Après des décennies de discussions au sujet de la toxicité du bisphénol A (BPA), la Commission européenne interdit, fin décembre 2024, l’utilisation de cette substance dans les matériaux pouvant être en contact avec les aliments. Antidote Europe se réjouit de cette décision à laquelle elle appelle depuis de nombreuses années.
C’est enfin acté ! En date du 19 décembre 2024, le Journal officiel de l’Union européenne publie le règlement 2024/3190 dont l’article 3 stipule : « L’utilisation du BPA et de ses sels dans la fabrication des matériaux et objets entrant en contact avec des denrées alimentaires visés à l’article 1er, paragraphe 2, et la mise sur le marché de l’Union de matériaux et objets entrant en contact avec des denrées alimentaires fabriqués à l’aide de BPA sont interdites. » (1)
Le BPA a été massivement utilisé pour la production de matières plastiques telles que bouteilles, revêtement de canettes ou autres emballages alimentaires. Or, il pourrait se détacher de ces matériaux et, de ce fait, contaminer les aliments eux-mêmes, ce qui entraînerait une exposition du consommateur. En 2018, un règlement européen interdisait l’utilisation du BPA dans la fabrication de biberons et autres produits destinés à contenir des aliments pour nourrissons et enfants en bas âge. Cette substance a eu si mauvaise presse que certains fabricants l’ont remplacée à grand renfort de publicité comme, par exemple, sur les tickets de caisse de supermarché où il est indiqué : « papier certifié sans bisphénol A ». Toutefois, elle est encore utilisée dans plusieurs secteurs d’activité (2).
Mandatée en 2016 pour réévaluer la toxicité du BPA, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a rendu sa copie en 2023, établissant une dose journalière tolérable 20.000 fois inférieure à celle qu’elle avait établie en 2015. Cette dose serait supérieure à notre exposition, d’où « une préoccupation pour la santé pour tous les groupes de la population », préoccupation qui a mené à l’interdiction de l’utilisation du BPA sauf pour certaines applications spécifiques comme des membranes de filtration ou des vernis de cuves et citernes de transport de denrées alimentaires. Ces applications sont toujours autorisées car d’une part il semble trop problématique de trouver des substances de remplacement et d’autre part des précautions seraient prises pour réduire la présence résiduelle de BPA.
Les fabricants qui utilisent encore le BPA ou un autre bisphénol (notamment le bisphénol S dont l’utilisation est autorisée) ou dérivé dangereux des bisphénols sont invités à rechercher des solutions de remplacement, surtout s’il s’agit de grandes entreprises qui disposent de ressources plus importantes que les PME. Pour certaines applications, la Commission européenne accorde dix-huit mois mais prévoit qu’un délai supplémentaire sera nécessaire pour certains matériaux et objets spécifiques (revêtement de boîtes de conserve ou de couvercles de bocaux en verre, ou encore, moules à confiseries, par exemple).
Quelle toxicité pour l’être humain ?
Dès 2005, Antidote Europe à peine créée, nous attirions déjà l’attention sur la toxicité du BPA après avoir nous-mêmes dirigé une étude sur des cellules humaines montrant que l’activité de gènes importants était perturbée (3). La structure du BPA est proche de celle du diéthylstilbestrol, tristement connu pour les cancers et autres problèmes causés à des filles et petites-filles de femmes ayant pris ce médicament pendant leur grossesse. Or, deux molécules de structure chimique proche pourraient avoir des activités biologiques ayant des points communs.
Comme dans d’autres domaines, nous avons dénoncé le recours au « modèle animal » pour établir la toxicité du BPA pour l’être humain, déplorant que les résultats obtenus sur des animaux puissent mener à des conclusions contradictoires et, ainsi, masquer des effets toxiques pour l’homme. Nous nous sommes investis dans une longue et intense campagne, produisant un clip vidéo pour attirer l’attention du grand public, écrivant aux agences de sécurité sanitaire, à des élus, à des ministres, aux médias…
C’est donc avec joie que nous accueillons la décision de la Commission européenne de cette fin 2024, même si elle est tardive par rapport à la masse de données scientifiques disponibles depuis longtemps. Nous remercions tous les donateurs et militants qui nous ont aidés à produire et à diffuser des informations. La victoire ne sera pas totale tant que les substances de remplacement du BPA ne seront pas utilisées pour toutes les applications mais, et c’est déjà beaucoup, le règlement existe enfin !
