que, le 22 mai 2016, notre directeur écrivait à Mme Vallaud-Belkacem, la remerciant pour la circulaire de novembre 2014 et lui fournissant quelques éléments pour réaffirmer sa position après l’offensive du SNES-FSU. Nous lui remettions également plus de 85.000 signatures recueillies sur une pétition lancée sur le site change.org par un professeur de SVT qui nous sollicitait pour effectuer cette démarche (https://www.change.org/p/ministère-de-l-education-nationale-pour-l-abandon-définitif-des-dissections-au-collège-et-au-lycée).
De meilleures méthodes
Antidote Europe n’est pas une association de défense animale et nous laissons à celles-ci le soin d’exposer des arguments éthiques contre l’utilisation de souris ou autres animaux dans l’enseignement de la biologie et de la médecine. En tant que scientifiques, nous avons d’autres arguments. Ils vont dans le même sens.
D’abord, en tant qu’anciens élèves de biologie, nous nous rappelons que les dissections ou autres expériences sur des animaux n’étaient pas présentées comme spécifiques à l’espèce animale utilisée. Un tel cours de biologie peut laisser penser à l’élève que les résultats obtenus ou que les observations faites sont valables quelle que soit l’espèce animale. Certes, on ne peut confondre l’anatomie de la souris avec celle de l’homme mais il ne nous semble pas correct de laisser croire que les données apprises « sur le vivant » s’appliquent à n’importe quel vivant.
Ensuite, en tant que scientifiques bien informés des méthodes de recherche actuelles, il nous semble déplorable que les enseignants continuent à utiliser les méthodes les plus archaïques. Pour l’élève qui se destine à des études de biologie et à une carrière de chercheur, quelle sera sa surprise lorsqu’il découvrira qu’il existe toutes sortes de méthodes pour étudier l’être humain de façon pertinente, que les données obtenues sur des animaux ne fournissent que des approximations qui peuvent mettre en danger des vies humaines. Un tel décalage entre les méthodes modernes d’exploration du corps humain -dont les professeurs pourraient présenter des images fort impressionnantes- et les tâtonnements au scalpel sur des animaux décongelés n’est-il pas de nature à inspirer la méfiance envers les leçons apprises d’une si imprécise manière ? L’utilisation de modélisations informatiques, par exemple, pourrait au contraire familiariser les étudiants avec certains des outils auxquels ils devront se former plus tard.
Enfin, attachés au « poids des preuves », concept scientifique et médical bien établi, il nous semble plus raisonnable d’utiliser les méthodes d’enseignement qui donnent les meilleurs résultats. Or, que ce soit en biologie -et c’est déjà très vaste !-, en médecine humaine ou en médecine vétérinaire, des études ont montré que les méthodes d’enseignement sans recours aux dissections ou expérimentations animales permettaient une meilleure acquisition des connaissances et un meilleur développement des aptitudes techniques. Nous évoquons ce sujet dans notre dossier https://antidote-europe.eu/methodes-alternatives-recherche-animale/enseignement-biologie-medecine/.
Espérons que cette fois soit la bonne et que les collégiens et lycéens reçoivent désormais un enseignement capable de les préparer au mieux aux professions qu’ils auront à exercer plus tard.
Suite à la décision du Conseil d’Etat d’autoriser la dissection de souris en collège et lycée, notre directeur écrivait à la ministre de l’Education nationale. Nous reproduisons ci-dessous intégralement notre courrier et l’accusé de réception du ministère.
Bonjour André MENACHE
Votre message concernant Écrire à la ministre a été pris en compte et enregistré le 22/05/2016 à 21:44 (heure de Paris).
Cordialement,
Ministere de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche
Madame la Ministre,
Je tenais tout d’abord à vous remercier pour la circulaire du 28 novembre 2014 par laquelle vous interdisiez les dissections en cours de SVT sur les animaux vertébrés, et notamment sur des souris, dans l’enseignement secondaire.
C’est donc avec une grande déception que j’ai appris que le Conseil d’Etat avait annulé cette interdiction le 6 avril dernier à la demande du SNES-FSU qui invoquait une mauvaise interprétation de la directive 2010/63/UE « relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques ».
Aussi, je souhaite vous apporter ci-après des éléments qui pourraient vous être utiles pour confirmer votre position initiale du 28 novembre 2014.
1. Élever des animaux dans le seul but de les tuer pour les disséquer va à l’encontre de la directive européenne 2010/63/UE, puisque celle-ci promeut la réduction de l’utilisation animale et son remplacement par des méthodes alternatives (vidéo numérique, logiciels multimédia).
2. Sur le plan pédagogique, des études ont montré que le niveau d’apprentissage n’utilisant pas les animaux est au moins aussi performant, voire meilleur que celui lié aux dissections. Sur onze publications citées entre 1989-2006, neuf ont évalué l’acquisition de compétences en chirurgie de futurs vétérinaires, dont 45,5% (5/11) ont démontré des résultats d’apprentissage supérieurs en utilisant des alternatives ; 45,5% (5/11) ont démontré des résultats d’apprentissage équivalents, et 9,1% (1/11) ont démontré un niveau d’apprentissage moindre. Vingt et une études concernant des étudiants non vétérinaires dans des disciplines proches (biologie) ont également été publiées de 1968 à 2004, dont 38,1% (8/21) ont démontré un résultat supérieur ; 52,4% (11/21) ont démontré une équivalence, et 9,5% (2/21) ont démontré des résultats d’apprentissage inférieurs en utilisant des méthodes alternatives (réf. 1).
3. Sur le plan éthique, il faudrait également se poser la question du coût-bénéfice étant donné le nombre infime d’étudiants qui poursuivront ensuite une carrière dans la recherche biomédicale versus le chiffre grandissant d’objecteurs de conscience parmi les étudiants qui refusent les dissections, ceux-ci étant ensuite pénalisés ou stigmatisés.
4. Les articles 4 et 47 de la directive 2010/63/UE prévoient de remplacer les animaux dans le cas où il existe des méthodes substitutives performantes. Or, les outils d’enseignement sans animaux actuellement disponibles répondent à ces critères. Pour en citer quelques exemples : la vidéo numérique, les logiciels multimédia et la réalité virtuelle, des modèles éducatifs, des mannequins et des simulateurs (réf. 2).
Enfin, et selon sa demande, je joins à cette lettre une pétition lancée par un professeur de SVT, intitulée « Pour l’abandon définitif des dissections au collège et au lycée » qui, à ce jour, a récolté plus de 87.000 signatures : https://www.change.org/p/ministère-de-l-education-nationale-pour-l-abandon-définitif-des-dissections-au-collège-et-au-lycée
Dans l’attente de votre réponse, je vous prie de croire, Madame la Ministre, à l’assurance de mes respectueuses salutations.
Dr André Ménache
Directeur Antidote Europe
www.antidote-europe.org
Références bibliographiques :
1. http://altweb.jhsph.edu/wc6/paper213.pdf
2. https://antidote-europe.eu/enseigner-sans-animaux/