Paris, le 20 octobre 2015 – L’Université de médecine de Buenos Aires, en Argentine, accueillait, les 15, 16 et 17 octobre, la Troisième Conférence nationale des médecins de villes aspergées de pesticides. Depuis plusieurs années, ces médecins constatent les ravages causés à la santé humaine par les pulvérisations de pesticides sur les cultures (notamment de soja transgénique) occupant les champs qui entourent leurs villes.
Cancers, malformations des nouveau-nés, avortements spontanés, etc. sont observés dans ces zones à des taux plus importants que dans d’autres régions. « Le système perdure sur la base du déni et de la dissimulation de l’impact sur la santé et des affirmations répétées des multinationales (qui fournissent les pesticides et les semences transgéniques) sur la non toxicité de leurs poisons agricoles (par exemple, « vous pouvez boire du Roundup sans aucun danger », et « le glyphosate est comme de l’eau salée »). », signalent les organisateurs de cette Conférence.
Pourtant, des méthodes de toxicologie modernes et fiables, sans recours aux tests sur des animaux -souvent trompeurs-, permettent de mettre en évidence la toxicité des substances chimiques, et des cocktails de substances chimiques, pour l’homme. Pionnière en Europe pour l’utilisation de la toxicogénomique, par exemple, Antidote Europe en a fait la démonstration dès 2005, en évaluant la toxicité d’une quinzaine de pesticides, puis en 2012, en mettant en évidence l' »effet cocktail ».
Cette Conférence ajoute un élément de poids à tous ceux qui s’accumulent depuis des décennies, en France et ailleurs pour montrer, par l’épidémiologie, le rôle de la pollution chimique dans la dégradation de notre santé.
Mais Antidote Europe, comité scientifique oeuvrant pour la promotion des méthodes de recherche les plus pertinentes pour l’homme en toxicologie et en biomédecine, pose cette question aux autorités responsables de la règlementation et de la santé publique : ne vaudrait-il pas mieux évaluer la toxicité des substances chimiques par des méthodes scientifiques, fiables pour l’homme, rapides et relativement peu coûteuses avant d’exposer la population ?
Nous connaissions déjà les effets du bisphénol A. Voilà que de nouveaux perturbateurs endocriniens ont été mis en évidence dans des poissons gras sauvages ou d’élevage. C’est très inquiétant car ces substances peuvent avoir des effets biologiques à des doses bien inférieures à celles prises en compte par la réglementation.
Par Claude Reiss
Les hormones sont produites par des cellules spécialisées dans certaines glandes et tissus. Elles sont transportées par le sang et agissent sur des cibles éloignées de leur lieu de production. Une fois dans le courant sanguin, les perturbateurs endocriniens que nous absorbons à notre insu seront, eux aussi, transportés vers les cibles de nos hormones et pourront se substituer à elles mais en produisant des effets différents.
L’industrie chimique déverse sur la planète annuellement des dizaines de millions de tonnes de molécules dont beaucoup agissent comme des hormones, perturbant notre propre système hormonal. Ces perturbateurs endocriniens (PE) ont des activités délétères de plus en plus visibles dans la population humaine : carences au cours du développement embryonnaire, cancers dépendants d’hormones (sein, prostate), infertilité, obésité, malformations génitales, problèmes neurologiques de plus en plus fréquents chez les enfants et les adolescents (hyperactivité, déficit d’attention, etc.). Ces manifestations commencent à inquiéter les autorités sanitaires, qui cherchent à identifier ces perturbateurs, leurs cibles et leurs effets sanitaires. Or, les PE ont un comportement inhabituel : ils ont une très forte activité à des concentrations infinitésimales, en contradiction avec le principe de Paracelse (« la dose fait le poison »).
Des effets spectaculaires
Celles de nos cellules qui réagissent à l’activité hormonale sont munies de récepteurs spécifiques d’une hormone donnée, ou de son PE de substitution s’il est présent. Une fois attachée au récepteur, l’hormone déclenche dans la cellule une activité biochimique particulière qui peut être très intense. Chez la poule en période de ponte, par exemple, une molécule d’œstradiol (de l’ordre du millième de milliardième de milliardième (10-21) de gramme) relâchée par l’hypophyse se fixe sur son récepteur spécifique sur une cellule de l’oviducte en charge de produire le blanc d’œuf. Sous l’action de cette dose infime, cette cellule va fabriquer plusieurs centaines de fois son poids en blanc d’œuf par jour. La fabrication cesse en l’absence d’œstradiol, quand la poule cesse de pondre.
On comprend que ce type d’activité ait longtemps échappé aux chimistes, plus habitués à manipuler des doses mesurables à l’aide d’une balance. Dans les précédentes Notices, nous avons mentionné le bisphénol A (BPA), un polluant PE ubiquitaire dont nous sommes tous imprégnés, à notre insu. Il s’est glissé dans notre organisme par nos aliments, l’eau du robinet, les emballages alimentaires. Après une décennie de dénégations véhémentes, l’Agence européenne de sécurité des aliments a fini par reconnaître le danger –et son ignorance- et diviser par 10 la dose journalière acceptable, une mesure présentée comme provisoire en attendant des travaux pour lesquels d’autres laboratoires sont sollicités. Or, il y a urgence. On estime que les dégâts dus au BPA coûtent à la couverture sociale des milliards d’euros, rien que pour son rôle dans l’obésité des enfants et les maladies cardiovasculaires des adultes.
Les mêmes craintes pèsent sur d’autres PE, en particulier ceux contenant au moins deux noyaux benzéniques (un anneau de 6 atomes de carbone portant en alternance un ou deux atomes d’hydrogène). Le BPA fait partie de la famille des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), dont les dérivés chlorés (hydrogène remplacé par le chlore), notamment les polychlorobiphényles (PCB) ont la faveur de l’industrie chimique, car ils sont plutôt stables et très actifs. On les retrouve dans nombre de pesticides (Alaclor, Pyranol, DDT…). Le hic est que les HAP et les PCB sont très souvent des PE, mimant l’effet d’hormones comme l’œstradiol (puberté précoce chez les filles) ou leurrant les récepteurs hormonaux, donc empêchant une activité hormonale au moment où l’organisme y a recours (mise en place des caractères sexuels secondaires chez les garçons).
Bien qu’agissant à des concentrations infinitésimales, ces activités délétères qui ne se manifestent pas brutalement comme une toxicité aiguë, peuvent accompagner la victime durant sa vie, affectant la croissance, le système cardiovasculaire et la circulation sanguine, le système neuronal (troubles du comportement, insomnies, humeur instable…), les fonctions sexuelles et reproductrices (infertilité masculine, ménopause précoce, malformations génitales) et prédispositions à l’obésité, au diabète et, bien entendu, aux cancers.
Ces produits ont souvent une activité épigénétique, c’est-à-dire qu’ils stimulent ou répriment l’expression de certains gènes sans les muter, en modifiant chimiquement leurs environnements (chromatines) dans le chromosome. Ces modifications peuvent persister durant la division cellulaire et dans les gamètes, donc peuvent concerner les générations à venir. HAP, PCB, pesticides, etc., sont déversés sur la planète à l’échelle de millions de tonnes par an, soit en moyenne plusieurs kilos par personne. Ne parlons pas des effets toxiques des métabolites (produits dérivés de la substance après passage de celle-ci par le foie) de ces substances et de leurs effets synergiques, nous ne voulons pas désespérer nos lecteurs !
On trouve les affections ci-dessus principalement chez les adultes et les adolescents, mais souvent elles se mettent en place dès le stade fœtal et affectent le développement, jusqu’à présent de façon irréversible car elles résistent à toute correction médicale connue. C’est le cas des troubles évolutifs du développement (spectre d’Asperger, autisme) dont la morbidité s’envole depuis plus d’une décennie (aujourd’hui, un autiste sur 100 naissances en France !). Le BPA pourrait être l’une des substances en cause, car nos expériences de toxicogénomique ont montré que ce produit interfère avec la mise en place du système nerveux central chez l’homme (voir le hors série de La Notice d’Antidote).
Nous avons mené campagne avec un demi succès puisque le BPA est interdit dans les biberons, qui portent à présent un étiquetage triomphal « BPA free ». Mais le BPA est toujours autorisé dans les canettes, barquettes, bouteilles plastiques (le BPA sert de plastifiant) etc., et donc continue à imprégner les bébés nourris au sein (le BPA passe dans le lait maternel) et tous ceux qui ont passé le stade bébé, soit plus de 99% de la population.
Les nouveaux vilains
Or, voilà qu’apparaît une autre famille de substances « miracle » : les BDPE (BromoDiPhényl Ethers). Ce sont des produits ignifuges fabriqués à raison de 2,5 millions de tonnes par an. Ils sont intégrés à des plastiques (appareils électriques et électroniques), rembourrages (coussins en mousse de polyuréthane), moquettes, tapisseries, vernis… Ils sont donc présents dans l’air (y compris intérieur, écoles, lieux de travail), dans le sol où ils sont très persistants et même dans l’eau, bien qu’ils n’y soient pas solubles.
Par contre, ils sont très solubles dans les graisses animales, d’où une bioaccumulation importante et persistante. Les organismes aquatiques, filtrants (moules) ou poissons, gras en particulier, en absorbent beaucoup et les métabolisent comme hydroxy-BDPE ou métoxy-BDPE, beaucoup plus toxiques pour l’homme que le BDPE lui-même. Cette toxicité accrue des métabolites s’explique par une structure très proche des principales hormones thyroïdiennes, les thyroxines, qui sont des IodoDiPhényl Ethers. Le niveau de ces hormones dans l’organisme est soigneusement régulé, notamment par l’hypophyse et des boucles de rétroaction. Un excès (hyper-thyroïdie) ou une carence (hypo-thyroïdie) entraînent d’importants troubles physiologiques.
Il n’est donc pas étonnant que les métabolites des BDPE et des IDPE interfèrent entre eux dans l’organisme, notamment par compétition pour les transporteurs et les récepteurs de l’IDPE. Beaucoup d’activités dommageables des BDPE se manifestent comme l’hyper-thyroïdie :
– Effets sur la croissance et le développement fœtal, en particulier pour son système nerveux central. Les niveaux d’IDPE sont critiques dans les premiers mois de la vie, où ils assurent la mise en place des connexions neuronales, la myélinisation (gaine entourant les cellules neuronales). A la fin du premier mois de la gestation, le fœtus dépend des thyroxines de sa mère. Leur défaut peut empêcher la fermeture du tube neuronal (risque de spina bifida). La présence du BDPE, mimant un excès de thyroxine (hyperthyroïdie), favorise la différentiation des cellules neuronales au détriment de leur prolifération (cerveau de petit volume). D’après des données américaines récentes, de faibles quantités de BDPE suffisent à endommager les mitochondries neuronales qui fournissent l’énergie aux cellules, alors qu’elles en ont un besoin vital. (Chez l’adulte, l’hyperthyroïdie se traduit par l’irritabilité et l’excitabilité).
– Effets sur le squelette. Le BDPE stimule anormalement la maturation et la différentiation osseuse (ossification du cartilage) du fœtus, qui se poursuit en post-natal et favorise la petite taille (et l’ostéoporose chez l’adulte).
– Effets sur le métabolisme basal (thermogenèse), glucidique (hyperglycémie, diabète ?), lipidique (synthèse de cholestérol, tachycardie, AVC ?), protéïque (catabolisme excessif), rénal (augmente la filtration et le débit sanguin).
Les analogues des BDPE dans lesquels le brome a été remplacé par un autre halogène (fluor dans les perfluorés, chlore dans les PCB), présentent des activités semblables, du fait de leurs remarquables proximités structurales avec l’IDPE.
Claude Reiss a été interviewé sur ce sujet par la Radio Télévision Suisse pour l’émission « A Bon Entendeur » du 22 octobre 2013. Il fait partie des référents scientifiques de cette émission de défense des consommateurs.
Peut-on se défendre ?
Face à cette avalanche de problèmes déjà bien présents et qui vont aller en s’amplifiant, les ministres Martin (environnement) et Touraine (santé) ont lancé une consultation publique fin août 2013 pour développer une stratégie nationale sur les PE. Nous y avons répondu, recommandant de mettre en œuvre la toxicogénomique sur cellules humaines (à présent pluripotentes induites plutôt que lignées établies), visant les gènes des récepteurs hormonaux stéroïdiens et thyroïdiens ainsi que l’ensemble des gènes que nous avons déjà examinés dans nos études de toxicogénomique en 2004 (voir le hors série de La Notice d’Antidote).
Outre ses avantages en termes de fiabilité pour l’homme, de coût supportable et de rapidité d’évaluation, cette méthode a deux avantages uniques : permettre l’évaluation des métabolites des PE et l’évaluation de mélanges de PE, comme nous l’avons montré pour les substances chimiques en 2004 et les pesticides en 2012 (voir La Notice d’Antidote de septembre 2012 et notre site).
Malgré (ou peut-être à cause des ?) les activités dommageables des BDPE, les lobbies de leurs fabricants s’affichent non loin des bureaux de la Commission européenne. Le panel VECAP (Voluntary Initiative of the European Brominated Flame Retardant Industry Panel) regroupe plus de 80% des industriels du secteur ; un projet EBFRIP (Together with the industry’s global organisation) et un Forum BSEF (Bromine Science and Environmental Forum), richement dotés, diffusent depuis 2008 les « meilleures pratiques »… comprenez « la bonne parole » !
Mais que fait donc REACH, la règlementation européenne en matière de substances chimiques, entrée en vigueur en juin 2007 ? La mainmise des lobbies sur Bruxelles, le « Brussel’s Business » visible sur le Net, serait donc une réalité ?
Mesdames, si vous vous apprêtez à attendre ou si vous attendez un bébé : pas de poisson gras, pas de saumon fumé, surtout d’élevage, 10 fois plus riche en BDPE que le sauvage. Si votre bébé est là, bannissez les matelas et coussins en mousse, les couvertures en synthétique, exigez des produits garantis sans retardateurs de flamme, aérez sa chambre. Votre enfant vous en remerciera, quand il sera « normal » une fois grand !
Un rapport du gouvernement sur les perturbateurs endocriniens prévoit de tester 5 substances par an sur trois ans… (1) Et pourquoi pas les 800 substances suspectées par l’OMS en quelques mois ? Antidote Europe fournit la méthode.
Perpignan, le 26 septembre 2013 – Un petit exercice de calcul mental à proposer aux écoliers en cette période de rentrée scolaire. Un rapport des ministères de la Santé et de l’Environnement sur les perturbateurs endocriniens (substances chimiques susceptibles de porter atteinte à la santé humaine) recommande « d’expertiser au moins 5 substances par an pour évaluer leur caractère perturbateur endocrinien ». C’est probablement le temps qu’il faudrait, et une dizaine de millions d’euros, pour étudier ces 5 substances sur des « modèles » rats ou souris, comme on l’a fait jusqu’ici. Sachant que l’on soupçonne des milliers de substances dans lesquelles nous baignons d’être des perturbateurs endocriniens, combien faudrait-il de millénaires pour les tester ? Et pour tester leurs mélanges dans notre corps ? Et combien de milliards d’euros faudrait-il investir pour connaître leurs effets sur les rongeurs ?
Sans doute un peu effrayés par ces chiffres, les ministères ont lancé une consultation publique pour définir « la future stratégie nationale » d’évaluation des perturbateurs endocriniens. Antidote Europe y a répondu (2) le 20 septembre 2013, date de clôture de la consultation. Ce comité scientifique propose une méthode pour évaluer les perturbateurs endocriniens non pas sur des rongeurs, mais sur des cellules humaines en culture, de façon fiable pour l’homme et reproductible. Cette méthode, la toxicogénomique, permet d’évaluer facilement des milliers de substances par an (et non 5) pour un coût de l’ordre du millième de celui des tests sur des animaux. Cette méthode est parfaitement adaptée pour évaluer les effets des substances pures, de leurs métabolites et de leurs mélanges, sur l’homme, la femme, les bébés, les enfants, les adolescents, les adultes et les séniors, en plus selon leurs ethnies.
Antidote Europe reste à la disposition des autorités en charge de la santé publique pour fournir un programme détaillé et une expertise technique.
Contact médias :
Claude Reiss : 04 76 36 35 87
Président d’Antidote Europe
Ancien directeur de recherche au CNRS
(1) page 32 du rapport « Propositions pour une stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens »
(2) Texte de la contribution d’Antidote Europe à la consultation publique :
Les perturbateurs endocriniens (PE) exogènes, et plus particulièrement ceux produits à l’échelle industrielle, sont une menace grave pour la santé publique. On a déjà beaucoup trop tardé à les identifier et à en caractériser les effets individuels ou en mélanges, car ils se manifestent lourdement dans les incidences et prévalences de morbidités sévères comme l’explosion des cancers dépendant d’hormones, la chute de la fertilité masculine, l’augmentation du taux de malformations génitales mâles et la puberté de plus en plus précoce des filles.
Il ne s’agit pas d’examiner quelques candidats-PE, mais plusieurs centaines ou milliers, dont ceux déjà retenus par l’OMS et bien d’autres, soupçonnés à juste titre, ainsi que leurs mélanges dans l’organisme. Il s’agit donc d’évaluer rapidement, de façon fiable pour notre espèce et à un coût raisonnable, des milliers de PE et mélanges de PE pour leur capacité à perturber le système endocrinien humain, les éventuels effets sanitaires sur l’organisme et les conséquences trans-générationnelles.
Jusqu’ici, l’étude des PE se faisait sur des animaux pris comme « modèles » de l’homme. De telles études doivent être abandonnées, en premier lieu parce qu’aucune espèce animale n’est un « modèle » biologique fiable pour une autre (conséquence de la définition d’une espèce, son isolement reproductif). D’ailleurs, le test sur animaux est versatile, car même dans une espèce donnée, des lignées différentes ont des sensibilités très différentes aux PE (ex. les souris mâles CD-1 sont peu sensibles aux estrogènes, alors que les C57BL/6J le sont 15 fois plus). Enfin, les tests sur animaux imposent des contraintes matérielles insoutenables à cause de coûts et de délais prohibitifs (selon le NTP US, en moyenne l’évaluation d’une substance sur des animaux coute $3-4 millions et demande 2-3 ans).
Aujourd’hui, les progrès scientifiques permettent d’éliminer toutes ces difficultés. C’est notamment le cas de la toxicogénomique, une méthode qui identifie et quantifie les dérégulations de gènes dans la cellule en culture lorsqu’elle est exposée à une substance à évaluer, à concentration et pendant un laps de temps donnés. Le coût de la méthode est assez élevé (de l’ordre de €1000 par test) si l’on s’intéresse à la dérégulation de tous les gènes humains, mais peut être divisé par 10 ou 100 par un choix judicieux des gènes à examiner.
Antidote Europe, qui a été l’un des pionniers en Europe pour la mise en œuvre de la toxicogénomique sur des lignées de cellules humaines, a précisément développé une mini-toxicogénomique à haut débit (HTminiTXG). A cette fin, nous avons sélectionné, dans une liste de 1100 gènes humains connus pour être impliqués dans des réponses toxiques, quelques dizaines de gènes qui marquent l’entrée de la cellule dans des voies pathologiques choisies (compte-rendu détaillé de nos expériences sur ArrayExpress, réf. E-TOXM-31 et A-MEXP-798). Nous avons notamment sélectionné des gènes marqueurs de la réponse au PE (récepteurs d’androgènes, estrogènes, corticoïdes, gènes répondant à la stimulation hormonale, notamment la prolifération…), permettant d’identifier les agonistes ou antagonistes des récepteurs hormonaux et d’en évaluer les conséquences physiologiques et pathologiques.
A l’échelle (artisanale) d’Antidote Europe, cette HTminiTXG s’est avérée rapide (résultat disponible peu après la fin du test) et économique (moins de €150 par test, main d’œuvre et consommables compris). Elle fournit d’utiles informations sur les mécanismes d’action des PE, leurs impacts éventuellement pathologiques sur le développement, les enfants en bas âge, la puberté, la fertilité, les risques oncologiques, etc. (voir en annexe un extrait de notre test PE du bisphénol A (BPA) effectué en 2004). La méthode est aisément robotisable.
Annexe: dérégulations par le BPA d’une sélection de gènes liés à la réponse hormonale
CTSD: cette protéinase impliquée dans des gènes régulés par des estrogènes est fortement réprimée par les métabolites du BPA
RAN: les métabolites du BPA sont responsables de la déficience dans la translocation d’ARN à travers les pores nucléaires, dans le contrôle de la synthèse d’ADN et de la progression du cycle cellulaire, dans la condensation des chromosomes, la polymérisation de microtubules durant la mitose, dans la coactivation de récepteurs androgènes
CREB1 : les métabolites du BPA sont responsables de la déficience dans la transcription de gènes répondant aux stimulations hormonales
CALR est un modulateur de la transcription par les récepteurs hormonaux nucléaires. Le BPA inhibe la fixation du récepteur glucocorticoïde à sa cible ADN normale, par exemple du récepteurs androgènes à l’élément de l’ADN répondant à cette hormone, et de ce fait inhibe l’activité du récepteur androgène ou d’acide rétinoïque. Ainsi, le BPA inhibe la différentiation neuronale induite par l’acide rétinoïque. Le BPA stimule aussi le stockage de Ca++ dans le lumen de l’ER (arythmie cardiaque)